Photos d’époque, archives, documents, peintures, extraits vidéo ou encore affiches sont exposés
Une exposition unique "Juifs et musulmans de la France coloniale à nos jours" a été inaugurée cette semaine au musée de l’Immigration dans le 12e arrondissement de Paris; elle retrace à la fois la complexité et la richesse des relations entre ces deux communautés.
"C'est la première fois qu'on tente cette aventure intellectuelle difficile, celle de l'histoire des rapports entre Juifs et musulmans", qui a "une très grande longévité", a déclaré l'historien Benjamin Stora, commissaire général de l’exposition.
Photos d’époque, archives, documents, peintures, extraits vidéos ou de journaux et affiches permettent au visiteur de suivre l'évolution des liens entre les fidèles des deux religions lors de différentes périodes et nous donnent un regard direct sur leurs interactions à travers le temps.
De 1830 à 1914, avec l'arrivée de la France en Algérie, en Tunisie et au Maroc. Puis la période de l'entre-deux-guerres, le régime de Vichy, la guerre d'Algérie et la décolonisation au Maroc et en Tunisie. Et enfin, de 1967 à nos jours.
La photographe Maya Inès Touam, aborde la question du voile et la place de la féminité au Maghreb. Dans son oeuvre "Ma Yasmina- m'laya", elle rend hommage aux femmes juives et musulmanes, pour qui l'étoffe traditionnelle (m'laya, portée dans l'Est algérien) marque leur identité.
En 1870, le décret Crémieux, dont une copie officielle est présentée dans l’exposition, crée la première fracture entre Juifs et musulmans, et suscite un sentiment d’injustice. Il octroie la citoyenneté française aux 35.000 Juifs d’Algérie mais pas aux 3 millions de musulmans qui ont le statut d’"indigènes".
Cela aura des répercussions jusqu'en 1962, avec l'indépendance de l'Algérie: les Juifs arrivés en métropole seront des rapatriés puisque citoyens français, tandis que les musulmans deviennent des immigrés.
La Grande guerre a été une source d’émigration importante vers la France. Entre 1921 et 1939, 400.000 Maghrébins arrivent en France. Par la suite, la grande révolte arabe de 1936 en Palestine mandataire, la progression du sionisme et les éveils nationalistes du monde arabe accentuent les écarts entre Juifs et musulmans.
L'oeuvre de Kamel Yahiaoui "Le Mémoriel Sétif Guelma Kherrata", où des visages anonymes sont alignés, évoque le caractère brutal des répressions lors des manifestations de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie, appelant à la libération du leader indépendiste Messali Hadj en 1945, et rend hommage aux victimes.
A partir de la guerre des Six jours en 1967, le conflit israélo-palestinien s'installe en France et devient "ce qui cristallise les relations entre Juifs et musulmans", explique l'historien Mathias Dreyfuss. A la fin des années 1960, 600.000 Juifs et 700.000 musulmans vivent en France.
Des photos témoignent des moments clés de l'histoire des Juifs et musulmans à travers les âges, tels que l'inauguration de la mosquée de Paris en 1926, le départ des Juifs d'Algérie en 1962, la manifestation de soutien à Israël à Paris en 1974 ou encore la visite de Yasser Arafat, président de l'OLP, à Paris en 1989.
L'exposition met également en lumière les liens entre Juifs et musulmans dans le domaine culturel, essentiellement dans l'entre-deux-guerres, mais aussi le soutien de familles juives engagées du côté algérien durant la guerre d'indépendance.
Un focus particulier est fait sur le quartier de Belleville à Paris, qui abrite les deux communautés dans les années 1970. Cette cohabitation a notamment inspiré des réalisateurs de cinéma et nous interroge sur le racisme anti-musulman et l'antisémitisme depuis la seconde Intifada.
Enfin, l'exposition donne à réfléchir sur la question de l'islam en France dès les années 1980 et ses nouveaux modes d'affirmation tant sur la scène politique que religieuse.
L'exposition a lieu jusqu'au 17 juillet 2022.
Caroline Haïat est journaliste pour le site français d'i24NEWS
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