Une série documentaire de sept heures, découpée en quatre parties, parvient à dresser un portrait fidèle, authentique et exhaustif du triple champion du monde. En n’oubliant pas sa part d’ombre.
27 mai 1963 : le boxeur américain poids lourd Cassius Clay (futur Muhammad Ali) est allongé sur son lit d’hôtel à Londres. Il lève cinq doigts pour prédire le nombre de rounds qu’il lui faudra pour mettre K.O. le boxeur britannique Henry Cooper.
Comment résumer avec justesse Muhammad (et non Mohammed, car il était américain) Ali ? Comment condenser le destin d’un homme aussi complexe et fascinant ? De nombreux documentaristes ont tenté l’exercice, ô combien périlleux. Un certain nombre s’y sont cassé les dents. Peut-être tout simplement parce qu’il est impossible de réduire le parcours exceptionnel d’Ali dans un seul film.
Le plus grand boxeur de tous les temps mérite qu’on s’y attarde. C’est le parti pris de Ken Burns, coutumier de très longs-métrages (il a notamment réalisé The Civil War, où il raconte en onze heures les quatre années de la guerre de Sécession). Avec sa série documentaire en quatre parties d’une durée totale de sept heures, sobrement intitulée Mohammed Ali, Ken Burns propose une formidable immersion dans la vie du champion. Il fallait bien ce format monumental pour dresser un portrait fidèle, authentique et exhaustif du poids lourd.
Ascension fulgurante
A travers de fabuleuses archives, dont certaines inédites, et de très nombreux entretiens – deux des filles d’Ali, Rasheda et Hana, leurs mères, le très controversé promoteur Don King, ou encore le boxeur Larry Holmes… –, le réalisateur parvient à explorer avec une grande humanité toutes les facettes du triple champion du monde. Patiemment, donc, mais toujours de façon rythmée et dynamique, il déroule l’histoire de celui qui fut, comme l’écrivit Norman Mailer, « la plus parfaite incarnation de l’esprit du XXe siècle ».
A l’origine, Cassius Marcellus Clay Jr, un gamin issu de la classe moyenne inférieure noire, originaire de Louisville, dans le Kentucky. La première partie du documentaire suit l’ascension fulgurante du jeune homme, déjà grande gueule et insolent, vers le sommet de la boxe professionnelle : un morceau de vie passionnant sur lequel la plupart des films consacrés à Ali passent toujours un peu trop vite.
Il y a ensuite, bien sûr, le boxeur danseur, le poids lourd qui éblouit autant par son incroyable jeu de jambes que par la rapidité de ses directs du gauche acérés. L’athlète hors norme, le génie du noble art qui « flotte comme un papillon et pique comme une abeille ». Sur le plan purement sportif, les amateurs de boxe seront comblés par les nombreuses images de combats, y compris les moins connus du grand public.
L’une des grandes forces de ce documentaire est d’insister sur les engagements personnels et politiques du boxeur. Car ses plus grands combats, le « Champ » les a menés en dehors des rings. Converti à l’islam, celui qui sera désormais connu sous le nom de Muhammad Ali refusera, au nom de sa foi, son incorporation pour la guerre du Vietnam et sera déchu de ses titres mondiaux. Honni pendant des années par une large frange de l’Amérique blanche et chrétienne, Ali n’a jamais dévié de ses convictions. Héraut du Black Power, il est devenu un symbole mondial de liberté et de courage.
Pionnier révolutionnaire, charismatique et flamboyant, Ali avait aussi sa part d’ombre, que le film n’oublie pas d’évoquer : ses multiples infidélités, le moment où il a tourné le dos à son ami Malcolm X, sa cruauté assumée lorsqu’il humiliait ses adversaires à grand renfort de trash-talking (« provocation verbale »), son ego surdimensionné… Décidément, Ken Burns arrive à tout dire et rend ainsi d’autant plus honneur à l’icône planétaire.
Mohammed Ali, documentaire en quatre parties de Ken Burns, Sarah Burns et David McMahon (EU, 2021, 4 × 110 min). Disponible à la demande sur Arte.tv jusqu’au 11 mars 2022.
Les commentaires récents