Né à Alger le 21 janvier 1928, exécuté par des soldats français le 5 juin 1956 lors de la dislocation du maquis communiste des Combattants de la libération dans le massif de l’Ouarsenis ; membre du bureau de l’Union des Jeunesses démocratiques ; employé à Alger Républicain ; aspirant rappelé opérant le détournement du camion d’armes dans une opération montée par le PCA, le 4 avril 1956.
Entre ses sœurs, auprès de sa mère, Henri Maillot est ce garçon renfermé qui grandit à la petite maison de la rue des Roses au quartier périphérique du Clos Salembier achetée par le chauffeur éboueur André Maillot syndicaliste et communiste. Bon élève en calcul à l’école du quartier, il passe, en 1940, en classe de 6e à une école du Centre-ville, rue Horace Vernet. Il fera après la 3e, trois années d’études commerciales pour avoir, en 1947, un diplôme de comptabilité.
Depuis 1943, les Jeunesses communistes, comme on dit le plus souvent, se reconstituent sous l’impulsion de Duval, pseudonyme du futur Henri Alleg, d’Ahmed Kellef* ou encore d’Alfred Strich*. Se voulant plus ouvertes, dans l’esprit de la Résistance française, elles prennent le nom de Jeunesses démocratiques. Les jeunes du Clos Salembier se retrouve au local du quartier de La Redoute (El Mouradia), mis à disposition par le commerçant de jouets et vaisselle Henri Benhaïm dont les enfants, Pierre d’abord, puis la toute jeune Marlyse Benhaïm, se font les animateurs. Leur héros est Guy Moquet, jeune communiste français de dix-sept ans, otage fusillé par les Allemands. Présent en Algérie pour y avoir été détenu, le père Prosper Moquet n’a-t-il pas été reçu à la maison Benhaïm ?
Ces jeunes diffusent L’Avant-Garde, font de la propagande auprès des soldats français nombreux en stationnement, organisent des sorties randonnées, donnent quelques soirées et des bals, s’employant à mêler les origines des garçons dits musulmans, comme Noureddine Rebbah, Hamou Kraba, Ahmed Akkache, quelques rares filles de familles juives ou « européennes » communistes, toutes et tous se disant la jeunesse algérienne.
En février 1946, les délégués de quatre-vingt cercles de Jeunesses, constituent l’Union de la jeunesse démocratique d’Algérie, partie prenante de l’Union démocratique mondiale dans l’orbite soviétique. En 1949, avec une importante délégation d’Algérie, Henri Maillot va au Festival mondial de la Jeunesse à Budapest. À la mode des scouts ou des Routiers récupérés après l’époque Pétain, la direction communiste rassemble de grands camps de vacances, ainsi dans l’été 1947 au sommet de l’Atlas de Blida, à Chréa, ce regroupement de cinq cent jeunes pendant une semaine nommé la République des jeunes ; République algérienne s’entend, avec ses chants et ses oriflammes. Le communisme est l’avenir du monde et déjà l’avenir de l’Algérie. Henri Maillot prend la relève de Marlyse Benhaïm comme secrétaire du cercle Clos-Salembier-Redoute.
Il doit d’abord faire son service militaire. Après avoir travaillé quelques mois à l’entreprise Jeumont au Champ de manœuvre à Alger, il est appelé en février 1948 au camp franco-anglais de Maison-Carrée, à l’entrée d’Alger. À la différence d’Hamid Gherrab qui a reçu, du Parti, instruction de faire les EOR, le peloton pour être officier, recommandation habituelle aux jeunes les plus aptes, il semble que c’est de lui-même en parfait jeune communiste qui se doit d’être prêt pour se dévouer à la cause, que le jeune homme qui se conforme sans rien dire, va suivre à l’École d’Officiers de Cherchel, la section des élèves sous-officiers ouverte depuis 1945, et qui vous fait aspirant réserviste à la sortie.
En octobre 1948, il part à l’École du Train à Tours, en métropole donc. Face aux grèves des mineurs, des cheminots, de la sidérurgie, le ministre de l’intérieur, le socialiste SFIO Jules Moch, fait appel à la troupe. Henri Maillot, dans l’obéissance silencieuse, se retrouve dans le Pas-de-Calais, l’arme au pied aux puits de mines de Barlin près de Béthune (la main-d’œuvre est déjà largement nord-africaine). En décembre, une permission lui vaut de faire un peu connaissance avec Paris ; en février 1949, il passe son examen de fin de stage qui va le faire aspirant du Train, regagnant les casernes de Beni-Messous près d’Alger pour être démobilisé sur place.
Une femme algérienne, connue à l’Union des femmes et dirigeante communiste, entre dans sa vie, accompagnatrice dans l’ombre ; Henri Maillot continue à vivre chez ses parents, très attentionné pour sa mère et ses sœurs. Cette femme est alors connue sous le nom de Baya Allaouchiche, nom de son mari (voir à son nom de naissance : Baya Bouhoune). Mariée plus tard à Jacques Jurquet, Baya a souhaité que, jusqu’à sa mort intervenue à Marseille le 7 juillet 2007, il ne soit pas fait état de cette liaison. Voici citation de la lettre de Jacques Jurquet à René Gallissot datée du 27 mai 2008, donnant son accord pour parler de cette relation : « Désormais je pense que l’on peut ouvertement évoquer cette relation comme l’a fait publiquement Jean-Luc Einaudi dans une soirée d’hommage à Baya qui a été organisée à Marseille par ses anciennes amies algériennes. Baya et moi-même sommes toujours restés très concernés par la mémoire d’Henri Maillot en sa qualité de militant communiste authentique. De fait, elle n’avait jamais vécu avec lui, étant mariée et habitant avec son cousin qui avait une seconde femme en dehors d’elle. De 1949 à sa mort, elle est restée son amie (d’H.M.) la plus discrète possible. La direction du PCA s’opposait d’ailleurs à cette liaison ».
En 1949, Henri Maillot retrouve les Jeunesses et entre au Bureau national de l’Union démocratique d’Algérie. Il est employé comme comptable à la société Mobil Oil qui a ses bureaux dans le nouvel immeuble tour au bas d’Alger, le Mauritania, tout en vitrages. Il monte en grade ; cependant après plus d’un an, il est renvoyé, un peu comme son père. À son arrivée, le personnel n’était pas syndiqué, aussi avait-il organisé un syndicat CGT. Jean Maillet*, l’administrateur communiste, l’appelle à venir travailler aux services de l’imprimerie d’Alger Républicain à Bab-el-Oued, rue Koechlin ; il y demeure comme comptable auprès du nouveau directeur administratif, Jules Molina*, lui aussi un communiste victime de licenciement. En 1953, H. Maillot devient responsable des ventes aux côtés de Jacques Salort, administrateur du journal, à son siège dans les locaux près de la Grande Poste. Tout silencieux qu’il soit, il a le contact avec tout le réseau communiste de distribution. À la suite du tremblement de terre d’Orléansville, il est avec les journalistes d’Alger Républicain dans cette vallée du Chelif, se retrouvant à l’automne 1954, avec les communistes locaux en compagnie de Marlyse Benhaïm qui est institutrice à Oued Fodda.
Au congrès du PCA de mars-avril 1952, il fait sa dernière intervention au nom du Bureau de l’Union des jeunesses. Il est connu comme un communiste rigoureux faisant valoir l’autonomie du PCA dans les relations avec les Scouts musulmans ou l’Association de la jeunesse algérienne pour l’action sociale (AJAAS) autour du professeur Mandouze et des enfants Chaulet ; il rencontre Salah Louanchi qui appartient à ce milieu et milite au MTLD, mais ne prend pas part aux rencontres du groupe à Sidi-Feruch. Il est, avec le PCA qui s’algérianise en faisant monter des jeunes, un partisan pour l’avenir d’une République démocratique algérienne, et pour l’heure de la formation entre les différentes composantes politiques nationales et à gauche, d’un Front démocratique algérien. Au sortir de la crise du MTLD par le passage à l’insurrection en novembre 1954, il fait partie de ceux que l’on nomme l’équipe d’Alger Républicain, sensible à la lutte nationale armée, mais à la différence d’un Yahia Briki, dans la pleine obéissance et même en attente des ordres de la direction du PCA.
Pour le journal, Henri Maillot se rend dans le Constantinois après l’offensive de l’ALN et les massacres de la répression de la fin août 1955 ; de retour à Alger, dans des rencontres avec Bachir Hadj-Ali et les dirigeants clandestins du PCA, on évoque en a parte, l’intention de constituer des groupes armés communistes ; l’idée est retenue depuis une réunion clandestine du Comité central du 20 juin 1955. Par ailleurs, ou parallèlement, avec André Moine et Lucien Hanoun, le PCA assiste l’envoyé du PCF, appelé Alfred Gerson, arrivé en septembre, pour sortir une feuille à l’adresse du contingent français La Voix du soldat.
Un 2e passage à Constantine révolte d’horreur plus particulièrement Henri Maillot en voyant un militaire français tuer un bébé dans les bras de sa mère, en lui mettant un revolver dans la bouche. Ses camarades l’entendent au retour tenir des propos définitifs sur l’urgence de l’action armée et la nécessité d’éliminer les colons massacreurs et les militaires assassins. Or, voici que l’aspirant de réserve Henri Maillot est rappelé en service actif en octobre 1955, en principe pour trois mois.
À la caserne de Miliana, il est chargé de gérer le magasin d’armes. Comme il suit l’orientation du PCA qui veut constituer à son compte les groupes armés des Combattants de la libération, il s’est ouvert à William Sportisse qui en témoigne, de la possibilité d’avoir des armes par un détournement de chargement ; celui-ci transmet à Bachir Hadj-Ali. Il y a préméditation puisqu’à la fin janvier, Henri Maillot a fait prolonger de 6 mois son rappel au service. La direction clandestine du PCA approuve et met le projet en préparation avec le concours de communistes sûrs notamment Jean Farrugia*, Joseph Grau, Jean Clément (un pseudonyme).
Pour un convoyage d’armes, Henri Maillot se rend à Alger le 4 avril 1956 ; à midi il invite le soldat chauffeur du camion encore largement chargé à déjeuner ; en forêt de Baïnem au-dessus d’Alger, le chauffeur est laissé chloroformé et attaché à un arbre tandis que les armes sont mises en dépôt en réserve dans des futs ; quelque 126 mitraillettes, 26 fusils, 54 revolvers et des milliers de cartouches.
Le deuxième temps qui commence est lié aux négociations entre la direction du PCA (Bachir Hadj-Ali et Sadek Hadjerès) et celle du FLN à Alger (Ramdane Abane et Benyoussef Ben Khedda) ; le partage des armes joue sur la balance à l’avantage du PCA d’abord qui veut avoir une place autonome dans l’ALN et exister comme parti. Pour ouvrir la discussion, un premier petit lot est livré ; vers la mi-mai, la plus grande part des armes est remise au FLN ; la petite part doit aller aux groupes des Combattants de la libération et au maquis proprement communiste dont la mise en place s’effectue au-dessus d’Oued Fodda dans le massif qui domine le Chéliff.
La dislocation du maquis rouge dispense ensuite le FLN d’accorder quelque reconnaissance au PCA ; les ralliements à l’ALN seront individuels par fusion. Le PCF qui vient de faire voter par ses députés les pouvoirs spéciaux pour l’Algérie au gouvernement (12 mars 1956) met quelque temps avant de citer l’action du communiste algérien Henri Maillot, dénoncé par la grande presse comme l’aspirant félon ou le traître au service de Moscou. Le PCA donne sa justification dans le texte diffusé en tract à la fin mai 1956, signé Henri Maillot pour « expliquer son action ». Il s’adresse principalement aux « Algériens européens » ; « Il est dans leur possibilité d’éviter à notre pays des ruines et des deuils, en œuvrant avec les Démocrates et les progressistes européens pour la construction d’une Algérie nouvelle où le racisme sera banni. » L’acte d’Henri Maillot prouve que l’Algérie est faite des Algériens de toutes origines.
Sur ces entre-faits, après avoir été tenu à l’abri chez l’abbé Scotto et des vicaires d’Alger, Henri Maillot arrive dans la première semaine de mai 1956 au maquis, dont la responsabilité militaire est attribuée à l’autre déserteur sur commande Hamid Guerrab monté depuis Blida et la responsabilité politique au dirigeant communiste Mustapha Saâdoun qui a mené les luttes paysannes de la Mitidja aux massifs du Cheliff ; ils seront huit quand Maurice Laban aura rejoint, criant casse-cou, ainsi que Mohamed Boualem syndicaliste des dockers d’Oran qui se demande ce qu’il vient faire là, le jeune distributeur de journaux de dix-neuf ans qui vient d’Oued Fodda, Belkacem Hannoun*, et deux paysans communistes des Beni Rached, Djillali Moussaoui* et Abdelkader Zelmat*, le ravitailleur avec mule.
Leur seule action est l’exécution, le 3 juin 1956, de quatre collaborateurs de l’armée française au café maure au fond de la vallée. Le lendemain, le groupe remonté sur la colline des Beni-Ouidane est encerclé et assailli par les troupes françaises escortées par des auxiliaires du caïd Boualem bientôt bachaga, peut-être guidées. A. Zelmat à la mule insolite avait été capturé et sera ensuite exécuté. Selon la première version donnée par Hamid Guerrab, quand il en réchappe et se réfugie auprès du Docteur Martini* ; les sept hommes sont surpris au campement ; Maurice Laban, qui a le temps de prendre son arme et de tirer, est abattu ; Henri Maillot est capturé et passé ensuite par les armes par un ou des soldats français ; ceux–ci subiront les reproches de leurs chefs pour n’avoir pas pensé, comme eux en mal de publicité, à conserver le prisonnier pour l’exhiber.
À partir de là, Henri Maillot est célébré pour la plus grande gloire du PCA, oubliant de citer Maurice Laban et leurs compagnons dans cette opération quasi suicidaire et, après 1962, pour la gloire de l’Algérie indépendante. Des tombes sous un petit tumulus au village de Lamartine, seul le cercueil d’Henri Maillot a été transféré au Carré des martyrs au grand cimetière d’El Alia à Alger ; le petit carré des martyrs du cimetière d’El Karimia (ex-Lamartine) a cependant accueilli les autres dépouilles ; une seule inscription sur les tombes : 1956, mais pas de noms.
https://maitron.fr/spip.php?article159225
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YVETTE, SŒUR DE HENRI MAILLOT
Emue jusqu’aux larmes, Yvette Maillot, préférant ne pas être médiatisée, estime avant tout qu’elle est une Algérienne digne et fière qui ne demande rien à qui que ce soit. Elle parle ici de son frère, l’aspirant Henri Maillot, tombé au champ d’honneur le 5 juin 1956 près d’Orléansville, aujourd’hui Chlef.
Que constitue, pour vous, ce jour de recueillement sur la tombe de votre frère ?
Je suis très émue, car c’est la première fois que je vois autant de monde assister à la cérémonie de recueillement à la mémoire de mon frère. Je tiens à remercier tout le monde, plus particulièrement ses compagnons d’armes. Henri est mort, certes, le 5 juin 1956, mais j’ai voulu organiser cette journée afin de permettre à ceux qui ne l’ont pas oublié de se rencontrer ici et partager ce moment historique.
Quelle image vous revient à propos de celui qui donna sa vie à l’Algérie ?
Henri est mort à l’âge de 28 ans au champ de combat. C’est un âge où il pouvait faire autre chose, mais il a tenu à se sacrifier pour une Algérie libre et fraternelle. Il ne pouvait pas rester insensible à la misère qu’il voyait, à l’époque, du côté des gens de Salembier et d’ailleurs.
En plus des amis, des marques de reconnaissance de la part des autorités officielles se sont jointes, cette fois-ci, à cette commémoration. Quelle est votre impression à ce sujet ?
Ce sont là des marques de sympathie qui me touchent vraiment. Cela démontre d’un sens de responsabilité envers ceux qui se sont sacrifiés pour que vive l’Algérie indépendante. Je tiens à remercier surtout la mairie d’El Madania qui a fait un grand effort pour organiser ce jour de recueillement. Non, rien. Je suis une Algérienne digne et fière comme toutes mes compatriotes, notamment celles qui ont vécu la guerre de Libération nationale. Aujourd’hui, je ne demande rien d’autre qu’à continuer à vivre dans ma maison à El Madania dans le respect et la dignité.
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