A l’aube du 60ème anniversaire des accords d’Evian, le documentaire "Nos ombres d’Algérie" nous emmène explorer des pans de la guerre d’Algérie, par le biais du dessin. Plusieurs dessinateurs/dessinatrices de BD, retracent des tranches de vie, toutes représentées sur les lieux de leur histoire familiale.
Certains ont vécu en Algérie. D’autres pas. Mais tous ont en commun une histoire personnelle ancrée au plus profond d’eux-mêmes. Et cette histoire reprend forme à travers leurs témoignages mais surtout, par le biais de leurs créations. Des esquisses au crayon. Des croquis. Des dessins au feutre. Mais aussi des scènes de vie peintes à l’aquarelle : autant de supports pour ressusciter les fantômes du passé et graver à tout jamais la mémoire familiale dans la feuille.
Jeanne Puchol • © Kanari Films
Alexandre Tikhomirof était un soldat. Il a été un appelé de la guerre d’Algérie. Il se remémore le plateau dans les montagnes algériennes : "Là, tu marches, tu vois quelqu’un qui avance. Qui est-ce ? Un paysan qui rejoint son champ ? Et un deuxième… C’est l’angoisse permanente" (...) "Tu vis presque au jour le jour car l’évènement peut arriver sans que tu t’y attendes".
Ce sont ses récits dans les ouvrages "Une caserne au Soleil" ainsi que "La tasse de thé" qui ont inspiré le carnettiste Gaétan Nocq. Celui qui, dans sa BD "Soleil brûlant en Algérie", évoque la vie d’un soldat, Tikho, pendant la guerre d’Algérie.
De son côté, Farid Boudjellal, auteur de la série "Petit polio", évoque un cousin harki et son enfance au moment de la guerre d’Algérie. "Le cousin harki, c’est toute cette histoire des algériens qui se sont battus pour la France et qui étaient considérés comme des traitres. Alors que non. L’Algérie était française" raconte -il.
Quand j’étais petit, être arable c’était un gros mot
Kamel Khelif, auteur de BD
Par le biais de son art, l’auteur apprend à jouer avec les mots et les préjugés. "Je me marre" confie t-il. Mais, lorsque dans la rue, il vient à entendre une parole raciste, il se tétanise et redevient l'enfant qui a vécu et souffert du racisme.
Jacques Ferrandez et Joël Alessandra sont des fils et petit-fils de pieds-noirs.
Le premier, auteur des "Carnets d’Orient" et des "Carnets d’Algérie" revient aux sources. "Je me suis rapproché de mon grand-père. Il me racontait beaucoup de choses dans le sud algérien". Des récits qui lui ont inspirés ces aquarelles et notamment l’album, "Le fils du Sud".
La famille de Joël Alessandra a vécu à Constantine en Algérie "la ville aux ponts". A presque 50 ans, l’auteur et dessinateur n’était jamais allé en Algérie. Il se souvient des échanges familiaux passionnels autour de la table. "Les dimanches, quand on allait manger avec mes parents, chez mon grand-père et ma grand-mère, c’était le couscous. Et c’était à chaque fois, le discours de l’Algérie, les regrets d’un pays qu’on a laissé (…)". Un jour sa fille lui demande.
Mais alors papi, il était quoi ?
Un déclencheur qui emmène l’auteur à aller chercher un peu plus loin, arpenter les lieux où ont vécu ses aïeux et fouiller dans le passé de son histoire familiale. Son ouvrage "Petit Fils d’Algérie" révèle ses talents de conteur et d’artiste. Il retrace sa mémoire familiale pour mieux la transmettre.
Explorer les mémoires de la guerre d’Algérie, retracer les chemins familiaux à travers l’art, le dessin, apporte un autre regard sur ce pan de l’histoire trouble et encore très sensible de la guerre d’Algérie. Peut-être apporte-il une forme de résilience à ses auteurs qui portent encore en eux les marques toujours présentes de cet épisode tragique de l'histoire franco-algérienne.
"Nos ombres d'Algérie". Un film de Vincent Marie. A voir le jeudi 17 Mars 2022 à partir de 23 heures.
Une coproduction Kanari Films et France Télévisions. Avec la participation de TV5 Monde.
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