Depuis qu’en janvier 2021 l’historien Benjamin Stora a remis à Emmanuel Macron un rapport sur la guerre d’Algérie, censé apaiser les tensions entre les deux pays, une véritable crise mémorielle et diplomatique empoisonne les relations entre Alger et Paris.
Un rapport controversé
Cette controverse éditée par Courrier international à la suite de la publication du rapport Stora oppose deux journaux algériens. Pour le quotidien algérien L’Expression, ce travail de mémoire a le mérite de “mettre des mots sur les maux, d’identifier les plaies et d’apaiser les douleurs”. À l’inverse, selon le site d’information Twala Emmanuel Macron refuserait toujours d’accepter la responsabilité de la France dans la guerre d’Algérie. Il en veut pour preuve les propos du président français :
En 2021, Emmanuel Macron, dans l’espoir de se faire réélire, lance une attaque symbolique contre l’Algérie : ‘ni excuses ni repentance’ pour le passé colonial.”
L’article critique sévèrement le travail de l’historien mandaté par le président :
Benjamin Stora a rendu un rapport aussi ambivalent, ambigu et flottant que possible. Un chef-d’œuvre de nageur entre deux eaux qui cherche avant tout à ne pas mécontenter le lobby colonial, sans rien dire de méchant à l’égard des Algériens.”
Un hommage déplacé
Cet autre article, tiré du quotidien algérien en ligne Tout sur l’Algérie (TSA), revient, lui, sur l’hommage rendu par le président Macron aux harkis, ces Algériens qui ont combattu aux côtés des soldats français pendant la guerre d’Algérie.
Là encore, le président est accusé de récupérer le passé à des fins électoralistes. L’article estime qu’“Emmanuel Macron cherche à ratisser large en vue d’une réélection qui s’annonce compliquée”. Il rappelle que la place des harkis reste encore très problématique dans leur pays d’origine : “L’Algérie refuse toujours le retour de ceux qui ont pris les armes contre leurs frères en lutte pour l’indépendance.”
Des propos offensants
Le quotidien algérien Liberté revient sur des paroles prononcées par Emmanuel Macron le 30 septembre, qui ont provoqué une crise diplomatique majeure entre les deux pays. Le quotidien Le Monde a en effet révélé que le président avait tenu des propos controversés devant un groupe de petits-enfants de pieds-noirs, de harkis et d’anciens combattant du FLN.
Il a ainsi qualifié le pouvoir algérien de “système politique fatigué” et a déclaré que “le système politico-militaire algérien s’est construit sur la rente mémorielle”.
Alger a réagi le 2 octobre contre une “ingérence inadmissible dans ses affaires intérieures”, a rappelé son ambassadeur à Paris et interdit le survol de son territoire aux avions militaires français.
Un crime reconnu à moitié
Ce dernier article de Liberté revient enfin sur le drame du 17 octobre 1961. Ce soir-là, la police française, sur ordre du préfet de police de Paris Maurice Papon, a réprimé dans le sang une manifestation d’Algériens, lançant nombre d’entre eux dans la Seine. Le bilan humain fait encore débat entre les historiens, d’autant que les archives ne sont toujours pas ouvertes au public.
L’État français a dénoncé dans une déclaration officielle “des crimes inexcusables pour la République”. Emmanuel Macron a déposé une gerbe de fleurs, mais s’est abstenu de toute déclaration ce qui, pour le quotidien algérien, est encore une fois un “calcul électoraliste”. Il écrit ainsi :
” N’ayant pas l’audace de dire les mots justes et de reconnaître des crimes d’État, Emmanuel Macron s’est contenté d’un exercice purement symbolique. ”
Publié le
Benjamin Daubeuf
https://www.courrierinternational.com/article/la-lettre-de-leduc-la-guerre-dalgerie-au-coeur-dune-crise-memorielle
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