Dimanche 15 mai, Charles de Foucauld, assassiné dans son ermitage en Algérie, sera canonisé à Rome. Jacques Hahusseau, prêtre à Cahors, nous parle de ce « frère universel ».
Charles de Foucauld devant son ermitage. Si Charles de Foucauld est un saint pour notre temps, c’est qu’il est le saint du pardon, de la miséricorde et du dialogue. (©Wikipedia)
L’Église fait aujourd’hui mémoire du religieux Charles de Foucauld, assassiné le 1er décembre 1916 devant son ermitage du Sahara en Algérie et béatifié en novembre 2005 par Benoît XVI.
«Pense que tu dois mourir martyr, dépouillé de tout, étendu à terre, couvert de sang et de blessures, violemment tué et considère que c’est à cette mort que doit aboutir ta vie». Cette prière rédigée par Charles de Foucauld lui-même en 1897 (soit presque vingt ans avant sa mort), alors qu’il était à Nazareth, dans un lieu où sa vie n’était pas encore menacée, est prophétique.
Il gardait ces paroles dans son bréviaire et les méditait.
Être un frère universel
Tout le monde connaît la vie du «frère universel» comme il aimait se faire appeler. La souffrance de son enfance est marquée par la perte de ses parents alors qu’il n’avait que six ans, le décès de sa grand-mère à qui il a été confié et le départ d’Alsace après la guerre de 1870.
Quand il est admis à Saint-Cyr à l’âge de 18 ans, il a oublié la foi qu’il a reçue. Commence alors une période d’errance. Sa vie ressemble alors à la vie libérée de notre temps. Il est un officier dissipé puis un explorateur risque-tout. Il cherche l’amour dans des rencontres de passage et tente de remplir le néant de son existence.
Puis à 28 ans, vient le temps de l’appel. L’ancien dandy noceur vit alors de l’Évangile comme d’une eau pure, l’eau vivifiante du pardon. Il calque sa vie sur celle de Jésus dont il veut suivre les pas jusqu’au bout. Son chemin devient une longue méditation du message du Christ: Notre Dame des Neiges en Ardèche, la Syrie puis la Terre Sainte où il devient jardinier des Clarisses de Nazareth, enfin le désert auprès des Touaregs de Tamanrasset. C’est là qu’il mourra abattu d’une balle dans la tempe par un jeune algérien paniqué. Il avait 58 ans.
«Il faut embrasser la croix»
Une adolescence agitée, une conversion tardive, des tiraillements incessants entre des aspirations contradictoires, le désir permanent d’un ailleurs plus comblant, l’amour de la solitude, le goût de la liberté, l’appel de l’inconnu en ont fait un saint.
N’y a t-il pas moyen d’être disciple du Christ plus confortablement ? Non, répondent par leur vie les témoins de la foi comme les saints Benoît, François d’Assise, Ignace de Loyola ou Bernadette Soubirous : «Il faut embrasser la croix».
Foucauld est un affectif, un absolu: «Quand j’ai découvert que Dieu existait, j’ai compris que je ne pouvais vivre que pour Lui». Il voulait vivre sa vie, être libre. Sur son chemin, il a rencontré des gens qui ont respecté sa liberté, comme l’abbé Huvelin, son confesseur de l’église saint Augustin à Paris auprès de qui il s’est converti.
L’audace avec laquelle cet irrégulier solitaire s’est libéré de tous les carcans, y compris religieux, pour se tailler une vocation à la mesure de sa personne est admirable. L’aventurier évangélique est l’inspirateur des moines de Tibhirine mais aussi le précurseur de Gandhi, de Luther King et de Mandela. «Il nous montre à quel degré de douceur, de bonté, de sainteté joyeuse peut tendre un être quand il se laisse saisir par le Dieu des Béatitudes» dit l’écrivain Charles Wright.
Le nouveau saint, porteur du pardon, de la miséricorde et du dialogue inspire encore aujourd’hui.
Un prêtre de Cahors présent à la cérémonie
Rencontre avec Jacques Hahusseau, prêtre du diocèse de Cahors qui a donné 30 ans à l’Église du Brésil en tant que missionnaire. Et qui sera sur la place Saint Pierre à Rome le 15 mai, en union de prières avec les Lotois.
Actu : Pourquoi Charles de Foucauld est-il allé si loin, au fin fond du Sahara, pour évangéliser ?
Jacques Hahusseau : Avant d'être moine trappiste et prêtre, Charles de Foucauld est un officier de cavalerie.
A 23 ans, il démissionne de l'armée et part en Afrique du Nord explorer le Maroc. Après sept années de recherches, une médaille d'or récompensa son admirable travail de géographe. Il aurait pu devenir un brillant universitaire. C'est alors qu'il est bouleversé par ses rencontres avec les musulmans. Ayant vécu proche d'eux, il en retient de solides bases de confiance et d'amour mutuel.
Sensibilisé au monde musulman, ayant été même séduit quelque temps par l'Islam, l'ermite veut aller «jusqu'au bout». Voilà pourquoi il vient à Tamanrasset: «Aller au plus près des plus loin» est pour lui un principe de vie. Écrivant par ailleurs: «Il faut aller au contact (des Musulmans) avec toute la douceur de Jésus, dans un contact bienfaisant, une bonté débordante sur tous, une affection toujours prête à donner».
Selon lui, la mission se vit humblement dans la rencontre, en établissant un dialogue avec l'intelligence et le cœur. On devient chrétien en devenant plus humain. Foucauld choisit de dire l'Évangile par sa vie plutôt que par des paroles.
Pourquoi ressentez-vous autant d' affinités pour Charles de Foucauld ?
J. H. : J'ai été toujours sensible aux gens (laïcs ou clercs) qui partent en pays de missions. Ma génération de prêtres a été marquée par l'académicien René Bazin qui le premier, en 1921 a fait découvrir Charles de Foucauld par son ouvrage: «Ermite au Sahara».
Le fait d'humaniser l'incarnation, de se rapprocher des gens comme l'a fait Charles de Foucauld, me semble essentiel. Voilà pourquoi des groupes au sein de l'Église de France se sont créés: La Mission de France, Prêtres pour les Campagnes ont marqué notre formation sacerdotale.
Nous étions sensibilisés par les messages de Dom Helder Camara, des théologiens Henri de Lubac et Yves Congar. Ce dernier désignait Foucauld comme «un phare mystique». Puis vint la création de «La Fraternité de Foucauld».
Est-il pour vous votre maître à penser ?
J. H. : Pour moi, oui. Charles de Foucauld met l'Évangile à hauteur d'hommes et nous permet de mieux le comprendre. Il a fait de la religion un amour même pour ceux qui ne sont pas aimés (comme les pauvres et les marginaux), même pour ceux qui ne sont pas aimables.
Grâce à lui, l'Évangile devient un espace de liberté.
Vous avez été comme lui, en pays de mission, vous au Brésil, lui en Algérie...
J. H. : C'est ce qui nous rapproche encore davantage. Nous avons exercé notre ministère dans un contexte de proximité et d'engagement humains. Avec l'option préférentielle pour les pauvres. On a évangélisé pour aider les gens à tenir debout. «Là où on met les pieds, on sent bien les choses».
Quelles qualités essentielles lui attribuez-vous ?
J. H. : L'humilité, l'authenticité, le souci de l'Absolu de Dieu.
Que nous dit ce nouveau saint en 2022 ?
J. H. : Il nous rappelle que c'est dans notre fragilité que Dieu agit. Ce défricheur christique nous donne confiance dans les incertitudes de nos choix. Il nous aide à vivre le concile Vatican II.
ANDRÉ DÉCUP
Par Rédaction CahorsPublié le
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