Pas besoin de vous expliquer où l'on va quand on arrive à Cherchell, directement au musée, même si on est déjà venu la semaine d'avant ; je crois qu'il y a un nouveau musée depuis 10 ou 15 ans, qui doit être sur la route d'Alger au niveau des Thermes de l'Est, mais nous ne l'avons pas connu, nous allions au Musée de la Place Romaine, entre l'église et le port.
Pas besoin non plus de vous raconter l'émotion, déjà quand on arrive on attrape les bellombras de la place et les "grandes gueules" de la fontaine en plein dans la figure, et on a beau être entraîné ça fait toujours un choc ; la petite terrasse entre le musée et l'aplomb de la falaise au-dessus du port, c'est l'un des endroits où j'aimerais prendre ma retraite, ou même être enterré, ou plutôt bien installé dans un sarcophage, avec un petit coussin sous la tête et un éventail comme avait ma grand-mère pour me faire du vent quand il fait un peu chaud (chez nous en Algérie, il ne fait pas trop chaud, il fait un peu chaud), et puis un ange du ciel qui viendrait prendre l'apéritif et la kémia avec moi et regarder l e soleil qui va taper le bain dans Notre Mer (Notre Mère, comme a écrit Dominique Fernandez).
Quand je me rappelle le musée de Cherchell, ou celui de Tipasa, ou ceux de D'zaïr, ou le vieux musée d'Olympie, je pense à leur façon de présenter les objets, pas savante et servie par la technique comme maintenant au Louvre, mais simplement, avec la lumière du ciel et des étiquettes écrites à l'encre violette avec une plume Sergent-Major ; à Cherchell, les statues portent une plaque en marbre fixée au socle, c'est plus chic que le papier-bristol et l'encre ...
A Cherchell, Iol Caesarea, vieux comptoir carthaginois (ils sont partout, ceux là) agrandi par Juba II et Cléopâtre Séléné, on ne compte pas les merveilles, si je voulais je vous montrerai le patio du musée et je n'aurais plus rien à dire ; une fois, j'ai cherché "Cherchell" sur l'Internet, et je suis arrivé au Musée des Moulages de Versailles, vous vous rendez compte, directement chez Louis XIV ! Heureusement, j'ai des sources iconographiques anciennes et rares, je pourrai afficher des choses que l'on ne voit pas partout, j'ai ma fierté d'auteur, quand même !
Bon, mais comme je l'ai déjà dit, Cherchell ce n'est pas que le musée, il y a aussi le port, même les ports, le port des pêcheurs pour les poissons quand on a faim, et le port extérieur qui fut militaire pour la vue qu'on a depuis le phare. C'est pas obligé de venir jusqu'à Cherchell pour regarder les pêcheurs rentrer le soir et acheter du poisson, on pouvait aussi bien aller à La Madrague ou à La Pérouse, mais déjà comme on est plus loin d'Alger c'est plus facile de marchander avec les pêcheurs, et puis on peut vraiment voir les discussions secrètes entre les patrons et les mareyeurs, moitié qu'ils parlent en arabe de Cherchell à toute allure, moitié qu'ils se font des gestes que ma grand-mère elle aurait eu le rouge à la figure, moitié que si on les regarde trop ils vous jettent l'oeil, nous on se mélait pas de la conversation mais on avait toujours de quoi rapporter à la maison un couffin de poisson frais.
Le port militaire, si je me souviens bien, il commence par un grand escalier raide et étroit pour monter en haut de l'îlot du phare, et puis ensuite on fait le tour en suivant un sentier toujours pas large du tout, et à un moment on descend en bas la mer jusqu'à un rocher un peu beaucoup (ça, c'est une unité de mesure typique à mon père, le pôvre) battu par les flots, on dispute la place aux moules et aux oursins juifs ; mais pour mater ech-chems qui va taper le bain avant de se coucher, alors là c'est encore plus mieux que le premier rang à l'Opéra d'Alger ! alors, moi je n'hésitais jamais à monter d'abord l'escalier et ensuite à descendre le sentier pour aller me mouiller le pantalon et profiter du spectacle.
Cherchell a toujours été pour moi une porte ouverte vers l'ouest, peut-être parce que - comme les enfants perdus sur une plage (ça m'est arrivé) - je marche vers le soleil et le soleil marche vers l'ouest. Alors, combien de fois de Cherchell nous avons continué sur la route de la mer : Novi, Fontaine du génie, et Gouraya ; mais je ne suis jamais allé au delà de Gouraya, sans doute à cause du manque d'hôtels et aussi pour cette raison que je ne connais pas qui nous empêchait d'aller trop loin par là.
Ce ne sont que des petits villages, la route nationale devient la rue, et les maisons n'avaient guère changé depuis leur construction bien des années auparavant. Un jour de 1973, en passant à Novi je me suis arrêté au cimetière, splendide cimetière sur la falaise, qui regarde la mer et le soleil ! entre le paysage et le plaisir de déchiffrer les noms sur les tombes, et aussi le sentiment du devoir à accomplir pour indiquer au Consulat de France dans quel état était le cimetière, j'ai passé un bon moment, et un vieil homme est arrivé se demandant qui se promenait là ; quand je me suis expliqué, lui m'a raconté qu'il était le gardien, payé par des familles françaises pour veiller sur les tombes, que il était allé à l'école avec le fils du Monsieur qui est enterré là, etc. il parlait comme quelqu'un qui a fréquenté l'école et les Français, je veux dire par là qu'il employait beaucoup d'expressions typiquement algéroises que personne ne connaissait plus à cette époque, que je n'avais pas entendues depuis longtemps, par exemple il me disait qu'il avait tué un jour "une madone de serpent", c'est à dire un serpent "grand comme ça" ; nous étions émus tous les deux, et les copines frangaouies avec qui j'étais se demandaient un peu quand et comment ça allait finir. Après Novi, j'aimais bien la borne miliaire (ça veut dire kilométrique sur les voies romaines) de Fontaine du génie, une grande et haute borne de granite, installée comme un phare à un carrefour au milieu du village. A Fontaine du génie, il y a des mines de fer, dont le minerai descend de la montagne en téléphérique avant d'être chargé sur des bateaux à quelques encablures du rivage.
Puis on passe à côté de la ferme où accostèrent en Octobre 1942 les officiers américains venus préparer le débarquement du 8 Novembre, et puis on arrive à Gouraya ; et pour moi, la route s'arrête là, j'aurais dû continuer, j'aurais dû continuer, j'aurais dû continuer, j'aurais dû ...
Sans aller aussi loin, la route de Tipaza à Cherchell mène (presque) à Hamma Righa, la station thermale la plus proche d'Alger, réputée pour ses eaux sulfureuses et son excellent Grand-Hôtel des Thermes ; jusqu'en 1975 nous y allions régulièrement, et il m'est arrivé une fois de goûter au farniente brûlant des piscines d'eau sulfureuse d'où l'on ressortait la peau douce comme jamais et l'appétit furieusement aiguisé.
Ca m'attriste un peu, j'ai appris récemment d'une amie très chère à mon cœur que le tremblement de terre de 1984, non content d'avoir bouleversé un peu les ruines de Tipaza, avait mis bas l'Hôtel des Thermes ; heureusement, les héritiers de la Sonatherm ont construit de jolis bungalows pour remplacer ce monument historique
Qu’en est-il devenu? car votre serviteur se rend régulièrement et à Tipaza et à Cherchell.
Tout d’abord, si vous devez vous déplacer en transport personnel je vous conseille la route de la Corniche un peu plus longue mais tellement plus agréable.
Après, chacune des villes a ses particularités:
Les Cherchellois sont des gens extraordinaires, toujours ouverts à la discussion …On ne s’y ennuie vraiment pas avec eux…
Le Port est assez actif et la pêche est une ressource assez conséquente pour la ville de Cherchell.
Les vestiges romains sont présents partout mais peu mis en valeur. Certes, il y a deux musées.. L’hôtel Césarée gloire de la ville pendant les années de la présence française est en cours de réfection…La ville s’étend principalement vers l’ouest et le sud.
Le problème environnemental est toujours posé et il y a des efforts à faire dans ce domaine.
Certes les abords de l’Académie sont «clean mais la propreté de la ville contraste avec celle de Tipaza.
Tipasa, c’est la Willaya (Préfecture). Tout est net, propre. Pas d’excès dans les constructions du centre ville et aux abords de celui-ci. Les deniers de l’UNESCO sont bien utilisés.
Il y a plus de modernité à Tipaza, mais aussi plus d’indifférence pour le voyageur. (tout est naturellement relatif). Vous y trouverez d’excellents restaurants, parmi eux «Le Romana» un établissement prestigieux qui comportera dans quelques années une «Boite de nuit» ainsi qu’un hôtel d’une trentaine de chambres, faisant de cet édifice un complexe touristique de premier plan…J’y retourne régulièrement au Romana, comme pour un pèlerinage puisque cette bâtisse n’était ni plus ni moins que celle de mon arrière grand-père Alexandre qui s’y était installé voici environ 150 ans…et qui fut même adjoint au maire de Tipaza, alors que le 19me siècle ne s’était pas encore achevé.
Le cimetière chrétien a été conservé et je m’y rends régulièrement…Djillalli le gardien m’y attend et c’est avec plaisir que je l’y retrouve chaque fois que je m’y rends…Là en effet y est enterrés Alexandre ainsi que plusieurs de ses enfants
http://www.algeriepyrenees.com/article-4813520.html
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