Un collectif d’historiens vient de démonter les mensonges d’Éric Zemmour qui « fait mentir le passé pour mieux faire haïr au présent et ainsi inventer un futur détestable ». Précipitez-vous sur Zemmour contre l'histoire, publié dans la collection Tract aux Éditions Gallimard. Vous y constaterez l’un des plus ignobles mensonges du nouvel adepte de la peste brune qui prétend aujourd’hui gouverner la France et qui concerne le mathématicien Maurice Audin. Le 18 septembre 2018, dans l’émission de Nicolas Beytout sur Europe 1, Éric Zemmour a prétendu que Maurice Audin avait bel et bien « mérité douze balles dans la peau », que « c’était un traître, qu’il avait pris les armes contre la France et qu’il avait aidé le FLN à tuer des Français et accessoirement à massacrer des harkis et des musulmans, et qu’il était normal qu’il ait été exécuté ». La liberté d’expression n’autorise pas de tels mensonges. Rien ne justifie l’audience que les médias complaisants donnent à ce Goebbels du XXIe siècle. Été 1957 : Maurice Audin est un jeune mathématicien de 25 ans dont le seul crime consiste à avoir caché Henri Alleg, le directeur du journal Alger Républicain, entré dans la clandestinité parce que son quotidien avait été interdit. Il a par ailleurs aidé à l’exfiltration à l'étranger de Larbi Bouhali, premier secrétaire du Parti Communiste Algérien. Il a enfin hébergé un autre dirigeant communiste, l'ouvrier métallurgiste Paul Caballéro, au moment où celui-ci devait être soigné par un médecin. Nul sang sur les mains du jeune père de famille arrêté à son domicile le 11 juin 1957 devant sa femme et ses enfants en bas âge, torturé et victime d’une bavure étouffée et niée pendant très longtemps par l’État en général, et par Maurice Papon en particulier.
L’amnistie de 1962 avait stoppé l’instruction de la plainte déposée par Josette Audin pour enlèvement et séquestration. Josette Audin avait ensuite tenté d’obtenir le bénéfice des lois d’indemnisation existant en droit français jusqu’à ce que le Conseil d’État la déboute en 1978.
Et puis Robert Badinter a réveillé le dossier en 1967, avant d’évoquer le crime de l’État en 1983. Et puis le général Aussaresses a avoué en 2014 qu'il avait ordonné d'achever Maurice Audin. Enfin, Emmanuel Macron a reconnu le rôle de l’État dans la mort du jeune homme le 13 septembre 2018, mettant un terme à 61 ans de déni et de mensonges.
Éric Zemmour est indigne. Sa candidature déshonore à la fois les élections présidentielles et notre démocratie. Il a dépassé la ligne rouge de l’ignoble. J’ai interviewé Josette, la veuve de Maurice Audin, deux ans avant sa mort. On lui a trop longtemps fait croire que son mari s’était évadé de la prison où il était torturé. Son interview est évoquée dans la B.D. Paroles de guerre d’Algérie publiée en 2012 aux éditions Soleil. Double peine pour Maurice Audin : il a été exécuté au terme de son calvaire. Sa mémoire est aujourd’hui salie par les calomnies criminelles d’un souffleur de haine qui, soixante années après la fin de la guerre d’Algérie, cherche à provoquer une nouvelle guerre civile en soufflant sur les braises d’une guerre fratricide qui gangrène toujours la mémoire de tous ceux qu’elle a meurtris, qu’ils aient été partisans de la décolonisation, partisans de l’indépendance de leur pays, partisans de l’Algérie Française ou pieds-noirs et qui ne sont aujourd’hui réunis que par la sincérité de leur douleur et par la persistance de leur chagrin.
Jean-Pierre Guéno
Le mardi 22 février 2022
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