C’est ce qu’a annoncé la ministre de la culture Roselyne Bachelot. En mars, Emmanuel Macron avait déjà décidé de « faciliter l’accès aux archives classifiées de plus de cinquante ans », couvrant la période du conflit.
La ministre de la culture, Roselyne Bachelot, a annoncé vendredi 10 décembre la prochaine ouverture des archives sur « les enquêtes judiciaires » de la guerre d’Algérie (1954-1962), près de soixante ans après la fin du conflit et alors que la relation franco-algérienne est en crise depuis des mois. Une déclaration qui intervient deux jours après la visite à Alger du chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian.
« J’ouvre avec quinze ans d’avance les archives sur les enquêtes judiciaires de gendarmerie et de police qui ont rapport avec la guerre d’Algérie », a-t-elle annoncé sur BFM-TV. « On a des choses à reconstruire avec l’Algérie, elles ne pourront se reconstruire que sur la vérité », a estimé la ministre de la culture, qui a dans son périmètre la gestion des archives.
« Je veux que sur cette question – qui est troublante, irritante, où il y a des falsificateurs de l’histoire à l’œuvre – je veux qu’on puisse la regarder en face. On ne construit pas un roman national sur un mensonge », a argué la ministre, ajoutant :
« C’est la falsification qui amène toutes les errances, tous les troubles et toutes les haines. A partir du moment où les faits sont sur la table, où ils sont reconnus, où ils sont analysés, c’est à partir de ce moment-là qu’on peut construire une autre histoire, une réconciliation. »
Interrogée sur les conséquences de cette décision, notamment sur la confirmation à venir d’actes de torture commis par l’armée française en Algérie, Mme Bachelot a déclaré : « C’est l’intérêt du pays que de le reconnaître. »
Politique de réconciliation mémorielle
Cette annonce s’inscrit dans la politique de réconciliation mémorielle initiée par le chef de l’Etat, Emmanuel Macron. Le 13 septembre 2018, il reconnaissait que la disparition du mathématicien et militant communiste Maurice Audin, en 1957 à Alger, était le fait de l’armée française et promettait à sa famille un large accès aux archives. « Quand Emmanuel Macron a rendu justice sur l’affaire Audin, il avait ainsi mis la France en face de la vérité », a rappelé Mme Bachelot, ajoutant qu’« on ne doit jamais avoir peur de la vérité, il faut la contextualiser. (…) Mais il faut la regarder en face ».
Le 9 mars 2021, poursuivant sa politique de « petits pas », l’Elysée avait annoncé que le chef de l’Etat avait « pris la décision de permettre aux services d’archives de procéder aux déclassifications des documents couverts par le secret de la défense nationale (…) jusqu’aux dossiers de l’année 1970 incluse ». « Cette décision sera de nature à écourter sensiblement les délais d’attente liés à la procédure de déclassification, s’agissant notamment des documents relatifs à la guerre d’Algérie », selon le texte.
Peu avant, Emmanuel Macron avait reconnu, « au nom de la France », la torture et l’assassinat de l’avocat et dirigeant nationaliste Ali Boumendjel par l’armée française pendant la guerre d’Algérie en 1957.
« C’est un signal important que la France envoie »
Cette décision s’inspirait du rapport Stora sur la question mémorielle entre l’Algérie et la France qui préconise une ouverture et un partage des archives coloniales sensibles entre Algériens et Français, conservées aux Archives nationales d’outre-mer à Aix-en-Provence. Elle répondait aussi partiellement à une requête d’universitaires se plaignant des entraves à la libre consultation de documents historiques.
« A l’égard de l’Algérie, c’est un signal important que la France envoie, bien que cette politique mémorielle s’inscrive dans une démarche franco-française d’établissement des faits », a déclaré le Franco-Algérien, Karim Amellal, délégué interministériel à la Méditerranée. « Il y a une demande très forte des historiens s’agissant de la déclassification des documents couverts par le secret défense. Et l’idée fondamentale est de leur donner la possibilité de faire leur travail », a ajouté ce membre de la commission « Mémoire et vérité » présidée par l’historien Benjamin Stora.
Même requête, restée sans réponse, du côté des historiens algériens qui en avril ont appelé dans une lettre le chef d’Etat algérien à ouvrir les archives nationales sur cette période. « La demande et la revendication d’ouvrir les archives date d’au moins dix ans », déplorait alors l’historien Amar Mohand-Amer sur TV5Monde.
Soixante ans après la fin de la guerre d’Algérie, les plaies sont encore vives de part et d’autre malgré des gestes symboliques au fil des ans de la France qui exclut toutefois « repentance » ou « excuses ». Le président Emmanuel Macron avait déclenché l’ire d’Alger en octobre en accusant, selon des propos rapportés par Le Monde, le système « politico-militaire » algérien d’entretenir une « rente mémorielle » autour de la guerre d’indépendance et de la France. L’Algérie avait alors rappelé son ambassadeur à Paris et interdit le survol de son territoire aux avions militaires français ralliant le Sahel.
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