Récit
Au premier jour de son procès pour terrorisme, ce 21 septembre à Paris, le nationaliste Logan Nisin a raconté la « rancœur » sur laquelle ont prospéré ses projets de ratonnades et d'assassinats politiques en 2016-2017. Jugés jusqu'au 5 octobre, lui et ses cinq complices, âgés de 23 à 33 ans, ont tenté de minimiser leurs actes.
L’espace d’une seconde, Logan Nisin semble perdu, hésitant. Le président du tribunal lui demandait à l'instant s’il désirait « se positionner » sur les faits : les projets avortés de l’OAS, cette milice raciste qu’il a fondée en 2016. Les projets d'assassinats et d'actions violentes pour lesquels il encourt 10 ans de réclusion. Nisin reprend rapidement ses esprits et le micro : « A priori, non, je n’ai rien à dire. »
Gueule d'ado timoré, chemise bleu claire, l'ex-militant d'extrême droite paraît bien seul, ce 21 septembre, dans le box vitré du Tribunal de Paris. C'est que, jugé jusqu'au 5 octobre pour « association de malfaiteurs terroriste », « vol en relation une entreprise terroriste » ou encore « apologie de terrorisme », Nisin est aussi considéré comme le seul cerveau de cet éphémère groupe clandestin.
LUTTER CONTRE L'« ISLAMISATION »
Fondée courant 2016, structurée mais vague sur ses cibles, l'OAS (pour « Organisation des armées sociales ») désirait lutter contre « l’islamisation de la France » et « enclencher la rémigration basée sur la terreur ». Au menu, des actions violentes contre diverses cibles, choisies dans le cerveau tourmenté de ce jeune provençal : des restaurants indiens, des kebabs, des minorités (il s’agissait aussi de « casser de l’Arabe », de « casser du nègre » ou encore « reprendre Marseille à la rue »). Mais aussi des personnalités comme Christophe Castaner ou Jean-Luc Mélenchon. Avec ses acolytes, Nisin envisageait en outre du racket et des vols de véhicule pour financer leur lutte. Ils avaient d'ailleurs volé une voiture, stocké des carabines et des révolvers.
Mais la faction a été empêchée à temps avec l'arrestation de leur chef autoproclamé en juin 2017. « Dans ce dossier, il n’y a pas eu de passage à l’acte, pas d’assassinat, mais des actes préparatoires, comme des faits de vol de voiture », rappelle la procureure, Saliha Hand-Ouali, lors d’une de ses premières interventions. Un avocat de la défense parlera lui d’actes « embryonnaires ».
Outre leur « régent » Logan Nisin, cinq complices sont jugés pour « association de malfaiteurs terroriste ». Travaillant dans des Ehpad, des supermarchés ou dans la charpente, surtout en CDD ou en intérim, tous comparaissent libres et tous font part de leurs regrets. Ainsi, le commandant en second de Logan Nisin à l’OAS, Romain P., 33 ans, « regrette » et relativise sa participation : « Je peux comprendre, avec le recul, que mes propos racistes sont globalement condamnables ». « Je ne me vois pas comme un terroriste ou quelqu’un de prêt à commettre des attentats », relativiste de son côté Geoffroy H., chef d’une section de l’OAS. Timide à la barre, Thomas A., 23 ans, autre cadre de l'OAS, déplore ses « propos homophobes » de l'époque – alors qu'il est lui-même homosexuel – et assure s’être « éloigné de tout ce qui est mouvance d’extrême droite ». Toute cette aventure n’aurait-elle été qu’un fantasme adolescent, des paroles non suivies d'actes, comme tentent de le faire croire les prévenus ?
INFLUENCES DES NÉONAZIS GRECS
Tous ont grenouillé dans des groupuscules très radicaux : la Dissidence française, un groupement néofasciste, le Parti de la France, une scission du Front national… L’un d’eux (Thomas A.) a été condamné pour des tags antisémites à la bombe de peinture et un autre (Louis M.) a animé un blog néonazi à 14 ans. « Je suis plutôt orienté vers l’ordre et la discipline », soutient aujourd'hui ce jeune homme, polo Lacoste et mains sur les hanches.
Cette « communauté de pensée », comme l’appelle le président, était chapeautée par Logan Nisin. De tous, ce chaudronnier est celui dont le pedigree est le plus fourni. Après un bref passé néonazi dès 13 ans, le minot intègre à 17 ans les Jeunesses nationalistes, un mouvement néopétainiste. Ce qu’il aime là-dedans ? « La camaraderie de gens qui pensaient comme moi », raconte-t-il poliment au tribunal. Avec eux, il participe à des dégradations de radars, ce qui lui vaut une garde à vue. Après quoi il fonde la Mouvement populaire pour une Nouvelle Aurore (MPNA), dont le nom est une référence aux néonazis grecs d'Aube dorée. Néonazi ? « Un groupe qui allait vers les gens quand la Grèce subissait la crise de 2008 qui faisait des ravages », croit savoir Nisin.
« ON N'AVAIT RIEN CONTRE LES HOMOSEXUELS »
Au MPNA, étaient-ils « racistes », questionne le président ? « Pas forcément. Après c’est vrai que beaucoup de personnes avaient des velléités xénophobes… », répond le prévenu avec son vocabulaire châtié. Quid des homosexuels ? « On n’avait rien contre les homosexuels », assure le prévenu. « Par contre on n’appréciait pas que ce soit manifeste », euphémise-t-il. Sur le trajet d'une Gay Pride, lui et ses sbires avaient un jour étendu une banderole : « MPNA contre l’exhibition ».
Nisin raconte : après des brouilles internes et une autodissolution, ses membres se répartissent entre l’Action française Provence, un groupuscule monarchiste, et le Parti de la France (PDF) de Carl Lang. Toujours aussi hyperactif, Nisin devient en parallèle trésorier de France Village, un mouvement communautariste blanc proche du leader racialiste Daniel Conversano. Leur but ? « Créer des éco-villages communautaires à tendance survivaliste. On voulait des gens qui avaient des valeurs de droite, voire d’extrême droite », explique Logan Nisin. Le juge le pousse dans ses retranchements : « Est-ce que ce n’est pas une forme d’eugénisme ? Uniquement des gens d’accord avec vous, qui sont Blancs, catholiques… ? » Le prévenu fait non de la tête. « Eugéniste, ça renvoie à la période nazie, où on castrait les gens, on les mettait dans les camps. » Lui ne veut pas castrer des gens.
COLÈRE DE « PETIT BLANC »
Sa dérive débuterait avec les attentats du 13-Novembre et de Nice, « éléments déclencheurs » qui attisent selon lui encore un peu plus sa colère blanche. Des attaques djihadistes sont souvent citées comme étincelles dans les dossiers terroristes d’ultradroite. Mais dans le cas de Nisin, tout cela plante ses racines dans une « rancœur » bien plus profonde, reconnaît-il, assurant que son « parcours de vie qui l’a rendu comme ça ». À l’école, entre 8 et 14 ans, il se ferait ainsi harceler « par des enfants maghrébins ». « Dans mon immeuble, poursuit-il, il y avait des excréments par terre, du vomi et 15 personnes qui me regardaient de travers. Dès que je regardais ces gens-là [les Maghrébins, N.D.L.R.] ils me crachaient à la figure. J’appelais le 17, personne ne venait. »
Ainsi Logan se grime-t-il en « petit Blanc » maltraité dans son quartier. La procureure ne se laisse pas émouvoir : « Comment pouvez-vous, à partir d’expériences personnelles, essentialiser des catégories entières de la population qui, à vos yeux, n’étaient plus dignes de vivre, constituaient des cibles pour des assassinats ? »
Logan Nisin répond : c’était « par ignorance ». Il a mué depuis. La preuve : il s’est fait des amis musulmans en détention (comme il l’avait narré à Marianne il y a quelques semaines).
Demain 22 septembre, le tribunal explorera plus en détail le fonctionnement de sa milice.
Par Paul Conge
Publié le
https://www.marianne.net/societe/police-et-justice/proces-du-groupe-dultradroite-oas-logan-nisin-clame-quil-etait-raciste-par-ignorance
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