“Le Mausolée des ancêtres”
Les premières questions que se pose le visiteur sont : comment a-t-on pu l’édifier ? D’où a-t-on ramené ces grosses pierres qui ont servi à sa construction ? Quels moyens a-t-on utilisés pour empiler ces volumineux blocs les uns sur les autres sur une hauteur de plus de 32 m ? Il en comptait une quarantaine à l’origine, selon certains archéologues.
“C’est ce que dit la légende”, concluait
le guide touristique devant le groupe de touristes qu’il accompagnait et quelques visiteurs. Il venait de raconter, au pied du Mausolée royal de Maurétanie, l’histoire du trésor que renfermerait ce monument funéraire. Un trésor qui s’était envolé, au sens propre du terme, vers l’Espagne, il y plusieurs siècles. Le vol fut, pour résumer, commis par un savant sorcier espagnol. Celui-ci offrit la liberté à son esclave algérien de la Mitidja sous une condition. Il lui demanda, une fois revenu au pays, de se rendre au Mausolée pour brûler un papier magique, une sorte d’amulette, qu’il lui remit. Dès que le papier fut consumé, un pan du mur du monument s’ouvrit et laissa sortir une nuée de pièces en or qui s’envolèrent, en file indienne, vers l’Espagne. Elles atterrirent, évidemment, dans l’escarcelle du fameux savant sorcier ibérique.
Une autre légende rapporte qu’un berger de la Mitidja devint immensément riche grâce à sa vache qui lui faussait compagnie chaque fin d’après-midi, sur le chemin du retour à l’étable. Un jour il a décida de la suivre pour comprendre la cause de sa quotidienne fugue. Le ruminant se détachait du troupeau, s’introduisait à l’intérieur du mausolée, pour n’en sortir que le lendemain. C’est en le suivant dans le monument que le berger tomba sur le trésor enfoui dedans.
Un remarquable monument
Le Mausolée royal de Maurétanie est désigné par des Algériens, surtout les habitants proches du site, notamment ceux du Sahel algérois, de Tipasa et de la Mitidja, par le nom de “Kbor Roumia”. La tombe de la Romaine. Les Français l’appelaient, l’appellent encore, dans une grande partie de leur littérature, le Tombeau de la chrétienne. C’est ce nom qu’on rencontre d’ailleurs dans les guides touristiques, accompagnés, dans les langues autres que le français, d’une traduction.
Édifié sur le sommet d’une colline, le mausolée est visible des quatre coins cardinaux et à plusieurs dizaines de kilomètres à la ronde. Il se trouve près de la petite ville de Sidi Rached et à proximité de l’autoroute reliant Alger et Tipasa. Il ressemble, vu de loin, à une calotte, à la moitié d’un nid de guêpes. Il grossit, prend du volume à mesure qu’on s’approche de lui. Un monument impressionnant. Et les premières questions que se pose le visiteur sont : comment a-t-on pu l’édifier ? D’où a-t-on ramené ces grosses pierres qui ont servi à sa construction ? Quels moyens a-t-on utilisés pour empiler ces volumineux blocs les uns sur les autres sur une hauteur de plus de 32 m ? Il en comptait une quarantaine à l’origine, selon certains archéologues.
Ce remarquable monument accueille, chaque jour, surtout par beau temps, un grand nombre de visiteurs. Il affiche complet certains week-ends et les jours fériés. Les visiteurs viennent des wilayas limitrophes d’Alger, de Tipasa et de Blida. Ils débarquent également d’autres régions du pays, notamment d’Aïn Defla, de Chlef et de Relizane. Il fait partie, depuis longtemps, des sites proposés aux touristes étrangers par les tour-opérateurs et leurs partenaires algériens, en l’occurrence les agences de voyages et de tourisme locales.
© Liberté
Site historique et touristique
Il est vrai que le Mausolée royal de Maurétanie est un superbe monument à la fois historique et touristique. Il est impressionnant de par sa structure et son volume qui dépasse 80 000 m de pierres de grandes dimensions.
Il s’agit d’un édifice en forme circulaire mesurant 185,50 m de circonférence, 60,90 m de diamètres et 32,40 m de hauteur. Il est formé de 33 gradins et entouré de 60 colonnes engagées de type ionique supportant une corniche. Il compte également quatre fausses portes orientées sur les quatre points cardinaux, ornées, au milieu, de moulues ayant la forme de croix. Ce qui explique, peut-être, l’appellation de “Tombeau de la chrétienne” donnée au monument. L’intérieur renferme un caveau, un vestibule, un couloir circulaire voûté de 141 m qui mène vers deux autres caveaux, dont un abrite trois niches à l’ouest, au nord et au sud. On y accède par une petite porte basse et étroite, courbé, presque à quatre pattes, située sous la fausse porte de l’est. Dans les années 1970 et 1980, les visiteurs pouvaient y entrer. Aujourd’hui, l’accès y est interdit. Le site, lui, a été fermé pendant 27 ans, à partir de 1992, en raison de l’insécurité liée au terrorisme. Il a été placé sous la surveillance de la garde communale et des patriotes. Il n’a rouvert son portail au public qu’en mai 2019.
Le Mausolée royal de Maurétanie n’a pas livré, laissé percer tous ses secrets. Il en a fourni très peu depuis les deux premières fouilles effectuées respectivement en 1855-1856 et en 1965-1966 par Adrien Berbrugger, fondateur du premier musée-bibliothèque d’Alger, et Oscar MacCarthy, géographe et explorateur d’origine irlandaise. On n’avait découvert ni ossements humains ni cendres d’incinération.
Le mausolée de Juba II
Rien. Pas la moindre trace du roi Juba II à qui on a attribué l’édification du monument, ni de sa femme Cléopâtre Séléné, fille d’Antoine et de Cléopâtre, ni de son fils Ptolémée assassiné par son cousin Gaius Caligula à Rome, ou d’autres membres de la famille royale. On a tout juste, d’après les écrits du XIXe siècle, trouvé, éparpillés sur le sol dans ses galeries, couloirs et caveaux, quelques “petites perles en pierre rare”, une poignée de pièces du IVe et du Ie siècles, des fragments de bijoux, des débris de plats décorés de symboles chrétiens et des poteries de fabrication locale. Des poteries “ressemblant à la vaisselle kabyle actuelle (milieu du XIXe siècle), mais d’aspect plus ancien. Elles jonchent le sol”, selon Stephane Gsell, qui a effectué les premières fouilles.
“La violation du tombeau de la chrétienne a suivi de très près l’assassinat du roi Ptolémée à Rome. Le monument est ensuite resté ouvert jusqu’à l’invasion arabe” à la fin du VIIe siècle, selon Adrien Berbrugger. Cela signifie que pendant des siècles le monument était livré à lui-même, aux chapardeurs et autres chercheurs de trésors. Il est vrai que lorsqu’on recense le nombre d’assauts, de viols, d’actes de destruction et de profanation qu’il a subis, on ne peut imaginer trouver d’autres objets susceptibles de nous éclairer sur le site, son édification et sa destination. Il ne fait aucun doute “que c’est Juba II qui a élevé ce monument”, a souligné M. Berbrugger. “Ce souverain épris de luxe et passionné pour les arts, qui fit de Iol (Cherchell), à peu près inconnu au temps de Bocchus, une ville somptueuse, un tombeau aussi grandiose convenant bien à un tel prince…”, écrivait-il dans son Guide archéologique des environs d’Alger publié en 1896.
Vue fascinante sur la Mitidja
Lors de la première opération de fouilles, Berbrugger et MacCarthy avaient trouvé les caveaux et les couloirs vides, “car ils avaient été violés par les Romains qui n’y laissèrent que de menus objets et des débris de poterie”, selon le journal Le Tell du 18 septembre 1892 paraissant à Blida. Le monument avait été canonné et endommagé par deux pachas ottomans, Salah Raïs, en 1555, et Baba Mohammed, en 1766, à la recherche d’un éventuel trésor. Ils ne savaient pas que le site avait déjà été “visité” d’abord par les Romains, puis probablement par d’autres rois, princes, envahisseurs et les autochtones de la région. Mais les deux principaux trésors demeurent encore sur place. Il s’agit du Mausolée lui-même, un gigantesque tumulus de pierres de grandes dimensions, qui aurait servi de sépulture. Il y a ensuit le site. Il offre une extraordinaire vue panoramique, à couper le souffle, sur une longue et large partie de la riche plaine de la Mitidja, sur ses nombreuses villes et villages, ainsi que sur l’imposant massif montagneux de l’Atlas blidéen.
Un panorama ravissant, difficile à décrire, qui envoûte les visiteurs, ébahis par le tableau qui se déroule sous leurs yeux. Il constitue la principale attraction pour des habitués des lieux, qui, au retour d’une escapade à Cherchell ou à Tipasa, effectuaient un détour par le “Mausolée des ancêtres”, comme aimaient dire certains d’entre eux.
Par : Mohamed Arezki HIMEUR le 11-11-2021
https://www.liberte-algerie.com/magazine/le-mausolee-des-ancetres-368082
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