Dans l’Eté, il y aussi un texte de 1952, intitulé «Retour à Tipasa». Camus aimait ce site archéologique, situé à 69 kilomètres à l’ouest d’Alger. Une nouvelle autoroute y conduit, longeant la mer et traversant les cités construites par ces invisibles fourmis qui fascinent les Algériens et que sont les Chinois. Tipasa, ou Tipaza, est un petit port à côté duquel se trouvent des ruines romaines et chrétiennes datant du IIe siècle après J.-C.
Camus a écrit deux fois sur ces lieux. Le premier texte, «Noces à Tipasa», date de 1937 ; le second est «Retour à Tipasa». Entre les deux, la jeunesse est partie et la guerre a passé. Une stèle a été faite, un an après la mort de l'écrivain, par son ami le sculpteur Louis Bénisti. Elle se trouve sur la colline ouest du site, isolée, face à la mer. C'est un bloc rectangulaire pas très haut, d'une pierre dure et ocre. On y a gravé : «Je comprends ici ce qu'on appelle gloire : le droit d'aimer sans mesure. Albert Camus.» Ces mots sont tirés de «Noces à Tipasa». L'écriture est à peine lisible. Elle disparaît dans le crépi de la pierre, comme les ruines dans le paysage, comme la France dans les traces qu'elle a laissées.
Les jeunes Algériens viennent ici flirter, rêver, se baigner, comme au temps de Camus. Un groupe d’étudiantes aux cheveux couverts est venu étudier et dessiner les ruines sur du papier quadrillé. La plupart ne connaissent pas l’écrivain. Au printemps 1958, Camus retourne une dernière fois à Tipasa. Dans ses Carnets, il écrit : «Je mourrai et ce lieu continuera de distribuer plénitude et beauté. Rien d’amer à cette idée. Mais au contraire sentiment de reconnaissance et de vénération.» Et, dans Retour à Tipasa : «Oui, il y a la beauté et il y a les humiliés. Quelles que soient les difficultés de l’entreprise, je voudrais n’être jamais infidèle ni à l’une ni aux autres.»
https://www.liberation.fr/planete/2012/07/06/alger-la-franche_831690/
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