Les massacres qui suivirent la manifestation populaire du 8 mai 1945 furent, de l’avis de tous les historiens, un moment particulier qui fit date dans la radicalisation de la marche triomphante du Mouvement de libération nationale vers la lutte armée qui a abouti à l’indépendance de l’Algérie, après 132 années de lutte, de résistance et d’insurrection populaire face à la quatrième puissance mondiale, qu’était la France
«Le sang versé ce 8 mai 1945 a confirmé que l’Indépendance ne pouvait s’obtenir que par la force et a marqué le point de rupture avec l’occupation française. C’était la première étincelle de la glorieuse révolution libératrice, Après plus de sept décennies, la plaie demeure béante. La douleur des derniers survivants est atroce. Le plus effroyable massacre commis par la France coloniale, juste après la fin de la Seconde guerre mondiale, reste vivace dans les mémoires.
«L’armée française avait planifié pour faire de cette journée du 8 mai 1945 un jour d’extermination de milliers d’Algériens», affirme Kamel Benaiche
Selon l’historien, Kamel Benaiche qui a bien voulu revenir, pour les lecteurs de Maghreb Info, sur ces douloureux événements qui ont marqué l’étincelle et les prémices de la guerre d’indépendance: « Les massacres du 8 mai 1945, perpétrés par les forces coloniales françaises contre le peuple algérien, comptent parmi les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité les plus odieux commis au cours du XXe siècle », a-t-il indiqué d’emblée avant d’ajouter : « En ce jour-là, où le monde occidental célébrait la fin du second conflit mondial et signature de l’armistice avec l’Allemagne nazie. Les Algériens voulaient participer à cette liesse, en brandissant le drapeau frappé aux couleurs nationales et revendiquer tout haut leur droit à l’indépendance.» Mais face à eux, la férocité de l’armée française, acculée par les revendications légitimes du peuple algérien, emploie la force en tirant dans la foule des manifestants et sur tout algérien brandissant le drapeau algérien. Bilan de la répression, plus de 45.000 algériens sont tombés à Sétif, Guelma, Kherrata et dans plusieurs autres villes et douars algériens.
Pour notre interlocuteur : « Le général De Gaulle, alors chef du Gouvernement provisoire qui avait dirigé la lutte contre le nazisme avait des attitudes contradictoires sur la question de la décolonisation. Il voulait, selon certaines voix, maintenir l’empire colonial français tout en préconisant des réformes politiques qui permettraient de faire émerger des élites autochtones acquises à la présence française et qui donnaient aux populations l’impression de participer à la gestion de leurs propres affaires. Ce qui fut un grand leurre et une façon de miroiter à l’opinion publique algérienne la possibilité de se voir se diriger vers l’indépendance du pays après plus d’un siècle de domination atroce et d’effusion de sang et de déportations vers les lointaines colonies, à l’image de l’Ile de la Réunion ou les Algériens s’entassaient en bagnards pour le restant de leurs jours. Punis drastiquement pour avoir seulement cru aux promesses de la France de leur accorder le libre choix de décider de leur avenir », affirme celui croit dur comme fer que ces événements devraient être étudiés dans les écoles pour faire la lumière sur ces odieuses réaction de la France coloniale face à un peuple qui est sorti pour réclamer son indépendance.
« Les massacres du 8 Mai 45 sont une tâche noire pour le passé colonial français », affirme Mohamed Abad
Pour sa part, le président de cette l’Association « Machaal Echahid », Mohamed Abad, qui est également fils de chahid est prolixe en déclarations à propos de cette journée tragique que le peuple algérien a subi dans sa chair dans un huis clos assourdissant.
Selon lui : « Les massacres du 8 Mai 45 sont une tâche noire pour le passé colonial français ». Et d’ajouter, comme pour appuyer la légitimité du peuple algérien, obnubilé par les fausses promesses de la France coloniale : «La France doit avoir honte pour ses crimes en Algérie», a-t-il affirmé à juste titre. Et de nous relater l’historique de ces événements sanglants qui ont donné naissance aux préparatifs de l’insurrection armée qui allait prendre forme un certain 1er novembre 1954 : « C´est à la fin de la Seconde Guerre mondiale (1939-1945), plus exactement le 8 Mai 1945, que le peuple algérien sort dans la rue pour réclamer son indépendance. L´administration coloniale française répond par les armes et réprime cette revendication dans le sang »
Ce qu’il faut souligner à l’encre indélébile, c’est que selon Mohamed Abad, «les soldats français ont tiré à vue sur ceux qui avaient le drapeau algérien à la main. Après, c´est tous les manifestants qui ont été ciblés sans distinction» En apportant la précision selon laquelle «même des prisonniers de guerre allemands et italiens ont été armés pour faire la chasse aux Algériens. »
« Le drapeau algérien a été brandi pour la première fois lors de ces manifestations »
Notre interlocuteur ne pouvait éluder, à l’occasion, la question pertinente du drapeau algérien soulevé, selon lui, pour la première fois à l’occasion de ces manifestations historiques en indiquant avec forte conviction : «A cette époque, nous n´avions pas l´idée d´un drapeau national, mais c´était juste pour lever un emblème différent du drapeau français», a avant de trancher : «Les événements du 8 Mai 1945 ont démontré l´impossibilité de négocier avec la France», ajoutant que «c´était les prémices pour l´accélération de la lutte armée».
Ce qu’il faut retenir, selon les observateurs et les quelques témoins encore vivants de cette tragédie, c’est que « les leçons du 8 Mai 1945 furent rapidement tirées, selon notre interlocuteur qui précise que « les autorités coloniales avaient senti monter un sentiment d’hostilité de plus en plus fort au sein des populations algériennes qui avaient compris que cette réaction féroce de la France coloniale signifiait que le mot d’ordre était donné pour réprimer tout mouvement de révolte qui ne tarderait pas à apparaître ». De plus, « des documents officiels prouvaient que les forces coloniales se tenaient prêtes à cette éventualité et avaient préparé des actions de répression », a-t-il révélé.
Plus grave encore, « l’idéologie coloniale faisait régner l’idée de la nécessaire répression à grande échelle pour protéger la minorité européenne des massacres qui seraient inévitablement commis par les Algériens en révolte », a précisé Mohamed Abad qui conclut par le fait que « les massacres du 8 Mai 1945 furent d’un extrême violence et commis à grande échelle avec l’objectif recherché de soumettre, humilier et de terroriser la population algérienne et de lui ôter l’idée de se révolter une fois de plus », en persuadant que « devant cette idéologie de la terreur et de la répression, les autorités coloniales françaises ont laissé faire pour obtenir, croyaient-ils, la soumission de la population autochtone et assurer ainsi leur présence sur cette terre bénie d’Algérie ».
Dès ce jour-là, l’objectif d’indépendance devenait inéluctable quel qu’en soit le prix à payer
Selon tous les historiens de la Guerre de libération nationale et ses fondements, la stratégie de la Guerre de libération nationale prit forme à cette période : rejet de l’insurrection paysanne, opération de guérilla appuyée sur les actions de soutien de la population rurale, rapprochement politique des différentes couches de la population algérienne autour de l’objectif principal d’indépendance nationale après plus d’un siècle de domination, de brimades et d’usage de méthodes abjectes et viles pour asseoir sa domination et son maintien sur cette terre qui verra quelques années plus tard se faire arroser du sang béni du million et demi de chouhada qui ont consenti le sacrifice suprême pour voir l’emblème vert-blanc-rouge brandi sur le fronton des institutions algériennes et dans les places publiques.
Aujourd’hui, 77 ans après ces massacres à grande échelle dont la France coloniale devaient avoir honte pour avoir assassiné plus de 45.000 algériens innocents, mus par la seule volonté de goûter à la joie de la liberté , l’Algérie s’apprête à commémorer, dans la douleur mais avec suffisamment de fierté, cet événement qui marquera à jamais le courage, l’abnégation et le sacrifice de ses meilleurs enfants pour que leur enfants et petits-enfants aient droit, à leur tour, au bonheur suprême de décider de leur propre sort. De vivre, de rire, de courir dans les champs de la liberté encore humides du sang des martyrs qui avaient l’unique choix de se soumettre ou de mourir les armes à la main. Et pour ces femmes et ces hommes, le choix était vite fait…
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