"Des mots couleur de henné"...
Bachir Hadj Ali est né le 10 décembre 1920 à Alger. Homme politique connu (un des principaux dirigeants du Parti Communiste Algérien, condamné par le régime colonial, militant clandestin durant toute la guerre de libération, arrêté et torturé après le coup d'état militaire de 1965), Bachir Hadj Ali a également occupé une place importante en tant qu'homme de culture. D'abord par ses conférences et écrits sur la culture, notamment sur la poésie et la musique:
- Culture nationale et révolution (1963).
- Qu'est-ce qu'une musique nationale ? (1964).
- El Anka et la tradition "chaâbi" (1979).
- Le Mal de vivre et la volonté d'être dans la jeune poésie algérienne (1977).
- Problèmes culturels de notre temps (1981).
Il est également connu, même si c'est de façon plus tardive, pour sa poésie qui reste cependant assez peu diffusée même si des travaux universitaires lui ont été consacrés tant en France qu'en Algérie. [1]
Une poÉsie engagée
Si le premier recueil de poèmes, Chants pour le 11 décembre ("La Nouvelle Critique", Paris 1961 - Rééd. 1963) se voit essentiellement marqué par l' engagement de l' auteur, ces chants, nés de la lutte, foisonnent d'images pleines de tendresse d'où l' Histoire n'est jamais absente.
Dans une Qacida andalouse dédiée à Pablo Picasso pour ses 80 ans, l' auteur confond dans une même douleur la chute de l' Andalousie musulmane, les massacres de Guernica et la guerre d'Algérie:
Les raisins du Zejel sèchent sur les belvédères de Grenade
L' acanthe des azuléjos verse sur le couchant des reflets amers
A regret nous fuyons Malaga derrière la cavalerie du zagal
Après un siège de cinq mois. Boabdil avait trahi.
Alfarez des Brigades, Rabah Oussidhoum, rêvait
Comme on va à la fontaine pour n'avoir jamais de rides
Son coeur a éclaté sur le coeur de Madrid
(...)
Il y a vingt cinq ans, comme une grenade mûre.
Un cheval hurle la mort dans la gorge percée de Lorca
Epouses noires de Guernica vos enfants ont grandi
Nous sommes entourés d'orphelins. Epouses noires de Guernica
Connaissez-vous l' agonie de vos soeurs auressiennes ?
Dans le patio vert de la colombe aux arcs lobés
Le jet d'eau module son chant, l' oeillet rouge ondule,
Le fidaï rend grâce au modèle du galbe et médite
Sur la justesse du mouvement et de la trajectoire qui foudroie.
Alger, septembre 1961 (p.31).
Outre les métaphores tout à fait novatrices de cette poésie, outre le plurilinguisme assumé de façon fort heureuse, outre les références à la culture et à l' Histoire du terroir, perce déjà dans ce recueil une sorte d'engouement pour cette autre forme d'art qu'est la musique : chants populaires et musique andalouse émaillent - par l' incursion d'un prélude, d'un vers, par la référence à un instrument de musique - certains de ces poèmes qui prennent alors les couleurs et la tonalité de la vie intensément vécue. Ainsi ce long poème intitulé Nuits algériennes dont voici un extrait.:
La nuit, longue est la nuit
Les gens en tremblent
Le lion est détrôné
C'est le règne du chacal
(Paroles d'un prélude algérois)
Pincer sur une guitare
Khaït laoutar [2] et chasser l' ennui
C'est facile mes frères
Utiliser sur le métier
Khaït men smaâ [3] et rêver de pluie
C'est facile mes frères
Ceindre sur le front de la ville
Khaït errouh [4] et l' espoir luit
C'est facile mes frères
Trancher au boussaadi [5]
Khaït el ghorb [6] et tuer la nuit
C'est facile mes frères
Mais dire
La plainte du cèdre déraciné
Mais taire
Les mille souffrances de la chair
Quand les tenailles arrachent l' ongle
Ce n'est pas facile mes frères
O donnez-moi le souffle de Belkhaïr [7]
Pour dire les nuits dénaturées
Pour dire les nuis algériennes (...) (p.28).
Les Chants pour les nuits de septembre [8] sont constitués de huit poèmes dont les titres réfèrent aux différents mouvements de la Nouba [9] : Touchiat, Istikhbar, Neqlabat... Ils sont le cri de l' homme torturé qui ne sait plus différencier le jour de la nuit :
(...) Nuits longues trop longues
Notre enfer est plus vivant que celui du ciel
Nuits incendiées dans nos corps
Nuits brouillées mêlées aux jours
Est-ce l' aube est-ce le crépuscule
Dès que pâlit le soir surgit le bourreau (p.83).
Pourtant, à la fin d'un long poème intitulé Ikhlass (Final) - serment dédié à un compagnon de lutte et pathétique profession de foi humaniste- on peut lire ces très beaux vers :
(...) Je jure sur l' angoisse démultipliée des épouses
Que nous bannirons la torture
Et que les tortionnaires ne seront pas torturés. (p.94).
Un travail accentuÉ de la forme
Nourrie de sensibilité, de générosité, d'engagement, révélant courage et clairvoyance, la poésie de Bachir Hadj Ali propose dans le recueil... Que la joie demeure [10], un travail accentué de la forme. Le titre qui réfère à la titulature de Jean-Sébastien Bach et répercute une résonnance biblique, programme d'emblée une lecture polyphonique et interculturelle.
Les poèmes s' élaborent sur la connaissance, le savoir traditionnel qui s' inscrit dans le savoir universel et dont les thèmes - liberté, luttes, amour... - unifient toutes les cultures et toutes les influences. Mais c'est essentiellement l' inscription des symboles traditionnels - le faucon, l' olivier, la noria... - et des expressions linguistiques tout à fait originales - parfois le transfert de sens d'un mot ou d'une expression dans une traduction intégrale de l' arabe au français - qui font fleurir une multitude de métaphores réveillant et secouant langue et monde:
Quittance
Mon Algérie de l' errance
Mon pays de parfums blancs
Les femmes se taisent
La terre fuit clandestine
Le ciel est désespérance
Sur l' exil des hommes
Grande ouverte est la mer (p.73).
Le recueil offre également des poèmes d'une grande sensualité. Ces poèmes, soudés par l' Histoire mais aussi par les bruits et odeurs de la nature, par la vibration de la musique et par une écoute intense des autres, célèbrent la femme aimée perçue comme le centre des rêves et de l' imaginaire, rayonnant dans un vécu cosmique : les couleurs des objets épousent alors les formes du corps et les chants d'amour s' élèvent, accrochant les étoiles, les terres d'alfa, les mers.
La profusion lexicale, on le voit dépasse l' objet pour en élargir sans cesse les contours, pour "dénoncer" les mots et les laisser chevaucher l' espace des sens, des sonorités et des couleurs.
Luminosité
Voici des jarres fières mûres jeunes rebelles noires chaudes
L' argile dit les mains agiles voyantes l' oeil attendrit
Docile le lait caillé polit la galette le jour le bois
Voici des ruches blondes frileuses ovales meules khaïma
Le miel confère leur dignité aux fleurs civilise le soleil
Dénude le ramadan et survit aux barbares
Voici les doigts fuselés vaporisés de legmi redevance du ciel
Le palmier meurt roi déchu d'un royaume victorieux
Saigne dévoré par les harems de soif insatisfaite
Je t'offre du miel du lait des dattes sur une nappe alfatière
Je viens vers toi du lointain vert des voiles
Vague vers son rivage fille de mers mêlées
Tu es ma raison rêveuse...(p.43)
L' aventure des "mots, des maux, des Émaux..."
Une "forme-sens"
C'est avec Mémoire-Clairière [11] que la poésie de Bachir Hadj Ali s' inscrit résolument dans un travail esthétique, celui de la "forme-sens". Ce recueil souvent jugé hermétique, qui brasse l' univers - celui des hommes de tous les espaces et de toutes les cultures - se place sans doute parmi les grandes oeuvres poétiques de notre temps.
En effet, c'est sur une savante architecture que se construisent et se répondent les neuf premiers poèmes regroupés sous le titre "Chants pour un futur intérieur". Organisés et rythmés selon les différents mouvements de la Nouba, ces chants, entrecoupés de strophes en vers libres, se trouvent entrelacés dans une correspondance entre "Elle" et "Lui". Les deux voix sont alors mises en place dans leur interdépendance et se relayent pour se mettre dans le ton : c'est "L' Istikhbar"
Lui
Pourquoi mon amour trouve-t-il sa correspondance dans le prélude de Buxtehude et l' istikhbar Sihli l' orphelin et les chants lavino-talmudiques des juifs chassés d'Espagne par Isabelle ?
J'ai écouté tantôt le cantor danois rayonnant d'optimisme.
Mes mots sont trop pauvres pour en parler. La réalité est profonde. Aujourd'hui elle surgit au crépuscule. J'ouvre un monde, celui des cimes. Je t'appelle comme celle qui saura m'apporter tout ce qui me manque, les richesses invisibles. (Chant A-p.18).
D'autres poèmes rappellent, par leurs thèmes, les chants populaires nationaux; un ancrage qui aiguise la parole du poète.
Chant de guerre et d'amour pour le sud
(...) Mes versets naissent de la guerre
Et des élans de l' alif
Et des flèches du regard et du cheval au galop
Et des éclairs du sabre et des étendues sans fin
(...)
Mon verbe est soldat infatigable
Sève intarissable
Explosion irrépressible
Il meurt et ressuscite
Transfiguré
Acéré
Aiguisé
Ambivalent
Contradiction
Et filali souple
Il vit d'éperons
Et meurt d'amour (p.32).
Déjà présents dans les recueils précédents, les procédés empruntés à la rhétorique arabe [12] se trouvent ici affinés et reconduits en français dans une activité créatrice originale qui inscrit la poétique de l' auteur dans ce que Khatibi traduit par le terme de "bilangue". Par exemple
Le jour se déploie souple de souplesse
Il verse des versets
lourds de lourdeur
Le mot égalisant l' égalité
Le mot libérant la liberté
Cette poésie profondément ancrée dans le patrimoine maghrébin réfère souvent à des thèmes du texte coranique,et cette évocation culturelle se voit dynamisée par l' écriture poétique. L' auteur, s' appuyant sur un cliché, une métaphore "usée", une formule figée, impose une cassure par un enchaînement métaphorique, provoquant une transformation de la langue et par là une transformation de la vision du monde.
LIRE
Au rythme torride de l' été psalmodiant
L' araignée tisse sa prison protectrice
Le soudassi riche des psaumes donatiens
Humanise la révolte des circoncellions
Récifs vestiges des terres anciennes
Les sanctuaires dégagent une fumée de chanvre (Vertige p.23).
Le verbe "Lire" associé aux premières métaphores réfère au Coran. "Prêche !" La deuxième métaphore "prison protectrice" fait très nettement allusion à la parabole dite de "L' araignée" selon laquelle le prophète Mohammed aurait échappé à la poursuite de ses ennemis grâce à la toile tissée par une araignée à l' entrée de la grotte où il s' était réfugié. Les deux vers suivants font référence à la révolte des circoncellions, ces "prolétaires des campagnes qui encerclaient les fermes romaines". Enfin, les deux derniers vers tissent ensemble ces références, offrant le spectacle de la combinatoire qui fait l' histoire des hommes. Ainsi la thématique coranique se trouve historicisée comme par contamination par l' évocation d'autres épisodes historiques et l' injonction"Lis" prête à une double lecture et/ou à une lecture historique du Coran.
Si cette poésie charrie des motifs culturels berbères, si elle convoque les genres musicaux du terroir, elle se plaît aussi à nous transporter au-delà du temps et de l' espace. Des ponts se trouvent jetés à travers le monde. Les spécificités nationales s' élargissent à l' universalité : cette "pluie féconde" exprimée par la strophe :
PLEUVOIR
Violente liqueur filtre de la vigne
Ivresse du regard danses mystiques
Provisions d'ayate et mer de sel
Rivages lointains armés de périls
Qu'est-ce qu'une frontière
Pour l' esprit pénétrant ? (Chant A-p.18).
Lieu de rencontre du passé et de l' avenir, cette entreprise poétique oeuvre donc pour d'Actuelles partitions pour demain. C'est ici le cinquième recueil [13] qui proclame toujours le rapport à la musique et dont la composition artistique se voit enrichie par de très belles illustrations du peintre Mohamed Khadda : deux formes d'art se parlent et se répondent dans une symbiose étonnamment réussie. Composé essentiellement de courts poèmes, le verbe, bref, se fait tranchant et meurtrier dès qu'il s' agit des survivances surannées du passé.
NUIT
De la suavité du basilic
Sur nos terrasses dégradées
Quelles en sont les traces
sinon ce hurlement
Silencieux
Des filles nubiles vendues
Mais Bachir Hadj Ali "écrit pour les temps à venir".
DELUGE
Cette contrée résiduelle
Habitée par le vent et le sel
Interstices de schistes et siricites
Vivent de frayeur
Dans l' attente du déluge
Dernier recueil de Bachir Hadj Ali, Soleils sonores [14] se présente sous la forme d'une jolie petite plaquette, toujours illustrée par Mohamed Khadda. Le peintre et le poète traquent le signe, gravent ensemble ses traces, projettent ses formes. Elan du trait, espace des mots et des sonorités, enlacement de multiples réseaux de sens, tout ce recueil imprime une étonnante impression de mouvements, de vigueur et de vie : rythmes africains, reggae, jazz, musique andalouse, chaâbi modulent chaque petit poème toujours chargé d'amour, de sensualité, de révolte et d'espoir dans une exigence de la forme qui dit tout "l' art d'aller à la chasse au bonheur" [15]
ROUILLE
gratter les mots
déjouer leurs sens
il suffirait d'une étincelle
et d'un flot tumultueux
étouffant nos voix
pour écouter
ton sommeil(p.29)
DERIVE
les yeux que la nuit ouvre pour nous percent
la calligraphie
étudier les signes japonais et la main gauche
pour les écrire
à l' envers
le texte est ainsi dynamique
il est peut-être une bouche - O
une bombe - O
un soleil - O
pourquoi représenter la réalité ? elle est ailleurs
le volcan crache ses poumons
pour échapper à sa prison
du soleil il extrait la clarté
de la lune, la lumière (p.55)
Janine FEVE-CARAGUEL
[1] Notamment la thèse de 3e cycle de Marie-Thérèse Bet, Université de Lyon II 1979; le DEA de Janine Fève, Université d' Alger 1983; un chapitre de la thèse d' Etat de Naget Khadda, Université de Paris III, 1987. De nombreux articles ont été consacrés à l' oeuvre dans diverses revues.
[2] Cordes d' instruments à musique (Note de l' auteur).
[3] Fil du ciel (averse) - (idem).
[4] Fil de l' âme (nom algérien du diadème) - (idem).
[5] Long couteau (idem).
[6] Fil du crépuscule (idem).
[7] Poète algérien mort en déportation, interné à Calvi (Corse) pour sa participation au soulèvement des Ouled -Sidi -Cheikh (1862-1882) (idem).
[8] Ed. de Minuit, Paris 1966.
[9] La musique classique ou savante est formée des Noubas. Une Nouba se compose d' une ouverture (Touchiat), d' un prélude (Istikhbar) puis de mouvements différemment rythmés et enfin s' achève sur le Mokhless ou final.
[10] Ed. Oswald, Paris 1970. Rééd. L' Harmattan, Paris 1981.
[11] E.F.R., Paris 1978.
[12] La grande productivité de dérivation en arabe, à partir de la racine trilitère du verbe, fait que les dérivations expriment la même nuance de sens et présentent les mêmes phénomènes consonantiques. Ainsi, le verbe, l' adjectif et le nom présentent une même récurrence phonématique. A noter également la possibilité, en arabe, d' employer à la fois l' adjectif et le nom issus de la même racine.
[13] Ed. L' Orycte, Sigean, 1980.
[14] tiré à compte d' auteur, Alger 1985.
[15] Phrase de Stendhal placée en exergue, à la première page du recueil.
https://www.limag.com/Textes/Manuref/HadjAli.htm
ACTUALITE ET PERTINENCE DE L’APPROCHE MUSICOLOGIQUE DE BACHIR HADJ ALI
L’INSTINCT MUSICAL.
Depuis son enfance, Bachir était charmé par la musique et ses mystères; plus tard se développa en lui le talent de poète. Il s’initia vers la fin des années cinquante à la musicologie, science monopolisée jusque-là par une poignée d’orientalistes et rendue inaccessible aux artistes, mélomanes et simples auditeurs qu’il arrivait à démystifier. Hamidouch, fils de la Casbah d’Alger, comme on aimait appeler Bachir, accompagna tout jeune des groupes de chaâbi et andalou. Son sens aigu du rythme, sa perception des durées sonores transposées en durées de mouvements du corps, l’aida très tôt à y jouer de la derbouka et développer ses aptitudes musicales , élargir ses horizons et mieux pénétrer ce monde en apprenant la guitare et en s’initiant au piano . Son quotient musical , comme on appelle l’intelligence en musique , atteint la moyenne ou plus, il entendait ‘’ juste ’’ , ‘’ sentait ’’ physiologiquement la musique; il pouvait reproduire un rythme, il avait de la mémoire et de l’imagination musicales. L’émotion progressa chez lui au fur et à mesure,avec des décharges de plus en plus intenses et son écoute intellectuelle encore plus, grâce au travail d’analyse sur les œuvres, notamment celles d’El Hadj M’hamed El Anka. L’ambiance musicale de l’époque à la Casbah aussi contribua à former Bachir, surtout dans l’audition et le rythme. L’enfant qu’il était ne pouvait requérir les moyens minimums pour se parfaire, même le jeune Hamidouch s’introduira difficilement chez les maîtres, un peu jaloux de leur savoir et le transmettant au compte-goutte aux jeunes disciples démunis. Absorbé par la politique, engagé dans le mouvement de son temps, selon son expression, il fréquenta toujours le milieu des artistes, les associations musicales dont il semble avoir été membre, comme El Mossilia… Il était lié d’amitié à des personnages en vue de cet univers, comme Cheikh El Anka, Sid Ahmed Serri … Arrivé à l’âge de maturité et grâce aux connaissances acquises dans le domaine de la poésie, et de la culture, il s’orienta vers la musicologie. Déjà,à la fin des années quarante, il développa ses qualités de critique musical dans la presse de l’époque, notamment dans ‘’liberté’’ où il contribua décisivement à améliorer la page culturelle et artistique, ensuite Alger-républicain. Autodidacte ,il commença à assimiler les grands ouvrages des orientalistes, tels Jules Rouanet, Henri Georges Farmer, et le Baron Rodolphe d’Erlanger. C’est en 1960 que parait son premier essai exhaustif sur la musique algérienne; il l’améliora en 1964 et le fera paraître sous le titre de ‘’ Qu’est-ce qu’une musique nationale ? ’’. Elle constitue son œuvre fondamentale dans la recherche musicologique. En tant qu’algérien, il est l’un des pionniers de cette discipline , la défrichant parfois confusément et instinctivement dans des conditions difficiles. Il y’a presque une décennie, il poussa plus loin ses travaux dans une magnifique monographie sur le genre chaâbi sous le titre ‘’Le style d’El Anka’’. Bachir était fasciné par la musique classique algérienne et maghrébine, par le chaâbi et son chef de file El Anka, par les autres genres comme le Kabyle, le raï, le bédoui … Il était ouvert à toutes les musiques du monde , aux chefs - d’œuvre de la musique rythmée , précisément le jazz et le reggae … En musique classique universelle et européenne sa ferveur allait à Beethoven et Mozart, les deux génies des siècles derniers. Il était abonné à une revue musicologique mondiale et suivait attentivement les événements de la vie musicale nationale et internationale en y participant chaque fois qu’il lui était possible. En prison lors de son arrestation en 1965, après le coup d’Etat du 19 juin 1965, il s’était débrouillé un vieux tourne-disque. En résidence surveillée à Marsa El Hadjadj, il fabriqua des flûtes en roseaux pour les enfants; tandis qu’à Aïn Sefra, il se pencha sur l’étude de la musique antique , grâce aux sources trouvées à la paroisse, particulièrement au traité musical de Saint Augustin. Moh Esghir,le célèbre guitariste aveugle de l’orchestre chaâbi-andalou, le reconnaissait en lui palpant les oreilles ! Son contact avec l’ancienne génération où les jeunes artistes ne s’est jamais rompu, ni d’ailleurs avec le public qu’il initiait à la science musicologique, ou à la musique - cet art d’une portée sociale considérable - qu’il considérait non seulement l’affaire des spécialistes , mais aussi de tous les auditeurs chez qui il testait, en bon pédagogue, l’évolution de la perception, de la conscience esthétique musicale et des habitudes auditives, lors des conférences qu’il donna en sillonnant le pays. Il continua à entretenir des liens aussi bien avec Hadj M’hamed El Anka, son préféré, Dahmane Benachour, Boudjemaâ Ferguène le qânoundji, Ahmed Serri qu’avec Idir ou les membres de la troupe Haddaoui d’Oran …comme il rendit visite à la diva du raï trab cheïkha Rimitti et reçu chez lui des jeunes chercheurs sur le patrimoine musical national dans ses différents genres et styles. Hamidouch avec sa mémoire prodigieuse, même gravement malade, pouvait accompagner une cassette de chaâbi en répétant les paroles ou fredonnant les airs de la mélodie. Il alla toujours aux concerts de ramadhan après les ballades de nuits dans des veillées prolongées animées de musique, avec sa femme. C’est d’ailleurs Ahmed Sefta , le juge de Blida et musicologue qui fut son cadi de mariage . A l’improviste , il forma un ‘’ orchestre ’’ de mélomanes avec fils et proches en jouant à la maison; il préférait jouer de la derbouka, ainsi faisait il pour que la joie demeure dans son foyer, pour le paraphraser. Pour Bachir, comme pour son peuple travailleur et ses artistes authentiques, la musique et son support esthétique est moyen d’approche de la beauté et de résistance dans la vie sociale. On retrouve ses traces même dans ses poèmes comme l’ont si bien montré des chercheurs littéraires dans ses divers recueils en y décelant le mouvement majestueux de la nouba andalouse et autres indices. La musique était en permanence sa compagne, stimulant son psychisme et sa force spirituelle, dans les moments de joie et de douceur, mais surtout de rudesse. Les supplices du ‘’ casque allemand ’’ qu’il subit , sont - elles pour qu’elle chose dans les dommages de son ouïe observés chez lui dés la fin des années soixante dix par des médecins à Bruxelles ?Leur diagnostic établissait la perte de la perception des sons aigues.Loin de nous l’idée de prétendre donner une réponse qui ne revient qu’aux spécialistes qualifiés.Mais une chose est sûre, cela deviendra pour lui un handicap sérieux dans son travail de musicologue, comme d’ailleurs sa perte de mémoire signalée vers la même période, alors qu’elle n’en était qu’à son début. En perdant la voix, la musique continua, même mal perçue, à l’aider pour s’exprimer,lorsqu’il entendait les sons médiums et graves, par des sentiments reflétés à travers les traits que prenait son visage, l’expression de son regard, les gestes de ses mains et de son corps. Il est fort probable qu’en l’écoutant son ouïe ne faisait que se dégrader, mais paradoxalement, c’est son audition qui le tire vers le sens de la vie lorsqu’il arriva à en capter des airs en lui redonnant force et énergie pour affronter ses souffrances et sa lente agonie irréversible. C’est de silence qu’il a besoin dans son état actuel diront certainement les musicothérapeutes, cette autre âme de la musique. En fait, celle-ci est par définition une somme de sons et de silences agréables à l’oreille humaine. Ah s’il retrouvait ses forces par miracle ! Lui qui nourrissait un grand rêve; son plus cher vœu était d’aller en R.D.A. - aujourd’hui rasée de la carte d’Europe - parfaire ses connaissances théoriques et techniques, après sa retraite, et revenir sur sa terre natale, continuer le plus ardu des combats, celui de l’art et de la culture. Il n’avait donc pas l’intention de quitter la scène et se confiner à sa vieillesse de façon ordinaire, mais de poursuivre son travail dans le domaine artistique et culturel, en cultivant les graines qui rapprochent toujours ce printemps éternel qu’était le socialisme, son idéal. Pour lui, ce dernier est le seul capable de permettre à chaque enfant qui porte en lui un talent, de le réaliser pleinement. Bachir Oulied haoumet El Casbah, avait très probablement un don de chef d’orchestre dés son enfance, grâce justement à son sens et perception élevés du rythme, du temps ‘’personnel’’ diront les musicologues. Ce don relatif fut assassiné en lui dés le bas-âge par l’obstacle de l’oppression coloniale et sociale; sa prise de conscience politique emprunta cet itinéraire et détermina sa force de caractère et ses capacités élevées d’endurance grâce à sa haute conscience esthétique. On peut, sans exagération mettre en relief le parallèle entre l’engouement de Bachir pour la derbouka, la musique rythmée et la prise des idées modernes sur. lui. Ce phénomène s’explique y compris chez le grand public, par les cadences sans cesse plus rapides qui caractérisent la vie moderne elle-même. Les résultats récents de la science musicologique attestent en plus que l’invasion des rythmes par le regain d’affection du jazz, le foisonnement des arrangements modernes, très rythmés d’œuvres classiques n’est pas considéré comme le tribut payé à la mode, mais surtout comme partie intégrante d’un processus social infiniment plus complexe . La musique rythmée contribue à l’équilibre des processus d’excitation et d’inhibition , et régularise les courants biologiques du cerveau. Elle incite à la danse; Bachir était aussi un bon danseur, aussi bien aux rythmes de notre terroir que d’un autre pays. C’est lui qui apprit aux autres cette faculté de suivre les mouvements d’un système rythmique quelconque.
RESISTANCE A LA TORTURE NEOCOLONIALE. Bachir naquit dans une famille nombreuse. Les contes chantés et les berceuses de sa grand-mère apprivoisant son sommeil, l’audition de la new music émise par les ondes sonores du vieux phonographe à grand pavillon acheté par son père ouvert à la modernité, ou y compris la ferveur religieuse éprouvée de la voix du muezzin de la mosquée Safir … ne pouvaient se substituer complètement à l’éducation dispensée par un conservatoire, nécessaire au plein épanouissement de ses aptitudes musicales. Ce manque à gagner sera légèrement comblé par les cadres traditionnels de la vie musicale de la Casbah. Celle-ci devait subir de lentes et profondes mutations à l’époque de brassage et métissage musical. Bachir en donne une description fouillée dans sa petite étude sur la tradition chaâbi et le rôle joué par cheïkh M’hamed El Anka. Son éducation musicale tardive - l’âge de 12 ans fixé par des spécialistes étant dépassé - n’a pas contribué à cultiver totalement son talent, et ne lui avait pas permis d’atteindre les niveaux exceptionnels que recelaient ses capacités ‘’innées’’. Sans surestimer le pouvoir des ‘’dons naturels’’ comme lui-même le pensait, c’est l’absence de moyens principalement qui constitue l’obstacle essentiel à l’éclosion de ses capacités dans l’instrumentation et la création musicale.Cette donnée est affirmée par la recherche neuro-musicologique de cette dernière décennie, même si on peut naitre ‘’disposé’’ à la musique à des degrés divers, comme on nait tout simplement brun ou myope … Jouissant de la liberté relative chèrement conquise par son peuple, il redoublera encore à l’indépendance ses efforts dans la musicologie comme on l’a déjà souligné. Il aura mieux accès aux émissions télévisées, à la radio … Il avait commencé, tellement attaché à cet art, à s’équiper difficilement et progressivement,de tout ce dont il avait besoin pour son travail de recherche, notamment en moyens d’audition et d’enregistrement, malgré ses maigres ressources financières. Lors de ses voyages de travail à l’étranger, il en profitait pour ramener souvent quelques disques et ouvrages relatifs à la musique. Pendant son séjour en Azerbaïdjan on lui offrit une flûte ornée dans un style musulman, le ‘’bendir’’ à cymbalettes et une balalaïka (petit cordophone triangulaire). Il collectionna dans sa vie une série d’instruments traditionnels et modernes dans sa maison de Hussein Dey qui était aussi son atelier de travail.Il montra un intérêt particulier à l’expérience musicale des républiques soviétiques de l’Asie. Il assista plus d’une fois, depuis le début des années cinquante - sauf durant la guerre de libération nationale où il lutta sur le sol national - au festival du printemps musical de Prague. Une fois, invité au congrès de la musique arabe à Baghdâd, au début des années soixante-dix, il refusa d’y aller à cause de la répression du régime qui s’abattit sur les forces démocratiques d’opposition. Ses sinistres tortionnaires, de l’après juin 1965, l’ont une fois menacé en ces termes : ‘’Tu ne feras plus de recherches sur la musique algérienne. Tu passeras devant le tribunal militaire. Tu seras condamné à mort. La grâce te sera refusée. Tu seras fusillé …’’. Quel cynisme ! Ils espéraient ainsi lui extorquer des aveux, par un marchandage sur tout ce qu’il tenait le plus chèrement. Peut-être croyaient ils, par inculture et ignorance, qu’ils avaient à faire, à un petit bourgeois à leur propre image, engouffré dans la satisfaction de désirs subjectifs, égoïstes et renfermé sur lui-même. Mais justement, c’est parce que l’attachement de Bachir à la musique, surtout du terroir national, son œuvre sur celle-ci, s’insérait totalement dans les préoccupations spirituelles de son peuple laborieux, qu’il observa le silence de l’honneur face au système élaboré de torture physique et morale néocoloniale. N'avait-il pas ébauché son essai sur la musique algérienne sous le titre : ’’ Quelques idées sur les caractéristiques, les sources, les tendances actuelles et les perspectives de la musique algérienne’’ ? Et cela dans le combat multiforme contre le colonialisme, juste avant l’indépendance, pour démontrer face au monde que l’Algérie était une nation bien distincte, ayant sa propre civilisation millénaire. Malheureusement, les héritiers de la D.S.T. ne l’épargneront pas, besogne que leurs maîtres n’avaient pu effectuer auparavant grâce à sa vigilance. Hamidouch, à l’insu de ses tortionnaires, continua à faire de la recherche sur la musique nationale, grâce à elle, y compris durant son ‘’séjour’’ dans les geôles et résidences surveillées. Une découverte récente relativement en psycho-musicologie ,nous démontre que peut-être, la principale vocation sociale de la musique est-elle d’éveiller en l’être humain aux moments les plus difficiles de sa vie, les forces en sommeil qui l’aident à s’affirmer, à résister, enclenchant le processus psychologique appelé ‘’ reflexe du but’’ par le physiologiste Ivan Pavlov et considéré comme la ‘’principale forme de l’énergie vitale’’ de l’être humain. Sans être académicien, universitaire, ou un officiel, par son approche scientifique en musicologie, par certains aspects originaux de ses analyses ou conclusions son œuvre encore inachevée demeure non seulement actuelle et pertinente, mais à notre sens, devance quelque peu son temps et reste incomprise par de larges milieux du monde de la musique. Cette dernière observation est relative à la notion de ‘’grande et future musique nationale’’, de naissance ‘’d’œuvres musicales nationales’’ et à la problématique du reflet de l’évolution sociale dans la musique, que lui-même relègue à un temps ultérieur. Cela n’exclut pas évidement, dans son esprit, d’opérer la distinction dans son œuvre ,entre ce que l’on pourrait considérer comme relevant plus d’orientations de politique est hélico musicale, et ce qui est du ressort de la science musicologique proprement dite, débarrassée d’une certaine surcharge politique. Bachir y arriva par exemple dans son dernier essai. Si dans son approche très nuancée, le rapport dialectique et complexe entre la société, l’art musical et son esthétique est plus ou moins cerné, par contre celui à la nature, n’apparait que peu … Malgré les limites - chose normale lorsqu’on avance dans le travail scientifique - son œuvre par son contenu condensé porteur d’une vision lointaine, continuera d’exercer une influence en profondeur sur la jeune école nationale de musicologie, non encore bien assise et structurée. Celle-ci se développera incontournable ment , sur les bases jetées par nos premiers critiques et musicologues des années d’avant l’indépendance et des orientalistes. On doit déceler dans leurs travaux ce qui est historique et scientifique, même chez ceux dont le contenu est entaché de préjugés racistes, d’idéologie colonialiste, d’ethnocentrisme ou de dogmatisme. Bachir lui, arrivait à discerner les choses. Il s’agit de réassimiler de manière critique les écrits musicologiques de Malek Oury, Ahmed Triqui, Jean Amrouche, Boudali Safir, Roland. Rhaïs, Taos Amrouche, Ahmed Sefta, Bachir Hadj Ali, de ceux encore lointains de nous, comme Ghaouti Bouali, Edmond Nathan Yafil et des orientalistes comme Francisco Daniel Salvador (le vaillant communard exécuté en 1871), Alexandre Christianowistch, Béla Bartók, Jules Rouanet , le Baron Radolphe d’Erlanger, Henri Georges Farmer … et peut - être d’autres encore inconnus par nous.
NOTES ET REFERENCES
- Cette petite étude avait paru, un peu censurée, dans Saoût Echaâb en 1990 à la suite d’une conférence que j’avais donné à Bousmaïl lors du premier hommage rendu au regretté Bachir Hadj Ali de son vivant même, pendant l’été. Presque un quart de siècle, et à l’occasion du premier hommage au défunt, après le décès de Safia-Lucette, son épouse, elle est légèrement actualisée, enrichie et corrigée en mai 2016. - L’éclairage en détail des traits propres à la structure mentale de l’individualité de l’auteur, en l’occurrence le regretté Bachir Hadj Ali, est l’une des conditions majeures pour la compréhension de l’apport réel de son œuvre en musicologie, autant que celle de sa conception du monde ou de son expérience sociale. On ne saurait, évidement, figer la vie singulière complexe dans ses mouvements, même étudiée sous un seul angle d’attaque. - Depuis la levée de la surveillance sur lui, malgré les séquelles des sévices et sa blessure interne dans sa fierté et sa sensibilité particulière, Bachir se consacra davantage et définitivement aux problèmes de la culture, de l’art et du legs civilisationnel. Il nous lègue une pensée féconde, un précieux trésor en héritage spirituel, à travers une série d’essais et d’articles et par le biais de ses recueils de poésie, plein d’humanisme et de beauté. Fidèle à son idéal, il se sacrifiera jusqu’à ses dernières forces pour son peuple travailleur. Ses qualités humaines, son lien constant avec les simples gens, ses capacités d’écouter attentivement les autres, d’apprendre auprès d’eux, le fait de ‘’se remettre à chaque fois sur le métier’’ - faisant allusion à l’esprit d’autocritique - et surtout son ardent travail, sont beaucoup dans la marque qu’il exerça sur la vie culturelle et le monde de l’art algérien.Et cela sans parler de son apport politique en qualité de dirigeant communiste. - Grâce à son sens poussé de la musique (particulièrement du rythme) et à sa perception du temps, en lui se développa l’aptitude de digérer un volume important d’information et de connaissances, de répartir son temps avec beaucoup d’exactitude, et de passer rapidement d’une activité à une autre. - Sa maison de Hussein Dey était d’ailleurs son atelier de travail, et très souvent le lieu où il accueillait les artistes et chercheurs, les hommes de la culture et poètes … M’hamed Khadda et Abdelkader Alloula seront ses plus fidèles compagnons. - Il fréquenta régulièrement les concerts de l’institut Goethe d’Alger, avec son épouse Safia (Lucie). - Son devoir familial, malgré ses charges multiples et pesantes, était bien accompli, y compris en donnant une certaine éducation en esthétique musicale aux siens, composante de la personnalité nationale, même si chacun devait évoluer selon ses propres choix. - Son père était shipchandler au port d’Alger, originaire d’Ath Hammad (Azzefoun) où il se ressourça souvent. - Son ex. épouse est la défunte Chérifa Fakhardji, mère de quatre enfants, dont deux filles et deux garçons. - Bachir est né exactement à Bir Djebbah dans la Casbah d’Alger le 10 décembre 1920. - On l’avait surnommé Hamidouch (berbérisassion de Mohamed) par croyance, par rapport au prophète pour apaisait son angoisse d’enfance. Il pleurait la nuit beaucoup et on lui chantait des berceuses dans sa langue maternelle (le kabyle) qui est de longue tradition orale, notamment sa grand-mère. - Exemple de berceuse qu’on lui fredonnait dans son lit de nourrisson‘’douh’’(m’hed):‘’assed yiffes outhi tsagh outhi bellou elkheïr dha erbeh erghouness ; ’assed yiffes outhi tsagh outhi bellou elkheïr dha erbeh iyouress.’’ - Dans son adolescence, il était attaché à la sœur du maître de la chanson andalouse Sid Ahmed Serri, Safia. - Bachir était parent à deux ‘’monuments’’ du mouvement ouvrier et communiste international, arabe et national, le docteur Camille Larribére, dont la nièce Lucette (Safia) était devenue sa femme à l’indépendance, et à Mahmoud Latréche ancien membre du Komintern qui s’était marié avec sa sœur Dahboucha. - La femme de Mahmoud (ce dernier se trouvant en RDA), sœur de Bachir, poétesse en Kabyle, a été assassiné en 1975, tout en sauvant son enfant qu’elle accompagnait, après avoir été manquée une semaine auparavant, non loin de chez elle à El Biar, renversé par un camion militaire (procédé de diversion du Mossad et du SDECE). - Bachir recherché, avait vécu une année, au début de la guerre d’indépendance, en clandestinité dans une même cache (khabiya) sortant toujours déguisé en femme avec Mahmoud Latrèche en 1955, à la Casbah, rue Menzeh, porte n°9. Ce dernier sera emprisonné au début à Douéra. - Bachir Hadj Ali avait toujours entretenu des rapports étroits avec le maître du chaâbi Hadj M’hamed El Anka et Sassi le musicien juif séfarade. - Yacef Saâdi était parent à lui du côté de sa grand-mère. - Mahfoud Kaddache était avec lui au SMA de la Casbah dans les années trente, mais évolua négativement. - Bachir avait été mobilisé en tant qu’insoumis pendant la seconde guerre mondiale comme infirmier à Blida où il avait connu A.Mahmoudi dirigeant du PCA. On retient de cette période qu’il était très généreux avec les vieilles femmes pour lesquelles il distribuait du pain gratuitement qu’il prélevait discrètement sur celui de l’armée française. - Il avait fait connaissance avec le dirigeant du PCF Jacques Duclos dés 1942 qui avait laissé une très bonne impression sur lui dé cette époque. - Son rôle d’animateur principal, au côté d’autres, dans la solidarité avec les victimes des événements tragiques du 8 mai 1945 est connu, comme d’ailleurs la direction des CDL et du PCA à l’intérieur du pays à partir de 1956. - Lucette son épouse vient de faire paraitre en 2011, un petit ouvrage de témoignage, sous le titre : ’’ itinéraire d’une militante algérienne ’’, où elle relate quelques unes des facettes du personnage pendant la période d’avant 1962. Elle avait déjà fait paraitre l’ouvrage en 2002 : ‘’ Lettres à Lucette ‘’ qui retrace des épisodes de la période de 1965-1970 (prison et résidence surveillée), où il est très souvent question de musique. - En 1981, j’avais assisté de loin (étant clandestin) à une conférence sur la musique donnée par lui à Oran au CRIDISH. Pour la 1ere fois, je le vois en chère et en os. Un ancien de l’UNEA apporta la contradiction à Bachir sur le grand compositeur, Mohamed Abdelwaheb, dont il était féru, à juste titre d’ailleurs. Mais le musicologue, prudent, dans le débat parla de la préférence subjective, à juste titre aussi. - Juste avant la sortie à la légalité, en 1989, c’est le premier dirigeant auquel je rendis visite chez lui à Hussein Dey et communiquai avec lui sur divers sujets, alors qu’il s’exprimait en vous serrant la main, clignant les yeux, versant les larmes du poète,après avoir perdu la parole.Et je contribuai depuis,à l’assister avec d’autres.
B. LECHLECH CHERCHEUR-MUSICOLOGUE
BIBLIOGRAPHIE SOMMAIRE:
- Jacqueline Renaud, L’énigme du don musical, nait-on musicien ? Revue science et vie n°744, septembre 1979. - Valentin Pétrouchine, La musique autour de nous, mensuel ‘’Znanié-Sila’’. - Interview de Lucette-Safia Hadj Ali, Alger 1990. - Témoignage de Smaïl Hadj Ali, Alger 1990. - Témoignage de la sœur ainé de Bachir, Alger 2001. - Bachir Hadj Ali, L’arbitraire, Editions de Minuit, Paris 1966. - Bachir Hadj Ali, Qu’est-ce qu’une musique nationale ? Revue Nouvelle Critique, Paris 1964. - Bachir Hadj Ali, Quelques problèmes actuels de notre musique, Revue … Alger 1965. - Bachir Hadj Ali, El Anka et la tradition chaâbi, Annuaire de l’Afrique du Nord n° XVII, année 1978. - Bachir Hadj Ali, Quelques problèmes culturels de notre temps, Collectif UNJA, Alger 1981. - Bachir Hadj Ali, culture nationale et révolution, Revue Nouvelle Critique n°147, Paris 1963. - Bachir Hadj Ali, Lettres à Lucette (1965- 1966), Editions RSM, Alger 2002. - Bachir Hadj Ali, Quelques idées sur les caractéristiques, les sources, les tendances actuelles et les perspectives de la musique algérienne, Revue Nouvelle Critique, Paris 1960.
ANNEXES
MUSIQUES ESSENTIELLES
Pour Marx, la musique est «un miroir de la réalité». Pour Freud «un texte à déchiffrer». Pour Nietzsche «paroles de vérité». Toute musique dans son essence est un outil qui contribue à créer une communauté. Elaborée, la musique populaire perd sa fonction rituelle. Elle accède dés lors à la grande musique, sinon, elle se perd dans les méandres des cerveaux dévastés.
https://www.facebook.com/groups/187104721420504/permalink/831935730270730/
"Des mots couleur de henné"...
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