En reconnaissant le rôle de la France dans la mort de Maurice Audin, Emmanuel Macron rouvre le douloureux dossier de la guerre d’Algérie.
Cette guerre a «déchiré la société française, et continue de peser lourdement sur le terrain politique», explique une historienne. KEYSTONE-FRANCE
A-t-on tout dit sur les pages sombres de la guerre d'Algérie ? Non… mais tout ou presque a été écrit. Plus d'un demi-siècle après les accords d'Evian, qui ont mis fin en 1962 à huit ans de conflit, voilà le paradoxe : si les zones d'ombres ont été largement explorées par les historiens, en parler reste compliqué.
« Les faits sont connus, mais les mémoires restent conflictuelles, pas encore apaisées », explique l'historien Jean-Jacques Jordi, qui veut pourtant croire à un « tournant », tout comme sa collègue Sylvie Thénault : « Cette guerre a déchiré la société française, et continue de peser lourdement, notamment sur le terrain politique. Mais les temps changent, comme le prouve le discours audacieux du président. Même chez les militaires, les verrous ont en partie sauté », analyse cette spécialiste de la guerre d'indépendance algérienne.
Longtemps, l'armée et le politique ont préféré mettre sous le boisseau ce qui s'est passé en Algérie. Cette guerre fut particulièrement sale. Des deux côtés. Mais l'armée de la République n'avait-elle pas un plus grand devoir d'exemplarité que les insurgés d'un mouvement de libération ?
Les exécutions sommaires étaient fréquentes, notamment lors des « corvées de bois » où on laissait le prisonnier filer avant de l'abattre pour « évasion ». L'armée a aussi arrêté puis fait disparaître des milliers d'Algériens, mais quasiment pas d'Européens comme Maurice Audin, « un cas rarissime », note Sylvie Thénault. Saura-t-on un jour quel sort a été réservé à ces combattants, sympathisants ou simples civils arrachés à leur village? Combien ont été torturés avant d'être mis à mort? Jeudi, le président a parlé d'un « système institué légalement », faisant écho aux aveux du général Massu au « Monde » en 2000 : « La torture, assurément répréhensible, était couverte, voire ordonnée, par les autorités civiles ».
Les soldats avaient «carte blanche»
Pendant la bataille d'Alger, en 1957, les soldats avaient « carte blanche » du gouvernement pour mener leurs interrogatoires. « La torture était utilisée pour obtenir des renseignements plus rapidement et neutraliser les terroristes, comme on disait alors. Certaines unités y recourraient, d'autres pas », explique le général Trinquand, ex-conseiller du candidat Macron.
Pendant cette guerre, la France a utilisé du napalm, miné massivement le territoire, dressé des barrages à 20 000 volts aux frontières et parqué des populations entières dans des camps de regroupements. « Un quart des huit millions d'Algériens ont dû partir de chez eux, c'est colossal », explique Sylvie Thénault.
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