Le 19 mai 1956, l’organisation des étudiants musulmans algériens lançait un appel à une grève nationale des cours.
589 étudiants dont 51 filles en Algérie, 500 en France dont une dizaine de filles, soit 0,01 des neuf millions de la population algérienne répondirent à l’appel. Glorieux bilan colonial.
60 ans, c’est un millésime important. Pour raviver les mémoires, pour remobiliser les souvenirs. Pour interroger le sens de l’acte historique. Pour réactiver les symboles et les mythes fondateurs de notre Etat, de notre indépendance, de notre pays.
Pour cela, il aurait fallu des milliers de rencontres, des centaines de commémorations, des centaines d’émissions radio et télé, des centaines d’articles de journaux, tout au long de l’année.
Sur les faits. Sur les hommes. Sur le sens.
Rien. Un silence de tombe recouvre le fait historique.
Pire que les expéditives solennités protocolaires du Cinquantenaire de l’indépendance.
La grève du 19 mai 1956 restera un fait unique dans l’histoire mondiale des libérations nationales.
Des années auparavant, les délégations de l’AEMAN, mère de l’UGEMA, dénonçaient, dans les festivals de la jeunesse, le phénomène colonial comme forme concrète du capitalisme moderne. L’AEMAN défilait comme délégation nationale, distincte de la délégation française.
Déjà, les étudiants organisés politiquement s’affirmaient militants de l’indépendance et de l’Etat national, en même temps que militants d’un autre ordre social que le Capitalisme. En compagnons solidaires des militants syndicalistes du PPA ou du PCA.
Dans le sillage, en fait, de toute la pensée politique de la libération nationale, qui s’accomplira dans les non-alignés, expression mondiale du refus de ce modèle capitaliste, qui a engendré le colonialisme et l’Impérialisme.
A peine adolescent, le futur symbole de cette jeunesse studieuse engagée, Taleb Abderrahmane (militant nationaliste né à Alger le 5 mars 1930, guillotiné le 24 avril 1958 à la prison de Barberousse, Ndr) participait aux manifestations du 1er mai 1945 dans le cortège qui sortait de la Casbah d’Alger. Cette grève fut un événement considérable. De très nombreux lycéens rejoignirent la lutte et les maquis.
Et même si des étudiants furent politiquement ou pratiquement contre, cette grève a sapé durablement toute possibilité de manœuvre des forces colonialistes de jouer les élites contre l’ALN ou jouer les élites contre le peuple.
Comme le font si bien et en toute liberté les services extérieurs français qui arrivent à convaincre de plus en plus de jeunes qu’il valait mieux chercher le bonheur que l’indépendance.
Le bonheur des 0,01%.
Les cadres, ingénieurs, diplômés de l’indépendance suivirent en gros le même engagement : alphabétisation des campagnes dès l’indépendance, mobilisation pour un appareil productif national, défense du secteur économique d’Etat dans la période de remise en cause sous Chadli, lutte acharnée et inégale contre les options du FMI et le rééchelonnement de la dette après 1990 etc.
Toutes choses absolument contraires aux choix des toutes les factions au pouvoir pour le Capitalisme et pour l’insertion de l’Algérie dans le système impérial, y compris l’OMC à qui nous n’avons rien à vendre, le pétrole étant hors de ce système.
Même les affronts que leur infligent les Valls, Sarkozy, Debré, Emié, Hollande, Le Monde, le Figaro, le regard français enamouré pour le MAK, ne suffiront pas à leur faire chercher l’alliance des étudiants, des jeunes ou de simples gens.
Pour n’avoir pas à remettre sur le métier le sens historique de notre libération qui nous ferait interroger le sens de leurs choix et actions politiques, économiques et sociaux.
Voile du silence jeté par le pouvoir, désintérêt ou démobilisation à la base. Jamais ce sens historique n’a été aussi fragile et vacillant.
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