Le ministre des Moudjahidine et des Ayants-droit, Laïd Rebiga a exhorté lundi les chercheurs et les historiens à "mettre en exergue" le parcours de l'un des piliers du mouvement réformateur en Algérie, Cheikh Larbi Tébessi.
"J'exhorte les chercheurs et les historiens à mettre en exergue le parcours de l'honorable Cheikh Si Larbi Tébessi dans le mouvement national et pendant la Révolution de libération nationale, avec des travaux scientifiques et documentaires qui mettent en lumière la biographie de cette sommité historique", a indiqué M. Rebigua lors d'un colloque organisé au Musée national du moudjahid, à l'occasion du 65e anniversaire de l'assassinat du cheikh Larbi Tébessi.
Le ministre a ajouté que Larbi Tébessi était "l'un des disparus de la Révolution, à l'instar de beaucoup d'autres comme Ahmed Bouguerra, Djilali Bounaama et Maurice Audin, un dossier qui est lié à la mémoire nationale, lequel est suivi avec autant de sérieux".
Il a rappelé, dans ce contexte, le message du Président de la République, M. Abdelmadjid Tebboune, adressé à l'occasion du 60e anniversaire de la Fête de la Victoire, dans lequel il a indiqué que "les crimes odieux du colonialisme ne sauraient tomber dans l'oubli ni s'éteindre par la prescription. Un traitement responsable, intègre et impartial du dossier de la Mémoire et de l'Histoire, dans un climat de franchise et de confiance, est incontournable".
A cet égard, "je souligne encore une fois que cette question demeurera au centre de nos préoccupations..Nous poursuivrons sans relâche et sans compromis le parachèvement de nos démarches, en insistant sur le droit de notre pays à récupérer les archives, à connaitre le sort des disparus durant la Glorieuse guerre de libération", a ajouté le Président Tebboune.
Se remémorant l'enlèvement et le décès du martyr cheikh Larbi Tébessi en ce jour de l'an 1957, le ministre a souligné que les positions et les valeurs de cet homme restent gravées dans les mémoires et sont évoquées par les générations avec fierté.
Le ministère a saisi cette occasion pour rappeler la Journée internationale pour la sensibilisation au problème des mines.
Dans ce contexte, M. Rebigua a souligné que la pose des mines constitue "un crime colonial parmi des milliers de crimes odieux à l'encontre du peuple algérien qui s'est remémoré avec douleur et amertume, particulièrement dans les zones frontalières, les séquelles physiques et psychologiques des mines posées sur les lignes "Challe et Maurice".
"Aujourd'hui et grâce à l'Armée Nationale Populaire (ANP), le citoyen tire profit de ces zones qui ont été réhabilitées", a-t-il dit.
Dans ce cadre, M. Rebigua a rappelé les efforts déployés par l'Etat pour la prise en charge des préoccupations des invalides, victimes des mines ainsi que les victimes civiles, et ce à la faveur de la promotion des prestations sociales et sanitaires.
Cette rencontre a été marquée par la présentation de témoignages de moudjahidine victimes de mines qui se sont remémorés leurs douleurs et leurs souffrances durant la Guerre de libération.
Au terme de la conférence, le ministère des Moudjahidine et des Ayants-droit a honoré des moudjahidine ainsi que les maîtres conférenciers.
Algerie-1955 " Larbi Tebessi, le Coran et la guerre.
Nous sommes en septembre 1955 dans le village Agoussim, en Kabylie. La Revolution armée, depuis le 1er novembre 1954, était deja a sa première année. Dans une réunion a laquelle assistaient les maquisards de la première heure de la region dont Marzouk Ouamara, Belaid Amejtouh, Sayes Tahar, il y avait aussi le cheikh de la Medersa Amar Ath Lounis. C’était l'occasion inespérée, car une question qui taraudait l'esprit de certains combattants de l'ALN avait un lien avec la religion musulmane même s'elle posait un probleme de conscience individuelle, puisque tous savaient , des lors que chacun avait opté pour la participation a la Revolution, ils devaient se considérer comme condamnés d'avance a mourir et pour cause, l'appellation donnée aux volontaires de Moussebel, en fait s'appliquait aussi bien aux guetteurs, aux éclaireurs ou chef de front, qu'aux combattants de l’armée régulière de l'ALN dotés d'armes de guerre. La question inévitable mais refoulée par tous, finit par tomber sur le tapis comme un couperet d'une guillotine :
" Selon les principes de la religion musulmane, peut-on considérer le fait , pour un militant ou un combattant de l'ALN, dans la situation ou il est sur le point d’être capturé, qui se suicide volontairement, par ses propres moyens, dans le but d'échapper a la torture qui risque de le pousser a dénoncer ses compagnons, comme licite , vu sous l'angle du Saint Coran?En termes simples et selon le meme Saint Coran, peut-on affirmer que cet acte est considérée Hérésie, Kofr?".
Au bout d'un instant marqué par un silence lugubre dans la salle, le cheikh comprit que c'est sa compétence en théologie qui s'invite dans le débat et qui va être mise a rude epreuve. il comprit aussi que dans ce cas bien précis, la stratégie a l’échelle de l'individu n’était pas seulement affaire de militaires, mais d'explications de principes religieux dont il est sensé être "savant" . Amar Ath Lounis se vit confronté a un probleme de conscience, mais aussi de maîtrise de façon précise d'une question qui exige, en plus de la connaissance parfaite des versets coraniques, mais aussi de la capacité a résoudre un problème dont l’énoncé n’était pas explicitement posé dans le Texte Sacré. En d'autres termes, il doit faire appel a ce que les savants praticiens de la religion nomme "Ijtihad" ou la persévérance dans la recherche et l’interprétation. En tout état de cause il se voyait obligé de revêtir son étoffe de Cheikh de la Medersa devant des élèves d'un genre tout particulier, des baroudeurs prêts a se jeter devant la mort. Ce n’était donc pas une simple affaire de petit larcin de gamins qu'il se devait d'interdire ou d'autoriser par une espèce de fatwa. La doléance était de taille, Amar Ath Lounis ne passa pas par trente six chemins, vu qu'il n'avait aucune réponse entre les mains et qu'il ne tenait surtout pas a induire en erreur ces hommes dont le seul dessein n'était que de se sacrifier pour le pays. Devant ce dilemme, le cheikh ne chercha pas a tergiverser. il avoua sans détour qu'il ne pouvait se prononcer sur une question dont il ignorait jusque-la tout. Néanmoins il suggéra d'en référer a un exégète de réputation du nom de Larbi Tebessi, un activiste révolutionnaire de l'Association des Oulamas Algériens., qui résidait a l’époque dans la totale clandestinité a Alger, dans une des très étroites ruelles de la Kasba, qui mène a Djamaa Lihoud.
On rédigea alors sur le coup, un message a son intention qu'on prit soin de mettre dans une enveloppe fermée , sur laquelle on inscrivit le nom et l'adresse du fameux savant. On désigna dans le groupe Sayes Tahar, pour transporter la missive et la remettre au destinataire.
Le lendemain, le messager se présenta devant la porte d’entrée de Si Larb Tebessi qui le reçût après s’être annoncé comme étant l’envoyé de l'ALN. Il lui remit l'enveloppe que Larbi Tebessi scrutant recto verso pour découvrir qu'elle portait son nom et son adresse propre. Il ne put s’empêcher d'avoir cette réflexion " Vous direz a vos compagnons, que la prochaine fois, il ne faut jamais mettre les noms et les adresses de vos frères militants dans les papiers que vous envoyez. il y va de leur sécurité. les services de l’armée coloniale guettent tous les mouvements des résistants algériens".
Apres cette réflexion pertinente, le célèbre Cheikh passa a la lecture du message qui lui avait été transmis. Fort! très fort! Si Larbi. il ne tarda pas a rédiger la réponse en ces termes : " le suicide est un acte que Dieu reprouve de façon général. En effet nul n'a le droit ni de tuer un être humain, ni de se donner la mort lui-même. Néanmoins, il existe des situations exceptionnelles auxquelles les homme et les femmes en temps de guerre peuvent être confrontés. il y'a lieu dans ce cas d'examiner les causes, les objectifs que s'assigne volontairement l'auteur du suicide, la aussi la foi en Dieu, la conviction intervient. Et c'est pour cela que, au départ, si le suicidé avait un objectif tout a fait personnel, par exemple de se soustraire a la souffrance, ignorant de ce fait qu'il doit accepter le destin qui est le sien, dans ce cas l’individu concerné commet un crime, détestable par ailleurs, sur sa propre personne. Mais si le suicidé , se connaissant mieux que quiconque, a peur, sous la torture, de dénoncer ses compagnons, il attente a sa vie pour sauver ses mêmes compagnons, alors il n'enfreint aucune loi divine. Bien au contraire, il s'est sacrifié pour sauver la vie de ses frères. vous voyez donc que c'est une question d'intention et de foi."Il existe plusieurs types de suicides, certains sont égoïstes, d'autres , on peut dire qu'ils sont altruistes. Mais la cause pour laquelle on accepte de se sacrifier détermine l'acte lui-même.
la référence au Saint Coran dans la sourate LES CROYANTS versets 114 et 115, a éclairé le cheikh
Qui est Larbi Ferhati, dit Larbi Tebessi?
CHEIKH LARBI TEBESSI
Cheikh Larbi Tebessi, de son vrai nom Larbi FERHATI, est né en 1891 à Astah, Commune de Cheria (TEBESSA).
Après une formation initiale, en arabe, en Algérie, il poursuivra ses études à la Zitouna (Tunisie) puis à El Azhar (Egypte) et devint membre de l’Association des Oulamas Algériens.
Il est arrêté une première fois en 1943 puis il est emprisonné en 1945 à la suite des massacres de Sétif et de Guelma.
Il se fit remarquer par sa volonté réformiste, dans la mouvance de Abdelhamid Ben Badis, et par ses actions tendant à donner le savoir à l’Algérien à travers la langue que les colonisateurs tentaient de « supprimer ».
Il voulu mettre sur pied une école à cet effet à Alger et se rapprocha du Comité de construction de la Mosquée et de la Médersa de Belcourt qui pris connaissance officiellement de sa demande dans sa réunion du 29 Mars 1954.
Après s’être assurés que la qualité de « Habous » de la Mosquée et de la Médersa ne pourraient pas être remise en cause et sur proposition de Chikh Larbi Tébessi, les membres de ce Comité désignèrent un Groupe qui aurait à s’occuper de l’organisation de cours théologiques et de propagande auprès de la jeunesse de Belcourt ; cette décision fut prise le Samedi 5 Avril 1954.
Ayant pris en charge, pédagogiquement, la Médersa de Belcourt, Chikh Larbi Tébessi fit appel à de jeunes enseignants qui avaient pour la plupart fait leurs études à la Zitouna de Tunis.
Il fut aidé et conforté dans cette tâche par nombre de jeunes militants du FLN dont Messaoud (Hocine) MAHIEDDINE.
Cette Médersa vit ses premières classes ouvrir dans la Villa Mériem sise rue Sergent Bucklin, qui était un bien acheté par des Citoyens Algériens qui l’ont ensuite transformé en Habous pour y ériger l’actuelle Mosquée « Ahmed Abdellatif » (un article relatif à cette noble action sera publié prochainement ).
Au début, une classe tous nivaux confondus, y était tenue par Cheikh El Hachemi, puis arrivèrent Cheikh Derradji BOUROUIS, Cheikh Hocine BOUCHOUAIB, Cheikh Zoubir ABDELLATIF…
Dés la construction de la Mosquée et du Hammam, la Médersa se vit affecter un étage entier dans la nouvelle bâtisse et fut un palliatif pour les écoliers Algériens qui avaient abandonné les écoles françaises à la suite de la grève décrétée le 19 Mai 1956.
Les anciennes classes de cours de la Villa Meriem furent transformées en logements et Chikh Derradji BOUROUIS put y faire venir sa famille en Juin 1956 tandis que la famille de Chikh Larbi Tébessa emménagea en Octobre de la mëme année.
Cette Médersa se développa rapidement et fonctionna comme une école publique avec des classes différenciées par niveaux, des cours sur diverses matières selon des emplois du temps hebdomadaires, des cours d’éducation physique et sportive (avec Mr SAADI).
Le tout sous contrôle d’un Directeur et des visites inopinées de Cheikh Larbi Tébessi qui ne perdait pas l’occasion de haranguer les élèves pour les pousser à apprendre l’arabe pour s’instruire et à faire réciter le Coran à leurs parents qui n’avaient pas eu la chance de fréquenter une école.
On était loin de la médersa traditionnelle où les élèves étaient assis en rond, par terre, et qui apprenaient les versets du Coran « par cœur » en répétant après le Taleb ou qui essayaient de tracer les lettres de l’alphabet arabe sur des planches en bois avec une espèce d’encre…….
Cheikh Larbi Tébessi était réformiste mais aussi nationaliste révolutionnaire car il fut parmi ceux qui animaient le courant d’adhésion de l’Association des Oulémas au Front de Libération Nationale.
C‘est avec les Cheikhs Kheireddine et Soltani qu’il cherchera le contact avec le FLN, surtout après le 20 Août 1955 et l’appel lancé par Zighoud Youcef.
Très actif, et respecté au sein de l’Association il fut désigné au poste de Secrétaire Général puis il occupera les fonctions de Vice - Président.
Il présidera de fait l’Association lorsqu’il assurera l’intérim du Président Cheikh Bachir El Ibrahimi, en déplacement au Moyent Orient depuis 1952.
C’est sous sa signature et celle de Tewfik El Madani (alors Secrétaire Général) qu’est publiée une résolution de l’Assemblée Générale de l’Association des Oulémas tenue début 1956 qui s’en prend violemment au régime colonial (Voir le livre de Bélaïd Abane : « L’Algérie en guerre : Abane Ramdane et les fusils de la rébellion » pages 250 et suivantes).
Une telle personnalité ne pouvait laisser « insensibles » les parachutistes de Bigeard et Massu qui étaient installés dans deux villas très proches de la Mosquée.
Cheikh Larbi Tébessi sera enlevé le 4 Avril 1957 de son domicile, au dernier étage de la Villa Mériem, par des parachutistes.
Devant l’intérêt qu’on semblé accorder quelques organes de presse français à cet
enlèvement (notamment « Paris Match ») les militaires français nieront l’avoir arrêté ou détenu, laissant faire croire que ce serait l’œuvre de « civils déguisés en paras ».
Puis, officiellement personne n’évoquera plus son nom et il fera partie de la longue liste des « disparus ».
Cette disparition eut des effets négatifs sur le fonctionnement de la Médersa qui perdit par la suite un très grand nombre d’écoliers qui retrouvèrent les bancs des écoles françaises mais dont certains poursuivirent leurs études en arabe les jeudis et dimanches et pendant les congés scolaires.
Pour la postérité, son nom a été donné à une rue de Belcourt (ex-rue Marey), à une Mosquée au Hamma (ALGER), à l'Université de TEBESSA ainsi qu'à l'émission d'un timbre-poste à son effigie, entre autres.
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