Djamila Boupacha après avoir signé la pétition contre le pouvoir d'Alger
Figure féminine de proue de la guerre de libération de l’Algérie contre la France, Djamila Boupacha a refusé à la veille du troisième anniversaire du déclenchement du Hirak (22 février), cette semaine, à 84 ans, le poste de sénatrice auquel l’avait nommée le président algérien.
En effet, après que l’exécutif algérien ait annoncé en grande pompe que Djamila Boupacha figurait sur une liste de personnalités désignées par le chef de l’État pour le poste de sénatrice c’est une fin de non-recevoir que l’icône de la guerre d’Algérie (1954-1962) a opposé au régime d’Alger. Aussi, dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux la Grande Dame a gazouillé « J’ai servi mon pays auprès de mes frères et sœurs en tant que moudjahida [combattante contre la colonisation française], j’ai repris ma vie de citoyenne depuis et je tiens à le rester ». Plus clair que ça tu meurs.
Djamila Boupacha a tout simplement décliné pour ne pas dire rejeter, le poste de sénatrice dans le « tiers présidentiel » histoire ne pas servir de caution au système en place. Aussi a-t-elle publié pour le dire d’une autre manière sur la page Facebook de son amie Nacera Douagui ceci, « Je tiens à préciser que j’ai exprimé ma volonté et mon avis sur la question et j’ai décliné cette proposition qui m’a été faite par les instances officielles en les remerciant de la confiance qu’ils ont placée en moi », on peut donc y voir sans peur et sans reproche la formule polie « d’aller te faire voir ailleurs, tu peux toujours causer ». C’est que l’effrontée avait osé, l’année dernière, signer une pétition très critique envers le régime pour sa répression du mouvement de contestation Hirak qui marquera son troisième anniversaire mardi.
Djamila Boupacha s’est engagée à 23 ans dans la lutte pour la libération de l’Algérie. Elle avait été arrêtée à Alger à la suite d’un attentat en 1960, puis violée et torturée durant sa détention. Son histoire avait ému et indigné les opposants à la guerre d’Algérie en France parmi lesquels son avocate Gisèle Halimi, l’écrivaine Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre ou Louis Aragon qui avaient pris fait et cause pour celle qui fut soupçonnée d’avoir déposé une bombe – finalement désamorcée – dans la brasserie de la faculté d’Alger. Djamila Boupacha avait été libérée après les accords d’Évian de mars 1962 et n’avait plus vraiment fait parler d’elle jusqu’à l’année dernière à la signature de la pétition contre le pouvoir en place.
C’est que le Hirak, mouvement de contestation contre le système politique hérité de l’indépendance, pèse et pèsera toujours sur la Mouradia en le faisant trembler voire vaciller rien qu’à l’idée de voir ce printemps sommeillant, Dame Covid oblige, être réactivé. Cela étant, la bavure de la présidence est on ne peut plus imbécile. En effet, le fait de rendre publique la liste des sénateurs nommés sans leur consentement préalable des concernés appartient au dictat ou à la volonté dictatoriale d’une entité donnée (régime et junte d’Alger). En Algérie dès la nouvelle apparue, la toile s’est enflammée avec un hommage appuyé à la grande héroïne de la bataille d’Alger. « L’information du refus Djamila Boupacha à l’offre d’un système habitué à ces procédés de récupération et de clientélisme s’est répandue plus vite que la nouvelle de sa nomination, semant joie, honneur, fierté », soutiennent les internautes qui résument le sentiment de beaucoup d’Algériens d’Algérie et d’ailleurs.
En attendant, la grogne pourrait encore s’amplifier un peu plus avec une série documentaire produite par l’Institut national de l’audiovisuel (Ina) pour Arte. Enrichie d’images d’archives parfois inédites, en guerre(s) pour l’Algérie sera diffusée par la chaîne franco-allemande sous la forme de six épisodes chronologiques de 52 minutes les 1er et 2 mars, à l’occasion du 60e anniversaire de la fin du conflit. Ce qui risque de fâcher une fois de plus, le témoignage de 66 civils algériens ou Français d’Algérie, militants indépendantistes ou membres de l’OAS, appelés du contingent ou militaires de carrière porteurs de valise ou combattants, huit années durant, d’un des conflits les plus traumatisants du XXe siècle. Ça promet !
lundi 21 février 2022 - 08:40
https://fr.hespress.com/249463-algerie-et-djamila-boupacha-ils-sont-ou-les-martyrs-ils-sont-ou.html
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