''Notre sapeur-mineur Gérard Fanon est envoyé à la 960ème compagnie du Génie basée entre Tipasa et Cherchell dans le massif de Chenoua.''
Il s’agit d’un livre produit par l’association Blagnac, Histoire et Mémoire. Il concerne un jeune appelé du contingent tué le 15 janvier 1960 en Algérie. La genèse de l’ouvrage est originale. A la mort de ce soldat on a envoyé à la famille une valise métallique contenant divers documents appartenant au défunt.
Cette valise a été complétée après le décès par une correspondance que le conscrit entretenait avec ses parents ou ses amis. Elle a été laissée fermée pendant soixante ans et remise à l’association de Blagnac qui en a exploité le contenu et cherché des informations dans plusieurs institutions.
Le résultat en est une étude du parcours de ce militaire à qui a été attribuée la mention « Mort pour la France », une expression qui quoique controversée, oui la France n’avait aucun intérêt à mener cette guerre, figure sur la couverture du livre.
Les documents permettent de reconstituer l’itinéraire de cette victime de l’incompréhension de nos dirigeants politiques de cette époque. Il s’appelait Gérard Jean Fano et vivait à Toulouse quand il a été appelé pour effectuer son service militaire. Il va faire ses classes en Allemagne dans un régiment du Génie.
Le conscrit est né le 16 novembre1937. Ses grands-parents paternels sont venus d’Espagne en 1900. Ils arrivaient de vers Bilbao. Le père de Gérard est manutentionnaire dans une entreprise qui s’occupe d’électricité et qui sera absorbée par EDF. La fratrie comporte cinq unités. Gérard a un frère Laurent qui est l’aîné, une sœur plus âgée que lui et deux sœurs plus jeunes. Quand il est appelé sous les drapeaux notre conscrit travaillait comme manœuvre dans la maçonnerie.
BHM (le sigle de Blagnac, Histoire et Mémoire) présente une chronologie de la guerre d’Algérie, succincte mais fort bien faite. Notre sapeur-mineur est envoyé à la 960ème compagnie du Génie basée entre Tipasa et Cherchell dans le massif de Chenoua.
On le retrouve affecté dans une SAS une structure créée dans le cadre de la politique de ralliement à la France des populations musulmanes. Tout un chapitre est consacré au sujet. Il y manque m’a-t-il semblé le deuxième rôle qu’on demandait aux SAS, celui de la surveillance des autochtones.
De même si certains aspects économiques sont évoqués avec les camps de regroupement il n’est pas clairement dit que c’était l’enfer pour ceux qui s’y trouvaient. La mortalité, celle des jeunes en particulier, était effroyable.
Gérard Fanon s’occupe des missions qu’on lui sont confiées. Il ravitaille notamment en matériaux les chantiers entrepris dans le cadre du plan de Constantine. C’est un travail pénible en raison de la chaleur et de la poussière ou du froid, de la pluie et de la neige, conditions auxquelles il faut ajouter la longueur de la journée.
Nous avons force détails sur ce quotidien grâce aux lettres trouvées dans la valise ainsi qu’aux nombreuses photos qui les accompagnent. Le matériel et les hommes sont soumis à rude épreuve mais il ne semble pas, à la lecture du courrier envoyé à ses parents qu’il y ait du danger du côté de l’ALN. Pourtant c’est au retour d’une livraison avec son camion qu’il est pris dans une embuscade où il laissera la vie, à deux mois de la fin de son service militaire.
Les auteurs de l’ouvrage nous donnent tous les détails sur le rapatriement du corps, les formalités administratives, les obsèques à Blagnac. On décore le sapeur-mineur Fano de la valeur militaire à titre posthume. Eh oui, ce n’était pas une guerre, on devait jouer avec les décorations de même qu’avec la mention « Mort pour la France »..
Le compte-rendu de la presse n’est pas empreint de pacifisme, ce n’est pas encore acquis dans les consciences. Le fait qu’en 1958 le FLN ait décidé de porter son action militaire en France aura probablement retardé l’évolution qui finira quand même par s’imposer.
C’est un document très riche qui précise certains points, le rôle de la poste aux armées notamment. Il nous décrit le milieu familial du jeune Fano qui n’a pas les moyens de se payer ce que commence à offrir la société de consommation. On y apprend les loisirs de chacun. La course cycliste et la corrida sont les passions du père cependant que les fils vont au cinéma ou vont danser dans les fêtes de village.
Mais pour Gérard Jean, Jeannot comme on l’appelait dans sa famille, l’aventure s’est arrêtée à Dra-el-Guenina dans le contexte d’une guerre anachronique, absurde et sans autre perspective que l’indépendance de l’Algérie..
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