Emmanuel Macron a rendu hommage mardi aux manifestants morts au métro Charonne à Paris le 8 février 1962 lors d'un rassemblement contre l'OAS violemment réprimé, une première toutefois qualifiée d'insuffisante...
Emmanuel Macron a rendu hommage mardi aux manifestants morts au métro Charonne à Paris le 8 février 1962 lors d’un rassemblement contre l’OAS violemment réprimé, une première toutefois qualifiée d’insuffisante par des militants et collectif de victimes.
C’est le premier président, en soixante ans, à rendre hommage aux neuf victimes de cette manifestation organisée entre autres par le parti communiste, la CGT, et l’Unef.
Elle suivait une série d’attentats de l’OAS – l’Organisation armée secrète, bras armé clandestin des ultras de l’Algérie française – dont l’un, visant André Malraux, avait défiguré la veille une fillette de 4 ans.
Ce 8 février 1962, la manifestation avait été interdite aux termes du décret pris le 23 avril 1961 après le putsch des généraux à Alger. Mais plusieurs cortèges avaient tenté de rejoindre le rassemblement prévu place de la Bastille. Dans leurs rangs, de nombreux jeunes.
Sous autorité du préfet Maurice Papon, la manifestation pacifique fut violemment réprimée par la police, armée à l’époque de « bidules », ces matraques en bois.
Elle se solda par huit morts, dont trois femmes et un apprenti de 16 ans. Un homme mourut huit semaines plus tard de ses blessures. Tous étaient syndiqués à la CGT et – sauf un – membres du parti communiste.
Mardi, en fin d’après-midi, des gerbes ont été déposées sous la plaque scellée sur le carrelage blanc du métro où sont inscrits leur nom. Une minute de silence a été respectée en leur mémoire.
– Gerbe du préfet –
Dans la matinée, c’est le préfet de police de Paris Didier Lallement qui a déposé une gerbe au nom du président, lors d’une cérémonie au cimetière du Père Lachaise.
Dans un bref communiqué, M. Macron a déclaré: « le 8 février 1962, une manifestation unitaire a été organisée à Paris pour la paix et l’indépendance en Algérie et contre les attentats de l’OAS. Elle a été violemment réprimée par la police: neuf personnes ont perdu la vie, plusieurs centaines furent blessés ».
« Soixante ans après cette tragédie, je rends hommage à la mémoire des victimes et de leurs familles », a-t-il ajouté.
Attendu depuis longtemps, cet hommage « s’inscrit dans une démarche globale de reconnaissance de toutes les mémoires liées à la guerre d’Algérie et qui vise à construire cette mémoire commune », précise son entourage.
Déjà le 16 octobre, le chef de l’Etat avait fait un geste mémoriel, 60 ans après le massacre de dizaines de manifestants algériens à Paris le 17 octobre 1961, déclarant que ces « crimes » commis « sous l’autorité de Maurice Papon » étaient « inexcusables pour la République ».
Depuis son élection en 2017, Emmanuel Macron a multiplié les gestes mémoriels pour tenter de « réconcilier les mémoires » entre Français et Algériens, mais sans « repentance ».
Cependant, pas plus que pour le 17 octobre, ses propos sur Charonne n’ont apaisé mardi les associations et syndicats qui réclament une reconnaissance d’un « crime d’Etat »
« L’agression policière d’Etat exercée » n’est toujours pas réparée, a réagi Philippe Martinez, secrétaire général de la CGT avant la cérémonie réunissant à l’extérieur du métro plusieurs dizaines de militants et de témoins de l’époque. « On ne saurait se contenter d’un communiqué de l’Elysée sous formes d’excuses, c’est insuffisant ».
Egalement présent, le candidat communiste à la présidentielle Fabien Roussel a qualifié de « modeste » et « petit pas » le geste de Macron, et insisté sur l’indispensable « devoir de la mémoire » à l’heure où « le vent mauvais de la haine souffle à nouveau ».
Henri Cukierman, président du collectif « Vérité et justice pour Charonne », a salué « la première prise de position d’un président » mais déploré que « la responsabilité de l’Etat soit tue ».
« Ce n’est pas le préfet Papon qui est responsable du 17 octobre ou du 8 février ou de toute brutalité, c’est l’Etat », estime M. Cukierman, qui était présent sur ce même trottoir soixante ans plus tôt, au moment du drame.
Mardi, il a de nouveau demandé « la vérité et que justice soit faite » pour ces deux « crimes » de 1961 et 1962, malgré une « une loi d’amnistie de l’époque qui a permis d’éviter que la justice puisse faire son travail ».
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