Une cérémonie, emplie d’émotion, s’est déroulée ce vendredi 8 avril, en l’honneur de Jean-Claude Corvaisier, l’ancien maire de Evriguet, connu pour avoir été pilote dans l’Armée de l’air, ancien combattant d’Algérie, puis Commandant de bord à la compagnie d’aviation Air France, une carrière aussi étonnante qu’éblouissante…
Déjà promu Officier de l’Ordre National de la Légion d’Honneur en 2010, Jean-Claude Corvaisier a été décoré, ce jour, des insignes de Commandeur de la Légion d’ Honneur, en présence de sa famille, de ses amis, de ses anciens collègues pilotes, de quelques élus et anciens élus, avec notamment de Patrick Le Diffon président de la Communauté de Communes, ainsi que le président des anciens combattants de la FNACA. La cérémonie s’est déroulée au Brit l’Hôtel de Ploërmel car Marie-Pierre, la responsable de l’établissement, est aussi la belle-fille de Jean-Claude !
Cette décoration lui a été remise par le médecin général inspecteur des Armées Christian Corbé, Commandeur de la Légion d’Honneur et Commandeur de l’Ordre National du Mérite, et notamment directeur de l’Institut National des Invalides, en fin de carrière…
Une carrière exceptionnelle
Christian Corbé a relaté la carrière époustouflante de Jean-Claude :
Né à Rennes le 26 mai 1935, Jean-Claude Corvaisier a 86 ans aujourd’hui et se souvient avoir toujours été passionné par l’aviation, d’avoir dans son enfance rêver de piloter un avion. Il vit à Evriguet chez ses grands-parents. “A 3 ans je voulais conduire les totos du ciel !”, sourit-il.
Rien ne le destine à cet avenir. Son père a un atelier d’électricité automobile et sa mère est clerc de notaire. “Seul mon jeune oncle paternel est dans l’aéronavale, mais quand il est tué, forcément mes rêves ne sont pas encouragés, ni par ma grand-mère ni par ma famille !”.
Son rêve va tout de même devenir réalité, mais pour rentrer à Air France, comme il le souhaite, il va devoir faire quelques concessions, en commençant par trouver une autre porte pour y entrer. “Car pour espérer passer le concours d’entrée à Air France, il fallait au moins avoir piloté 700 heures et je n’avais pas les moyens financiers de m’offrir ce luxe !”, se souvient-il.
Jean-Claude ne se décourage pas pour autant. Il tente alors de trouver une autre porte, pour intégrer l’école de l’Air. En attendant, il décroche un CAP d’ajusteur, puis un CAP de dessinateur industriel, pour finalement étudier en classe préparatoire Maths Supérieures. Hélas, il échoue au premier concours, et afin de ne pas attendre une année supplémentaire pour repasser le concours, Jean-Claude Corvaisier va changer de direction, pour atteindre son objectif.
C’est alors qu’il passe des tests au sein de l’Armée de l’air pour y effectuer son service militaire. Il est pris, car il accepte de partir pour l’Algérie. “C’était la condition ! Je l’ai acceptée”. Jean-Claude fait alors partie de la promotion des Pilotes Élémentaires de Réserves, (les PER) sur l’avion de transport Douglas DC4. Il suit une formation pendant 8 mois et effectue ses 140 premières heures de vol sur des appareils différents, avec un cours passage par le Maroc…
Ensuite, c’est la guerre d’Algérie et au mois d’octobre 1957, Jean-Claude, alors âgé de 22 ans, est envoyé dans les Aurès, une région montagneuse dans le Nord-Est du pays. “J’ai effectué environ 700 missions en pensant à chaque envol, que cela pouvait être le dernier ! Nous étions 31 dans la promotion. Seuls 19 pilotes sont revenus vivants. La majorité de mes camarades, auxquels je pense encore aujourd’hui, ont été abattus au début du conflit, en cause le manque de pratique. Nous autres, avons ensuite acquis l’expérience des missions de guerre. Pendant 28 mois notre rôle était de protéger les troupes au sol.”
En 1959, Jean-Claude Corvaisier quitte l’Armée de l’Air et réussi le concours à Air France. Hélas la formation est retardée de 2 années. Il doit attendre 1961 pour commencer sa formation à Air France, alors il retourne en Algérie et reprend son engagement dans l’Armée de l’air…
Il entre donc dans l’aviation civile en 1962, en qualité de copilote, d’abord pendant 3 ans ½ à Air Inter (compagnie aérienne 1958-1997, date de fusion avec Air France), pour faire des vols nationaux, comme le Paris-Marseille, le Paris-Bordeaux ou le Paris-Brest…
En 1966, à 31 ans, il est pilote, puis sera instructeur chez UTA (Unions des Transports Aériens). Il vole sur tous les types d’avions DC8 et 747, principalement à destination de l’Extrême Orient. Il connaît tous les types de Boeings et devient le responsable de 150 équipages de pilotes et mécaniciens pour des missions en Afrique : Congo, Tchad, etc…
Le 18 mai 1978, il fait partie d’une opération au Zaïre, une mission d’exception en période de guerre, qui fait partie de la légende de la Légion étrangère. Il s’agit de délivrer les 3700 otages européens retenus dans la ville minière de Kolwezi. Jean-Claude et ses collègues pilotes à Air France décollent de Paris à Roissy avec 5 avions : 3 Douglas DC 8 et 2 Boeings 700. L’embarquement des otages se fait en 47 minutes…
De 1989 à 1995, à Air France, il est chef de division, contrôleur, instructeur et formateur pour les jeunes pilotes et commandant de bord. Jean-Claude participe à la guerre du Golfe. Il vole à bord d’un Boeing 747 pour récupérer les blessés et les rapatrier en France.
Il effectue des longs courriers dans le monde entier. Son quotidien, ce sont des vols, en moyenne de 12h à 14h sans se poser, sans escale. Toujours aussi passionné par son métier, Jean-Claude décide de rester le plus longtemps possible, comme l’autorise le règlement, aux commandes de son 747/400, le plus gros avion à l’époque. “J’effectue mon dernier vol avec mes 680 passagers, le jour de mon 60ème anniversaire, le 26 mai 1995. Je reviens de Tokyo et je me pose à Paris à 18heures”.
Une vie jalonnée d’anecdotes
La vie de Jean-Claude Corvaisier est si riche, les anecdotes racontées au cours de la rencontre de ce 8 avril sont si nombreuses et croustillantes, qu’il est impossible de toutes les relater et donc, il a fallu faire un choix ! Alors, entre l’accouchement et la naissance d’un bébé en plein vol, un enfant qui oublie de descendre à l’escale de Marseille et qui va vivre l’aventure avec l’équipage et les hôtesses pendant 48h, les sauts en parachute de Jean-Claude, on a choisit de raconter sa rencontre avec Christian Corbé, l’homme qui vient de lui remettre sa dernière décoration…
“Nous, les pilotes de lignes, nous devons passer une visite médicale tous les 6 mois, pour vérifier l’aptitude à notre poste. J’en ai 87 à mon actif ! Christian Corbé était médecin, spécialiste en ophtalmologie, et comme tous les médecins il était très pointilleux ! Les pilotes avaient toujours une appréhension le jour du contrôle, car les normes étaient très aiguës ! Plus tard, Christian est devenu spécialiste de ces contrôles et la décision d’écrire le mot “apte” sur le dossier des pilotes, lui revenait. Un jour, je l’ai invité dans le cockpit pour le mettre en situation réelle. Ce jour-là, on ne voyait pas à 100 m tant il y avait du brouillard et nous avons décollé ! Je lui ai prouvé que la vue est importante, mais que dans certains cas, nos yeux servent peu…”, relate Jean-Claude, en souriant encore aujourd’hui. Christian Corbé a fait d’autres voyages dans le poste de pilotage en compagnie de Jean-Claude. “Depuis la date de cette expérience, il était un peu moins sévère dans ses consultations ophtalmologiques et il est devenu un véritable ami !” Plus tard, Jean-Claude fera aussi partie de ce service, et son implication servira à améliorer les validations au niveau médical…
Une retraite très active
En parallèle de sa profession, Jean-Claude Corvaisier est marié depuis le 11 avril 1960 à Marie-Bernadette, dite Nadou. « Ma femme a tout partagé avec moi, depuis l’Algérie ! Elle a été mon soutien ! » Jean-Claude est aussi le père de 2 enfants : Patricia et Eric (qui lui donneront à l’avenir 3 petites-filles et un petit-fils). Il s’investit aussi à Lésigny (77) sa commune de résidence en région parisienne. Il est d’abord le président de l’Association des Parents d’Elèves, puis adjoint au maire, pour être élu maire en 1969, pour un mandat…
Quand l’heure de la retraite arrive, il est difficile pour Jean-Claude d’imaginer rester inactif, après une si active et magnifique carrière. Le lendemain de son dernier vol, il emménage à Evriguet, où il a fait construire. Paul Ancelin, maire de Ploërmel, l’embauche. Jean-Claude devient le président de la Mission locale pendant 10 ans. Il est aussi adjoint à la mairie, chargé de l’économie et des affaires industrielles. Il entre au Conseil municipal à Evriguet, en qualité de conseiller, puis est élu maire, pour le mandat 2014-2020.
Aujourd’hui, pour ne pas s’éloigner du monde politique, il est toujours impliqué dans sa commune de résidence en qualité de conseiller. Il reste actif aussi dans le monde des avions, pour lequel il donne des cours à l’aérodrome de Vannes-Meucon, où son fils Eric est chef pilote…
Pour toutes les personnes qui l’ont côtoyé, dans le milieu de l’aviation comme dans celui de la politique, Jean-Claude est perçu comme un personnage accessible, accueillant, attachant et chaleureux, avec lequel il fait bon vivre, toujours modeste et plein de bonne humeur avec tout le monde… Il est aussi le camarade, qui a toujours une page d’humour en réserve…
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