Extraits de l’entretien avec le commandant Azzedine, chef historique de l’ALN. Un avant-goût de ce hors-série exceptionnel, accompagné d’un DVD de documents réalisés par René Vautier.
Le commandant Azzedine, de son vrai nom Rabah Zerari, né le 8 août 1934 à Bougie (Kabylie), ouvrier chez Caterpillar à Annaba en Algérie, a vingt-trois ans quand il s’engage dans la lutte armée à Alger, en 1955. Chef militaire de la wilaya-IV (Algérois), membre du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA), blessé et fait prisonnier en novembre 1958, il s’évade, rejoint Tunis où il est nommé adjoint du colonel Boumediene, chef d’état-major de l’ALN. En tant que membre de la délégation du FLN, il avait rencontré, en Chine, Mao Tsé-toung et Chou En-lai et au Vietnam, Hô Chi Minh et le général Giap. En janvier 1962, il regagne clandestinement l’Algérie sous une fausse identité, pour réorganiser et diriger la zone autonome d’Alger du FLN et combattre l’OAS. Aujourd’hui, il poursuit le combat aux côtés des forces démocrates et progressistes, pour les libertés et la démocratie, après avoir démissionné du Sénat algérien en signe de protestation contre la répression envers le mouvement citoyen en Kabylie.
Le 19 mars 1962, où étiez-vous ?
Commandant Azzedine. Je me trouvais au PC de l’état-major de la wilaya-IV (Algérois) sur les monts de Lakhadaria (80 km au sud-est d’Alger). C’était la première fois que je dormais dans un refuge construit en dur. On était juste en face d’un poste militaire français, à 200 mètres. Les Français ne savaient pas qu’il y avait le colonel Hassan, chef de la wilaya-IV, les commandants Mohamed Bousmaha et Omar Ramdane.
En 1959, vous avez été blessé, fait prisonnier et vous avez fait la une de la presse coloniale…
Commandant Azzedine. Oui. Mais après, j’ai pris le large et j’ai rejoint la Tunisie où j’ai été nommé à l’état-major de l’ALN (l’EMG) à Ghardimaou, à la frontière tuniso-algérienne. J’étais l’adjoint du colonel Boumediene et aujourd’hui, le seul survivant de l’EMG : Boumediene, les commandants Slimane (Kaid Ahmed) et Ali Mendjeli sont aujourd’hui décédés.
Comment avez-vous fait pour rentrer en Algérie, quadrillée alors par près de 800 000 militaires ?
Commandant Azzedine. D’abord je suis parti avec l’accord du GPRA, de son président, Benyoucef Benkhedda. Et c’est grâce au réseau de Philippe Bernier que je me suis rendu, via la Suisse, en France, à Paris, où j’ai été pris en charge par les réseaux du FLN. De là, muni de faux papiers (je suis devenu Serano Georges, gendarme auxiliaire en permission en France), j’ai pris le vol Paris-Alger, accompagné d’une jeune Française, Claude, la secrétaire de Bernier, qui s’était fait passer pour ma fiancée et qui transportait sur elle les ordres de mission signés par le président du GPRA. L’aéroport d’Alger fourmillait de militaires. Le gendarme Serano est passé comme une lettre à la poste.
Vous avez alors décidé d’organiserla lutte contre l’OAS…
Commandant Azzedine. La mission n’était pas facile. Il y avait une centaine d’attentats par jour commis par l’OAS. Elle organisait des actions meurtrières : journée Fatma, où des dizaines d’Algériennes ont été assassinées, journée des quatre saisons, où les marchands ambulants étaient ciblés, journée des hôpitaux, où ils ont tué des dizaines de malades dans leur lit ; un soir sur deux, c’était des tirs de roquettes sur les quartiers « musulmans ». En parallèle, l’OAS organisait des hold-up en série pour ne rien laisser aux Algériens, des destructions d’usines, de centrales thermiques, des incendies d’hôpitaux, de la bibliothèque d’Alger, des lycées et collèges, etc. L’objectif de l’OAS était de tout détruire et de pousser les Algériens à organiser des expéditions punitives dans les quartiers européens afin de provoquer une réaction de l’armée française et de faire avorter l’indépendance.
Le commandant Azzedine a écrit deux livres : On nous appelait fellaghas et Alger ne brûla pas, Éditions Enag, Alger, 1997.
N'en déplaise aux partisans d'un "MONDE" imaginaire, chimérique et castrateur,
L'ALGÉRIE EST ALGÉRIENNE
EXCLUSIVEMENT ALGÉRIENNE.
L'Histoire est impitoyable,
la revisiter est un devoir :
DES FAITS, RIENS QUE DES FAITS INDÉNIABLES, IRRÉFUTABLES, INCONTESTABLES ...
Janvier 1955, trois mois après le déclenchement de la Guerre de Libération, la situation sur le terrain se présente comme suit :
(après que la proclamation du 1er Novembre 1954 fut tirée à Ighil Imoula - Kabylie)
- Aurès (future wilaya 1) Mustapha Ben Boulaid Chaoui
- Constantinois (future Wikaya 2)
Didouche Mourad
kabyle
- Kabylie (future wilaya 3)
Krim Belkacem
Kabyle
- Algérois - Mitidja
(future wilaya 4)
Amar Ouamrane (après l'arrestation de Rabah Bitat)
Kabyle
- Oranie (future wilaya 5)
Larbi Ben M'Hidi
Chaoui
- quand il a fallu créer la wilaya 6 (Sahara),
qui s'en chargea ?
Ali Mellah
Kabyle
- la création de la Zone Autonome d'Alger fut confiée à
Yacef Sadi
Kabyle.
- premier responsable de la Fédération de France du FLN (future wilaya 7)
Mohamed Labdjaoui
Kabyle
Des chefs arabophones de premier plan firent partie des chefs historiques (en dehors de Bitat) de la Révolution : les plus emblématiques étaient Mohamed Boudiaf et Ahmed Benbella. Ils étaient a l'extérieur en compagnie du kabyle Hocine Ait Ahmed.
L'organisation et la structuration de la Révolution devenant impératives, un Congrès du FLN fut organisé le 20 août 1956 à Ifri - Awzelaguen - Kabylie et co-présidé par Larbi Ben M'Hidi et Abane Ramdane.
Par la suite, de grands chefs de l'intérieur (de vaillants martyrs) arabophones ont fini par s'imposer comme des porte-flambeaux de la Révolution : colonel Zirout Youcef, Colonel Si Lakdar, Colonel Lotfi et tant d'autres.
TOUT N'AVAIENT QU'UN OBJECTIF : LIBÉRER L'ALGERIE DU JOUG COLONIAL ET INSTAURER
"LA RÉPUBLIQUE ALGÉRIENNE DÉMOCRATIQUE ET SOCIALE"
A travers les noms cités ci-dessus, tout le monde aura remarqué
QU'AUCUN ARABE N'A PARTICIPÉ À LA GUERRE DE LIBÉRATION NATIONALE ...
IL N'Y AVAIT QUE DES ALGÉRIENS : AMAZIGHOPHONES, ARABOPHONES ET FRANCOPHONES (Audin, Maillot, Yveton, Steiner, les Chaulet Vautier et tant d'autres)
Il y avait certes des Tunisiens, des Marocains, quelques Mauritaniens qui ont participé (essentiellement à l'extérieur) par solidarité et fraternité nord africaine.
Cette guerre atroce et meurtrière ne fut pas menée au nom du panarabisme et de la langue arabe classique :
- la proclamation du 1er novembre fut tirée en français ...
- les résolutions du congrès de la Soummam furent rédigées en français
- le journal "El Moudjahid" fut édité en français
- les archives de la Révolution furent essentiellement en français
- l'arabe classique n'est la langue maternelle d'aucun algérien (aujourd'hui encore d'ailleurs).
Ce ne fut pas non plus UNE GUERRE DE RELIGION ... (*) Si, en majorité, les "Combattants pour l'Indépendance" étaient des musulmans , il y avair des chrétiens, des juifs et des athées (beaucoup tombèrent au Champ d'Honneur)
D'ailleurs les condamnés a la guillotine partaient au martyre essentiellement aux cris de "TAHIA AL'DJAZA'IR"
et très accessoirement en criant "Allah'u Akbar" ....
De plus, les 500.000 supplétifs de l'armée française
- 330.00 harkis
- + les goumiers
- + le FAP (Front de l'Algerie Française) de Bachagha Boualem
- + les soldats d'active qui n'ont pas déserté l'armée française pour rejoindre l'ALN
- les francophiles en armes
- les FPA (Forces de Police Auxiliaires ) surtout dans l'émigration ...
CES 500.00 traitres à la Patrie ÉTAIENT TOUS DES MUSULMANS ....
C'est dire le caractère non religieux de la Guerre de Libération Nationale.
Comme relaté supra, ceux qui se sont investis totalement dans la lutte pour la libération (des centaines de milliers ont consenti le sacrifice suprême) l'ont fait pour un seul et unique objectif :
L'INDÉPENDANCE DE L'ALGERIE
ET ILS ÉTAIENT TOUS ALGÉRIENS
ET UNIQUEMENT ALGERIENS
(avec quelques amis tunisiens, marocains, francais et autres).
(*)
les termes "djihad", "moudjahed", " chahid" me mettent quelque peu mal à l'aise ...
La plaque Promenade Gisèle Halimi avec Anne Hidalgo, Pierre Joxe, la petite fille et le fils de Gisèle Halimi, tenant la plaque. — ISA HARSIN/SIPA
C’est un hommage à l’avocate féministe décédée en 2020 et qui doit recevoir un hommage national début 2022. La maire PS de Paris Anne Hidalgo a inauguré mardi sur la rive gauche des berges de Seine la promenade Gisèle Halimi, située entre le pont des Invalides et le pont de l’Alma, dans le quartier où résidait la militante de l’émancipation des peuples et des droits des femmes.
La promenade sera une invitation à « méditer sur son exemple », a déclaré Anne Hidalgo en présence notamment d’élus parisiens et de l’ancien ministre socialiste de l’Intérieur Pierre Joxe. « C’est ce que je ne manquerai pas de faire lorsque j’aurai des décisions importantes à prendre ».
« Son chemin, elle l’a construit en portant haut et fort ces grands sujets du siècle passé (…) qui nous impactent encore aujourd’hui », a encore dit l’élue socialiste, rappelant le combat de Gisèle Halimi contre la colonisation, sa défense des « plus faibles, des opprimés, des méprisés » et son combat « pour les femmes et pour l’égalité ».
« Convictions républicaines fondatrices et vitales »
Celle qui avait dénoncé les tortures pratiquées pendant la guerre d’Algérie, signé le manifeste des 343 en 1971 et fait évoluer les mentalités par ses plaidoiries s’est éteinte le 28 juillet 2020 à Paris, au lendemain de son 93e anniversaire. Jean-Yves Halimi, l’un des fils de l’avocate, a rappelé « l’ironie de l’histoire » que constitue pour lui l’hommage annoncé par Emmanuel Macron pour début 2022 aux Invalides, une « enceinte militaire » alors que sa mère a « échappé à deux tentatives d’assassinat ordonnées par la haute hiérarchie militaire » française. Après cet hommage national, une éventuelle panthéonisation de l’avocate reste possible mais il s’agit d’un processus plus long et complexe.
En octobre 2020, le Conseil de Paris avait demandé, sur proposition du groupe communiste, que Gisèle Halimi repose au Panthéon qui accueille les héros de l’Histoire de France, dont Simone Veil depuis 2018. L’artiste franco-américaine Joséphine Baker y entrera le 30 novembre.
Jean-Paul Belmondo vit ses premières années à la Villa Saint-Jacques, puis en 1938 il emménage au 4 Rue Victor-Considérant, car son père a son atelier dans des anciennes écuries au 77 Avenue Denfert-Rochereau. Jeune homme, il a longtemps occupé un deux pièces dans le même immeuble. Durant l'enfance de Jean-Paul Belmondo, la famille connaît quelques privations, Paul Belmondo ayant du mal à vivre de son art pendant la Seconde Guerre mondiale et l'occupation allemande.
Inscrit dans les meilleures écoles de la bourgeoisie parisiennes (école paroissiale de la rue Henri-Barbusse, École alsacienne, d'où il est rapidement renvoyé, École Pascal, lycées Louis-le-Grand, Henri-IV et Montaigne), Jean-Paul Belmondo, peu enclin aux études, est un élève indiscipliné. Il découvre très jeune le plaisir du sport, le cyclisme, le football (au lycée, il est gardien de but), puis la boxe, qu'il va longtemps pratiquer en amateur, et brièvement en professionnel durant son adolescence avec quatre victoires et un match nul en neuf combats. De cette passion pour la boxe il déclare : « À 15 ans, après avoir écouté à la radio la victoire de Marcel Cerdan sur Tony Zale, je n’avais qu’une idée : faire de la boxe. Mais, pour boxer, il faut avoir faim et avoir la haine. Ce n’était pas mon cas ». En 1948, il admire Les Femmes savantes dans une nouvelle présentation qui marquait les débuts de Denise Gence dans la Maison de Molière. À seize ans, il est atteint d'une primo-infection de la tuberculose et ses parents l'envoient en Auvergne à Allanche. Dans le calme et l'air vivifiant, le jeune homme décide de devenir comédien.
De retour d'Auvergne, malgré un avis défavorable du sociétaire de la Comédie-FrançaiseAndré Brunot5, il suit les cours de Raymond Girard et débute au théâtre en 1950 en interprétant La Belle au Bois Dormant dans les hôpitaux de la ville de Paris. Pendant six mois, Raymond Girard va l'aider à préparer le concours du Conservatoire national supérieur d'art dramatique, où il est recalé, mais admis en tant qu'auditeur libre en 1951. En janvier 1952, il repasse l'examen d'entrée mais échoue de nouveau. C'est seulement en octobre 1952 qu'il est enfin admis. Pierre Dux dont il est l'élève déclare un jour, « qu'avec la tête qu'il a, il ne pourrait jamais prendre une femme dans ses bras, car cela ne serait pas crédible ». Ce professeur du Conservatoire lui prédit un abonnement aux seconds rôlesGD 6. Jean-Paul Belmondo y reste quatre ans et y rencontre notamment la « bande du Conservatoire » : il se lie d'amitié avec Jean Rochefort, Jean-Pierre Marielle, Bruno Cremer, Pierre Vernier et Michel Beaune. Il participe également à des spectacles théâtraux sous la direction de Michel Galabru. Avec Guy Bedos, il se livre sur la place du village ou aux terrasses de café à des numéro de cabaret en jouant des sketchs de Pierre Dac et Francis Blanche. En 1953, il fait la connaissance d'Élodie Constant, danseuse sous le nom de « Renée Constant », qui devient sa compagne. Le couple mène une vie « de bohème », ce qui n'empêche pas les deux jeunes gens d'avoir une fille, Patricia née la même année (morte en 1993, à 40 ans, dans un incendie).
Les professeurs de Jean-Paul Belmondo continuent de ne pas tenir son talent en haute estime. En 1956, lors du concours de sortie du Conservatoire, il interprète une scène de la pièce Amour et Piano de Georges Feydeau : le public l'acclame, mais le jury présidé par Marcel Achard lui fait payer sa désinvolture et lui décerne un simple accessit7, lui interdisant ainsi l'entrée à la Comédie-Française. Les camarades de Belmondo le portent en triomphe pour le soutenir, tandis qu'il adresse un bras d'honneur aux jurés. L'acteur et enseignant au Conservatoire Henri Rollan lui dit alors : « Le professeur ne t'approuve pas, mais l'homme te dit bravo ».
«Force-les de bâtir ensemble une tour et tu les changeras en frères. Mais si tu veux qu'ils se haïssent, jette-leur du grain.» (Antoine de Saint-Exupéry)
Cette citation de Saint-Exupéry nous met en garde contre l’assistanat et nous invite à nous mobiliser autour d’un projet. Justement, nous avons plus que jamais besoin de nous mobiliser autour d’une utopie qui nous permettra de sévir contre des adversaires qui seront de plus en plus nombreux. Beaucoup d’études montrent que l’Algérie est visée par un nouveau reshapage du monde. De ce fait, il ne faut surtout pas sous-estimer nos adversaires et leurs capacités de nuisance et surtout nous ne devons pas vivre dans l’illusion que nous sommes invulnérables. Cruelle erreur. Des pays dépositaires de civilisations qui ont vu l’enfance de l’humanité sont en train de pâtir des possibilités de partition. Que devient l’Irak, la Syrie, le Yémen, la Libye, le Soudan, amputé de 1 million de kilomètres carrés, sans parler de la Palestine qui a disparu des radars?
Il est bien connu que le Makhzen marocain a toujours eu en suspicion ses relations avec l’Algérie. L’Algérie a beau relativiser les incartades du royaume misant sur la nécessité de construire l’ensemble maghrébin que tout unit, en vain ! Les dernières «sorties» marocaines ont été la goutte qui a fait déborder le vase. Il fallait un coup d’arrêt à l’aventure. Ainsi, le 24 août 2021, l’Algérie décide la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc. L’histoire a montré que le royaume du Maroc n’a jamais cessé de mener des actions hostiles à l’encontre de l’Algérie. La propagande et les services de sécurité marocains mènent une guerre ignoble contre l’Algérie, son peuple et ses dirigeants, en lançant des rumeurs et en diffusant des informations malveillantes et incendiaires. Voilà pour le résumé d’un feuilleton de raisons qui ont amené cette mise au point du gouvernement.
Les provocations permanentes du Makhzen marocain
La décision de rupture est l’aboutissement de plusieurs faits inamicaux inacceptables. Sans remonter dans le temps, à la traîtrise du roi du Maroc envers l’Émir Abdelkader, traîtrise qui lui a permis de faire rectifier la frontière algéro-marocaine suite au traité de Lalla Maghnia permettant ainsi à la Moulaya de dépendre du royaume alors que dans l’histoire, et ce, depuis les Romains, il y a deux mille ans, «la Moulaya séparait les deux Maurétanies».
«Tous les documents antiques s’accordent à donner un grand cours d’eau pour limiter les deux Maurétanies. Le fleuve Mulucha, au temps de Salluste, séparait le royaume de Bocchus de celui de Jugurtha (…) Et c’est ainsi à la Malva que l’itinéraire d’Antonin place la frontière des deux provinces selon ce qui a été convenu : Malva flumen dirimit Maurétanias duas».(1)
Voilà pour l’histoire. Bien plus tard, l’Algérie traversait une période pénible. Il est vrai que le roi Hassan II a qualifié l’Algérie pendant la décennie noire de laboratoire de l’expression du terrorisme. De fait, depuis 1994, l’Algérie a décidé de fermer la frontière suite aux attentats de Marrakech, lorsque le Maroc avait accusé l’Algérie de terrorisme. Malgré tous ces manquements au bon voisinage, l’Algérie n’a pas accablé le Maroc du fait qu’il soit un pourvoyeur mondial de kif dans l’impunité la plus totale, notamment de la part de l’Europe qui en est ravitaillée via l’Espagne. Pour l’histoire, l’Émir Abdelkrim El Khattabi a proclamé, en 1922, la République confédérée des tribus du Rif. Il considère le cannabis comme haram, il est le seul à avoir presque réussi à interdire [sa] «production traditionnelle dans le Rif depuis le VIIe siècle».
Cette escalade du Maroc dénote une certaine fuite en avant concernant l’invasion du Sahara Occidental en 1975, dernière colonie en Afrique, inscrit depuis 1966 sur la liste des territoires non autonomes, et donc éligible à l'application de la résolution 1514 (XV) de 1960 de l'Assemblée Générale de l'ONU portant déclaration de l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux. La résolution 34/37 de 1979 appelle explicitement à la fin de l’occupation du territoire par le Maroc. Plus avant pourtant, le Maroc avait accepté de s’en remettre aux Nations-Unies en 1991 s’agissant de la cause sahraouie, ce qui a permis la fameuse rencontre sans lendemain de Zéralda en 1988 de l’Union maghrébine…
Le Maroc espionne tout le monde et l’Algérie grâce à un logiciel israélien ! C’est une guerre sans mort, guerre économique, voire géopolitique. On sait que le Maroc a toujours profité des largesses de l’Europe et des Occidentaux qui ferment les yeux sur les Tazmamart nombreux qu’avait mis en évidence dans son ouvrage l'écrivain français Gilles Perrault, Notre ami le Roi. Malgré tout cela, les Riadhs et autres petits cadeaux ont anesthésié aussi bien la droite réactionnaire, mais surtout la gauche bobo qui ont une conception à géométrie variable des droits de l’Homme.
Les réactions de la classe politique
Pour le politologue Yahia Zoubir, «cette rupture était inévitable et nécessaire ; d’aucuns jugeront qu’elle a tardé. Le problème entre les 2 pays ne date pas d’aujourd’hui. Le Maroc a profité de la paralysie qui avait caractérisé les dernières années de la présidence de Bouteflika pour affaiblir les intérêts de l’Algérie en Afrique, dans le dossier du Sahara Occidental, en Europe et ailleurs. Une hostilité qui allait à l’encontre de toute pratique diplomatique. Mais de tous les actes hostiles, le soutien ouvert au MAK a dépassé le seuil de tolérance. On était en droit de penser que le roi Mohammed VI allait désavouer son ambassadeur à l’ONU, ce qui ne s’est pas produit. Le Maroc s’est senti revigoré par l’accord de Donald Trump concernant la normalisation entre le Maroc et Israël. D’où l’accélération des attaques contre l’Algérie. La relance de la diplomatie de l’Algérie dans la région nord-africaine et au-delà conduira certainement à des réalignements géopolitiques. À mon avis, l’Algérie préservera sa politique de non-alignement, mais si des puissances étrangères à la région telles que les Émirats arabes unis et Israël décident de s’immiscer avec la complicité du Makhzen dans les affaires internes des pays de la région et de menacer la sécurité nationale de l’Algérie, celle-ci se rapprochera sans aucun doute de la Russie et de la Chine».(2)
Pour Mohamed Laichoubi, ancien ministre et ambassadeur, «cette décision envers le royaume chérifien était prévisible à plus d’un titre». «Il est admis, ajoute l’ancien diplomate, qu’entre pays voisins, il y a obligation de trouver toujours des compromis pour l’avenir des sociétés, leurs économies respectives et leur destin commun. Mais quand les relations sont rompues, cela augure d’une situation grave.» «Le Maroc n’est pas à sa première forfaiture, il avait toujours eu cet objectif de réduire la présence efficiente de l’Algérie à l’Union africaine», rappellera M. Laichoubi. Le processus d’agressivité a atteint son paroxysme en continuité du cynisme jusqu’à ramener Israël et l’aider dans sa volonté de repositionnement dans la région. «Israël, pour ne pas la nommer, table sur la déchirure des sociétés, l’affaiblissement de leurs économies», avise-t-il. «On assiste à l’illusion, hélas, de libanisation de l’Algérie», présage-t-il.(3)
Parmi les autres réactions des partis et des hommes politiques qui, globalement, vont dans le sens de la décision du gouvernement, il me semble que la réponse du Parti des travailleurs est la plus articulée en ce sens qu’il n’y a pas de suivisme béat. Au contraire, ce parti met en garde contre les rodomontades et rejoint notre inquiétude, à juste titre, sur les réponses à apporter par la suite. Nous lisons : «Les raisons ayant poussé l’Algérie à prendre une telle décision son légitimes. Nous exprimons notre regret devant une telle évolution des relations entre les deux pays et affirmons que les liens historiques de fraternité et d’entraide entre les deux peuples ne sauraient être affectés par les crises, quelle que soit leur ampleur.» Le Parti des travailleurs préconise «de régler tous les différends par les moyens politiques qui ferment le porte aux ingérences étrangères qui on détruit de nombreux pays, en particulier dans notre continent et dans le région du Machrek». «Il n’est pas question ‘’de minimiser le danger de la présence sioniste’’, les dangers qui nous viennent de le propagation du terrorisme dans la région du Sahel nous suffisent». «Notre pays dispose-t-il d’une immunité suffisante politiquement, économiquement et socialement pour faire face à tout danger interne ou externe ?»(4)
Enfin, une autre analyse qui a attiré mon attention est celle de Monsieur Abdallah Labidi, ancien ambassadeur tunisien. Il résume avec justesse les données de la crise et met en garde contre ce que l’on pourrait appeler un ordo ab chao, cher à l’Administration américaine sous l’ère Condoleezza Rice, ancienne secrétaire d’État. Il met en garde contre l'importation des conflits du Moyen-Orient au Maghreb arabe, soulignant que l'Algérie a toujours été une cible difficile à atteindre pour l'entité israélienne qui s'est introduite dans la région grâce au Maroc. La région est en proie à un grand conflit (...) et la question dépasse le Maroc et l'Algérie car il y a une volonté de transformer notre région en Proche-Orient-bis et le Maroc est en train de mettre le feu aux poudres, regrettant que le Maroc ait fait de son territoire une plate-forme pour le ministre des Affaires étrangères de l’entité sioniste, Yaïr Lapid, lui permettant de proférer des propos hostiles contre l'Algérie. Par ses agissements, le Maroc a voulu «faire le parallèle avec la demande algérienne de garantir au peuple sahraouie son droit à l'autodétermination», alors qu'il n'y a pas lieu de comparer ici vu que la question du Sahara Occidental est inscrite à l'ONU et qu’il existe une mission onusienne chargée de l'organisation d'un référendum d'autodétermination au Sahara Occidental. Qui plus est, les Nations-Unies et la Cour internationale de justice de La Haye ont reconnu que le Sahara Occidental n'est pas un territoire marocain et appelé à un référendum d'autodétermination pour le peuple sahraoui. «La reconnaissance par Donald Trump de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental visait à perturber la région. Cette reconnaissance n'a aucune valeur au niveau international.»(5)
La contribution des citoyennes et des citoyens à l’apaisement permettra d’être résilient
Le moins que l’on puisse dire est que l’Algérie a échappé à une tentative de guerre civile dont on ne connaît pas encore les tenants et les aboutissements. Comme un seul homme, l’Algérien s’est dressé contre des diviseurs qui pensaient arriver à déchirer le tissu social au nom d’une ethnie absconse. Dans ce cadre plus que jamais, il faut saluer le geste noble du père de Djamel Bensmaïl, geste qui a mis un coup d’arrêt à l’aventure. Il a déclaré qu’il était algérien et que les Algériens, quelle que soit leur latitude, sont frères. Une délégation de notables de Larbaâ-Nath-Irathen (Tizi-Ouzou) s’est déplacée il y a quelques jours à Miliana (Aïn- Defla), au domicile du défunt Djamel Bensmaïl, à laquelle ils ont remis un chèque de trois milliards de centimes (30 millions DA). Les membres de cette délégation ont présenté en leur nom et au nom des habitants de la wilaya de Tizi-Ouzou leurs condoléances à la famille du défunt Djamel Bensmaïl. Dans le même temps, l’Assemblée populaire de wilaya (APW) de Tizi-Ouzou a annoncé avoir créé un prix pour la paix, la fraternité et l’unité, décerné, dans sa première édition, au père du défunt Djamel Bensmaïl. (…) «Malgré son drame et son chagrin, le père de Djamel Bensmaïl a fait preuve d’un sens élevé de patriotisme, de sagesse et de tolérance. Il a intervenu et mis fin à la fitna, que certains cercles voulaient promouvoir entre les enfants du peuple d’un même pays», a souligné le président d’APW.(6)
Nous ne devons ne jamais oublier cela et trouver les voies et moyens de perpétuer ce type de messages. Dans plusieurs de mes écrits, j'ai affirmé que le service national est un formidable melting pot , c'est sans conteste un des creusets du vivre ensemble à côté du système éducatif universitaire. J’ai proposé que dans toutes les écoles, les collèges, les lycées et les universités, le premier cours porterait sur la tolérance, le vivre-ensemble et le faire ensemble.
Lettre plaidoyer à un «indépendantiste»
Une contribution ancienne de Maâmar Farah, mais qui n’a pas pris un pli tant il est vrai que le problème du vivre-ensemble est plus que jamais d’actualité , est une réponse patriote à un «independantiste» qui, le moins que l’on puisse dire, n’a pas mesuré les conséquences de ses actes qui freinent le pays dans sa quête d’unité. Avec lucidité, Maâmar Farah parle de la nécessité de la déconstruction du jacobinisme pour permettre des respirations démocratiques à l’échelle des régions, ce qui n’enlève rien à l’unité du pays. Il écrit : «Autant le besoin de décentralisation est impérieux dans un pays de plus de deux millions de kilomètres carrés, autant l'idée d'indépendance d'une quelconque région est injustifiée, incohérente et irréalisable. Il vaut mieux parler de régionalisation dont les bienfaits sont évidents.
L'Algérie a lamentablement suivi la formule jacobine française alors que le monde pullule d'exemple d'États forts et respectables s'appuyant sur une large décentralisation qui donne aux régions les moyens démocratiques de mettre en valeur leurs potentialités et d'assurer sécurité et prospérité à leurs habitants. La nation où ils vivent — où tous les Algériens vivent — est un legs précieux de leurs ancêtres. Ses contours ont été tracés par le sang, depuis les époques lointaines des résistants contre les envahisseurs romain, vandale, byzantin, arabe, espagnol, turc, jusqu'à la lutte contre l'occupant français.»(7)
Voulant montrer qu’il n’y a pas de spécificité dans la défense du pays contre l’envahisseur quel qu’il soit, il a rappelé l’interdiction du colonel Amirouche qui promettait de punir les djounoud qui parlaient de régionalisme. L’auteur «avoue» : «C'est dernièrement que j'ai appris que Tacfarinas était de chez moi (je n'aime pas ce ‘’chez moi’’, car ‘’chez moi’’, c'est toute l'Algérie, mais je l'utilise sciemment) ; donc j'apprenais que ce héros du combat contre le colonisateur romain était de Khemissa, sœur de Madaure, dans l'actuelle wilaya de Souk-Ahras. Par un autre hasard, j'appris qu'il est mort à Pomaria, c'est-à-dire l'actuelle Tlemcen, en combattant les mêmes envahisseurs. Sur sa route, il avait livré beaucoup de batailles dont l'une à Sour-el-Ghozlane, où il fut blessé (et non mort comme l'affirment plusieurs sources). Ce grand homme, dont on dit qu'il inventa les techniques de la guérilla, avait mené ses hommes de la frontière tunisienne aux confins algéro-marocains, cette nation existait déjà par le sang versé par ces martyrs tout au long d'un parcours qui deviendra, plusieurs siècles plus tard, celui de l'Algérie moderne. Ce sang n'était pas le sang des hommes de l'Est, ni celui versé par les hommes du Centre ou de l'Ouest... C'est à ce moment-là, au moment où il s'est mélangé, dans le même combat et pour les mêmes aspirations, qu'il a donné naissance à cette grande nation que d'aucuns, parmi nos ennemis, renient.»(7)
Terminant son plaidoyer avec l’espoir, vain de notre point de vue, de convaincre «l’indépendantiste» : «C'est cela l'idée de l'Algérie : une idée née autour des valeurs de luttes pour l'indépendance et de combats pour la dignité. (….) Que dire à mes amis kabyles de Annaba et d'El-Bayadh, de Tam et de Djelfa, de Tébessa et de Tlemcen, qui n'ont jamais ressenti la moindre inquiétude dans leur vie et dont les parents et, parfois, les arrière- grands-parents, ont quitté leur Kabylie natale, pour vivre ailleurs, dans leur pays, parmi les leurs ? Faudra-t-il leur délivrer un passeport pour qu'ils aillent, en pèlerinage, dans le bled d'origine de leurs ancêtres ? Les Kabyles, les Soufis, les Mozabites, les Ferdjiouas, les Djijeliens, les Ouled Darradj, les Ouled Naïls, les berbérophones et les arabophones ont vécu en parfaite harmonie, ici, sur les terres numides. Que dire demain à nos pères ? Que dire à l'histoire lointaine et proche ? Et que répondre aux questions cruciales de l'avenir ?»(7)
Que faire pour tisser la trame du récit national? La réponse ne peut être que dans le temps long
Dans le même ordre que le cri du cœur de Maâmar Farah, j’ajoute que nous devons être convaincus par le sacerdoce du vivre-ensemble et la nécessité de la construction du projet de société par la justice, le brassage permanent, le parler vrai à cette jeunesse qu’il faut convaincre que nous n’avons pas de patrie de rechange… Le mouvement sécessionniste marchande rien moins que la partition du pays ! Se proclamant leader pour négocier le sort de la Kabylie, il oublie que la Kabylie appartient aux Algériens, quelle que soit leur région. Comme l’a écrit un écrivain connu : «Chacun d’entre nous a droit à une part en Kabylie.» (Nsal fiha chbar). Cette revendication de chacun plonge ses racines dans le combat anonyme de millions d’Algériens bercés par cette conviction d’appartenance à un grand pays à défendre d’est en ouest et du nord au sud.
En fait, le premier des chantiers est celui du récit national. Nous devons, à l’instar de toutes les nations, avoir des icones fondatrices du récit national. Il en est ainsi de la destinée manifeste des Américains, de Jeanne d’Arc en France, voire d’un mandat de Dieu pour le peuple élu. La difficulté d’ouvrir le fichier sur l’identité des Algériens dans ce XXIe siècle de tout les dangers. Cette quasi-errance ouvre un boulevard à tout ceux tentés par l’aventure de tenter de fracturer un pays que 132 ans de colonisation abjecte n’ont pas pu réaliser. De mon point de vue, le fait de différer constamment la question qui est de définir le projet de société et s’interroger sur ce que c’est qu’être algérien au XXIe siècle est porteuse de danger.
Quels sont nos fondamentaux culturels et cultuels ? La quête d’un récit national consensuel, qui fait siens aussi bien Massinissa que Jugurtha que l’Émir Abdelkader et qui se réfère à un Islam de 1 400 ans fait de tolérance, est un chantier qui attend toujours d’être ouvert tant il est vrai que l’aboutissement à un vivre-ensemble au nom d’une algérianité assumée qui coupera la route à l’aventure de ceux qui cherchent leur légitimité soit auprès de l’ancien colonisateur ou d’une sphère moyen-orientale installée dans les temps morts. Nous irons alors à la conquête du savoir ayant des racines assumées et des ailes pour prendre notre envol et apporter notre part à la civilisation humaine. Plus que jamais, nous appelons de nos vœux un aggiornamento qui nous permettra de rentrer enfin dans ce XXIe siècle de tous les dangers .
La réalité du monde que nous devons métaboliser dans nos actions
Nous n’avons pas fait le tour de toutes les surprises que l’on peut avoir d’un comportement imprévisible d’un adversaire épaulé par une puissance déterminée à nous amener à ses vues. Nous sommes dans un siècle où les armes classiques sont de moins en moins efficaces. Un adversaire invisible du fin fond d’une salle climatisée peut démolir le fonctionnement d’un pays en s’emparant des codes informatiques des centrales thermiques, des logiciels de planification et de régulation, des différents organes de fonctionnement d’un pays (armée aviation…). Dans cette guerre sans mort, cette guerre de quatrième génération fait appel à la maîtrise des nouvelles techniques reposant sur la technologie. C’est de fait le défi principal du XXIe siècle, engageant la sécurité mondiale et toute inadaptation à ces mutations isolerait encore plus le pays. Il faut croire l’ANP quand elle déclare qu’elle déjoue des milliers de piratages.
Nous n’avons pas compris qu’il faut changer totalement de logiciel. Avec son logiciel Pegasus, Israël peut espionner tout le monde. Il le fait en faisant endosser cela aux services marocains. Le monde est à la nanotechnologie, aux robots, à l’homme augmenté. La guerre classique fait partie de l’histoire. En traversant le siècle, nous avons laissé derrière nous la guerre classique. Les vrais combats sont ceux de l’intelligence. Les centres de recherche des armées recrutent des milliers d’ingénieurs et de docteurs.
Doit-on continuer à regarder dans le rétroviseur alors que le monde avance et n’a que faire de nos états d’âme et de ses combats d’arrière-garde ? Doit-on continuer à nous lamenter en comptant les points des coups reçus ou sommes-nous déterminés à nous battre avec les armes du XXIe siècle ? Il est temps de ré-étalonner notre rapport au monde. Un maître-mot : le savoir. Si nous décidons de donner une visibilité à l’Algérie pour qu’elle ne devienne pas une zone grise, ce ne sont plus des rodomontades sans lendemain. C’est la mise en place sans tarder en laissant l’idéologie en dehors de l’école et de l’université.
Dans ce cadre, le mieux est de prendre acte et de prendre rendez-vous avec l’Histoire et se mettre au travail autour d’un projet, celui d’une Algérie du futur qui donne sa chance et où ceux qui ont une valeur ajoutée la mettraient au service du pays, barrant la route à tous ceux tentés par l’aventure et qui croient trouver dans l’adoubement à l’ancienne puissance une façon de rendre service au pays. Cruelle erreur ! On sait ce que c’est que la démocratie aéroportée pour des pays vulnérables. Un exemple récent, l’Afghanistan. Comme sont tentés par l’aventure de combats d’arrière-garde ceux qui s’arriment à la sphère moyen-orientale, autrement plus féroce contre l’Algérie qui refuse de rentrer dans leur rang.
Le campus de l’intelligence de Sidi Abdallah avec une ambition et des moyens
Devant les nuages qui s’accumulent du fait de nouvelles de guerre dites de quatrième génération, où nous ne voyons pas l’adversaire qui généralement est difficile à déceler. La seule parade est de mettre des stratégies préventives très résilientes et pouvant répondre rapidement . De ce fait, il est urgent que La formation de l’élite capable soit capable de rendre coup pour coup par nécessité vitale. Il serait présomptueux d’en attendre des résultats dans un futur immédiat. Nous ne pouvons entrer dans le développement d’une parade efficace par effraction, c’est une lente maturation, ce sont des nuits blanches, c’est une autre Révolution qu’il faut mener en rassemblant toutes les opportunités pour déceler l’élite à tout les niveaux.
Un pays comme le Maroc , l’a compris : Quand les élèves des grandes écoles préparent les classes préparatoires en France, Hassan II reçoit les élèves la veille de leur départ en France et leur dit qu’il compte sur eux. Résultat des courses, il y a des dizaines de polytechniciens marocains : «Depuis 1985, le nombre d’élèves marocains passant de 68 à 128 élèves entre 1955-1985 et 1986-2000 a doublé. Cette augmentation confère au Maroc le premier rang de la fréquentation étrangère de l’École polytechnique. On compte 17 élèves algériens des promotions 1963 à 1985 à l’École Polytechnique de Paris, proportion inchangée de1986 à 2000. Deux caractéristiques majeures différencient la situation marocaine de la tunisienne. D’une part, le nombre de polytechniciens marocains qui continuent à rentrer au pays reste relativement élevé en comparaison : ils sont 21 sur 38 (55%) dans les promotions 1948-1980, 12 sur 29 dans les promotions 1981-1985 (41%) et 25 sur 48 dans les promotions 1986-1992 (52%). Où sont les polytechniciens algériens?»(8)
Ce campus de Sidi Abdallah devrait pouvoir avoir toutes les sollicitudes en termes de moyens. L’élite formée dans de bonnes conditions devrait pouvoir permettre de donner la pleine mesure de son talent en étant sécurisée du point de vue de l’emploi. Pour être en phase avec la réalité du monde, notamment pour investir les nouvelles disciplines qui interviennent dans la cyber-sécurité, il nous faut former chaque année des dizaines de milliers d’informaticiens, d’ingénieurs en intelligence artificielle/an.
Les écoles d’intelligence artificielle et de mathématiques devraient être complétées par les autres concernant les autres domaines. C’est le cas de l’informatique, de la robotique, de l’électronique, de la transition énergétique (ITEER)… Quelle que soit la santé financière du pays, il faut mettre en place un campus de l’intelligence à Sidi Abdallah où nous devons former les futures troupes scientifiques capables de répondre d’une façon appropriée aux différentes agressions d’un nouveau type, où vous ne voyez plus votre adversaire «à l’ancienne».
L’Algérie doit savoir qu’elle va au-devant de difficultés de plus en plus complexes. Notre adversaire n’est pas celui désigné mais c’est toute la capacité de nuisance de l’allié israélien du Makhzen dont nous aurons aussi à nous prémunir. Nous avons déjà un échantillon de cette collusion avec le programme Pegasus. Un autre danger dans les prochaines années et la concurrence concernant la vente de gaz des gisements en Méditerranée orientale. L’Italie, la Grèce, et Chypre ont paraphé un plan avec Israël prévoyant la construction d’un gazoduc allant des champs gaziers maritimes israéliens vers les côtes sud-européennes.
Plus que jamais nous avons besoin de consolider dans toutes nos actions la nécessité d un récit national décliné de façon différente mais complémentaire aussi bien dans le système éducatif en permettant le brassage que dans toutes les actions qui nécessitent, qui font intervenir les différentes régions du pays. Au risque de me répéter , l'économie de la connaissance devra être la colonne vertébrale de toute vision du futur
Le célèbre écrivain Antoine de Saint-Exupéry qui écrivit notamment: " le petit prince", parlant de l’engouement à développer au sein des jeunes en terme de mobilisation propose de ne pas se situer au détail mais viser plus haut. L’Utopie. Il écrit : «Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer.»
Mutatis mutandis, nous devons faire naître au sein de la jeunesse ce désir d’être utile et d’être acteurs de leur destin, ce désir de construire, de se sentir responsable de l’avenir du pays et ceci par des chantiers permanents qui développent en eux à la fois la conviction d'être utiles et de compter dans l'échelle des valeurs sociales, mais aussi cet esprit pionnier qui est le moteur de la marche des civilisations.
Un exemple ? Le développement du Sud dans ses multiples dimensions : utilisant les énergies renouvelables, développant l’agriculture, créant des villes nouvelles autant de chantiers qui créeront une nouvelle utopie.,celle de faire du Sahara une nouvelle Californie. Amen.
Cette citation de Saint-Exupéry nous met en garde contre l’assistanat et nous invite à nous mobiliser autour d’un projet. Justement, nous avons plus que jamais besoin de nous mobiliser autour d’une utopie qui nous permettra de sévir contre des adversaires qui seront de plus en plus nombreux. Beaucoup d’études montrent que l’Algérie est visée par un nouveau reshapage du monde. De ce fait, il ne faut surtout pas sous-estimer nos adversaires et leurs capacités de nuisance et surtout nous ne devons pas vivre dans l’illusion que nous sommes invulnérables. Cruelle erreur. Des pays dépositaires de civilisations qui ont vu l’enfance de l’humanité sont en train de pâtir des possibilités de partition. Que devient l’Irak, la Syrie, le Yémen, la Libye, le Soudan, amputé de 1 million de kilomètres carrés, sans parler de la Palestine qui a disparu des radars?
Il est bien connu que le Makhzen marocain a toujours eu en suspicion ses relations avec l’Algérie. L’Algérie a beau relativiser les incartades du royaume misant sur la nécessité de construire l’ensemble maghrébin que tout unit, en vain ! Les dernières «sorties» marocaines ont été la goutte qui a fait déborder le vase. Il fallait un coup d’arrêt à l’aventure. Ainsi, le 24 août 2021, l’Algérie décide la rupture des relations diplomatiques avec le Maroc. L’histoire a montré que le royaume du Maroc n’a jamais cessé de mener des actions hostiles à l’encontre de l’Algérie. La propagande et les services de sécurité marocains mènent une guerre ignoble contre l’Algérie, son peuple et ses dirigeants, en lançant des rumeurs et en diffusant des informations malveillantes et incendiaires. Voilà pour le résumé d’un feuilleton de raisons qui ont amené cette mise au point du gouvernement.
Les provocations permanentes du Makhzen marocain
La décision de rupture est l’aboutissement de plusieurs faits inamicaux inacceptables. Sans remonter dans le temps, à la traîtrise du roi du Maroc envers l’Émir Abdelkader, traîtrise qui lui a permis de faire rectifier la frontière algéro-marocaine suite au traité de Lalla Maghnia permettant ainsi à la Moulaya de dépendre du royaume alors que dans l’histoire, et ce, depuis les Romains, il y a deux mille ans, «la Moulaya séparait les deux Maurétanies».
«Tous les documents antiques s’accordent à donner un grand cours d’eau pour limiter les deux Maurétanies. Le fleuve Mulucha, au temps de Salluste, séparait le royaume de Bocchus de celui de Jugurtha (…) Et c’est ainsi à la Malva que l’itinéraire d’Antonin place la frontière des deux provinces selon ce qui a été convenu : Malva flumen dirimit Maurétanias duas».(1)
Voilà pour l’histoire. Bien plus tard, l’Algérie traversait une période pénible. Il est vrai que le roi Hassan II a qualifié l’Algérie pendant la décennie noire de laboratoire de l’expression du terrorisme. De fait, depuis 1994, l’Algérie a décidé de fermer la frontière suite aux attentats de Marrakech, lorsque le Maroc avait accusé l’Algérie de terrorisme. Malgré tous ces manquements au bon voisinage, l’Algérie n’a pas accablé le Maroc du fait qu’il soit un pourvoyeur mondial de kif dans l’impunité la plus totale, notamment de la part de l’Europe qui en est ravitaillée via l’Espagne. Pour l’histoire, l’Émir Abdelkrim El Khattabi a proclamé, en 1922, la République confédérée des tribus du Rif. Il considère le cannabis comme haram, il est le seul à avoir presque réussi à interdire [sa] «production traditionnelle dans le Rif depuis le VIIe siècle».
Cette escalade du Maroc dénote une certaine fuite en avant concernant l’invasion du Sahara Occidental en 1975, dernière colonie en Afrique, inscrit depuis 1966 sur la liste des territoires non autonomes, et donc éligible à l'application de la résolution 1514 (XV) de 1960 de l'Assemblée Générale de l'ONU portant déclaration de l'octroi de l'indépendance aux pays et peuples coloniaux. La résolution 34/37 de 1979 appelle explicitement à la fin de l’occupation du territoire par le Maroc. Plus avant pourtant, le Maroc avait accepté de s’en remettre aux Nations-Unies en 1991 s’agissant de la cause sahraouie, ce qui a permis la fameuse rencontre sans lendemain de Zéralda en 1988 de l’Union maghrébine…
Le Maroc espionne tout le monde et l’Algérie grâce à un logiciel israélien ! C’est une guerre sans mort, guerre économique, voire géopolitique. On sait que le Maroc a toujours profité des largesses de l’Europe et des Occidentaux qui ferment les yeux sur les Tazmamart nombreux qu’avait mis en évidence dans son ouvrage l'écrivain français Gilles Perrault, Notre ami le Roi. Malgré tout cela, les Riadhs et autres petits cadeaux ont anesthésié aussi bien la droite réactionnaire, mais surtout la gauche bobo qui ont une conception à géométrie variable des droits de l’Homme.
Les réactions de la classe politique
Pour le politologue Yahia Zoubir, «cette rupture était inévitable et nécessaire ; d’aucuns jugeront qu’elle a tardé. Le problème entre les 2 pays ne date pas d’aujourd’hui. Le Maroc a profité de la paralysie qui avait caractérisé les dernières années de la présidence de Bouteflika pour affaiblir les intérêts de l’Algérie en Afrique, dans le dossier du Sahara Occidental, en Europe et ailleurs. Une hostilité qui allait à l’encontre de toute pratique diplomatique. Mais de tous les actes hostiles, le soutien ouvert au MAK a dépassé le seuil de tolérance. On était en droit de penser que le roi Mohammed VI allait désavouer son ambassadeur à l’ONU, ce qui ne s’est pas produit. Le Maroc s’est senti revigoré par l’accord de Donald Trump concernant la normalisation entre le Maroc et Israël. D’où l’accélération des attaques contre l’Algérie. La relance de la diplomatie de l’Algérie dans la région nord-africaine et au-delà conduira certainement à des réalignements géopolitiques. À mon avis, l’Algérie préservera sa politique de non-alignement, mais si des puissances étrangères à la région telles que les Émirats arabes unis et Israël décident de s’immiscer avec la complicité du Makhzen dans les affaires internes des pays de la région et de menacer la sécurité nationale de l’Algérie, celle-ci se rapprochera sans aucun doute de la Russie et de la Chine».(2)
Pour Mohamed Laichoubi, ancien ministre et ambassadeur, «cette décision envers le royaume chérifien était prévisible à plus d’un titre». «Il est admis, ajoute l’ancien diplomate, qu’entre pays voisins, il y a obligation de trouver toujours des compromis pour l’avenir des sociétés, leurs économies respectives et leur destin commun. Mais quand les relations sont rompues, cela augure d’une situation grave.» «Le Maroc n’est pas à sa première forfaiture, il avait toujours eu cet objectif de réduire la présence efficiente de l’Algérie à l’Union africaine», rappellera M. Laichoubi. Le processus d’agressivité a atteint son paroxysme en continuité du cynisme jusqu’à ramener Israël et l’aider dans sa volonté de repositionnement dans la région. «Israël, pour ne pas la nommer, table sur la déchirure des sociétés, l’affaiblissement de leurs économies», avise-t-il. «On assiste à l’illusion, hélas, de libanisation de l’Algérie», présage-t-il.(3)
Parmi les autres réactions des partis et des hommes politiques qui, globalement, vont dans le sens de la décision du gouvernement, il me semble que la réponse du Parti des travailleurs est la plus articulée en ce sens qu’il n’y a pas de suivisme béat. Au contraire, ce parti met en garde contre les rodomontades et rejoint notre inquiétude, à juste titre, sur les réponses à apporter par la suite. Nous lisons : «Les raisons ayant poussé l’Algérie à prendre une telle décision son légitimes. Nous exprimons notre regret devant une telle évolution des relations entre les deux pays et affirmons que les liens historiques de fraternité et d’entraide entre les deux peuples ne sauraient être affectés par les crises, quelle que soit leur ampleur.» Le Parti des travailleurs préconise «de régler tous les différends par les moyens politiques qui ferment le porte aux ingérences étrangères qui on détruit de nombreux pays, en particulier dans notre continent et dans le région du Machrek». «Il n’est pas question ‘’de minimiser le danger de la présence sioniste’’, les dangers qui nous viennent de le propagation du terrorisme dans la région du Sahel nous suffisent». «Notre pays dispose-t-il d’une immunité suffisante politiquement, économiquement et socialement pour faire face à tout danger interne ou externe ?»(4)
Enfin, une autre analyse qui a attiré mon attention est celle de Monsieur Abdallah Labidi, ancien ambassadeur tunisien. Il résume avec justesse les données de la crise et met en garde contre ce que l’on pourrait appeler un ordo ab chao, cher à l’Administration américaine sous l’ère Condoleezza Rice, ancienne secrétaire d’État. Il met en garde contre l'importation des conflits du Moyen-Orient au Maghreb arabe, soulignant que l'Algérie a toujours été une cible difficile à atteindre pour l'entité israélienne qui s'est introduite dans la région grâce au Maroc. La région est en proie à un grand conflit (...) et la question dépasse le Maroc et l'Algérie car il y a une volonté de transformer notre région en Proche-Orient-bis et le Maroc est en train de mettre le feu aux poudres, regrettant que le Maroc ait fait de son territoire une plate-forme pour le ministre des Affaires étrangères de l’entité sioniste, Yaïr Lapid, lui permettant de proférer des propos hostiles contre l'Algérie. Par ses agissements, le Maroc a voulu «faire le parallèle avec la demande algérienne de garantir au peuple sahraouie son droit à l'autodétermination», alors qu'il n'y a pas lieu de comparer ici vu que la question du Sahara Occidental est inscrite à l'ONU et qu’il existe une mission onusienne chargée de l'organisation d'un référendum d'autodétermination au Sahara Occidental. Qui plus est, les Nations-Unies et la Cour internationale de justice de La Haye ont reconnu que le Sahara Occidental n'est pas un territoire marocain et appelé à un référendum d'autodétermination pour le peuple sahraoui. «La reconnaissance par Donald Trump de la prétendue souveraineté marocaine sur le Sahara Occidental visait à perturber la région. Cette reconnaissance n'a aucune valeur au niveau international.»(5)
La contribution des citoyennes et des citoyens à l’apaisement permettra d’être résilient
Le moins que l’on puisse dire est que l’Algérie a échappé à une tentative de guerre civile dont on ne connaît pas encore les tenants et les aboutissements. Comme un seul homme, l’Algérien s’est dressé contre des diviseurs qui pensaient arriver à déchirer le tissu social au nom d’une ethnie absconse. Dans ce cadre plus que jamais, il faut saluer le geste noble du père de Djamel Bensmaïl, geste qui a mis un coup d’arrêt à l’aventure. Il a déclaré qu’il était algérien et que les Algériens, quelle que soit leur latitude, sont frères. Une délégation de notables de Larbaâ-Nath-Irathen (Tizi-Ouzou) s’est déplacée il y a quelques jours à Miliana (Aïn- Defla), au domicile du défunt Djamel Bensmaïl, à laquelle ils ont remis un chèque de trois milliards de centimes (30 millions DA). Les membres de cette délégation ont présenté en leur nom et au nom des habitants de la wilaya de Tizi-Ouzou leurs condoléances à la famille du défunt Djamel Bensmaïl. Dans le même temps, l’Assemblée populaire de wilaya (APW) de Tizi-Ouzou a annoncé avoir créé un prix pour la paix, la fraternité et l’unité, décerné, dans sa première édition, au père du défunt Djamel Bensmaïl. (…) «Malgré son drame et son chagrin, le père de Djamel Bensmaïl a fait preuve d’un sens élevé de patriotisme, de sagesse et de tolérance. Il a intervenu et mis fin à la fitna, que certains cercles voulaient promouvoir entre les enfants du peuple d’un même pays», a souligné le président d’APW.(6)
Nous ne devons ne jamais oublier cela et trouver les voies et moyens de perpétuer ce type de messages. Dans plusieurs de mes écrits, j'ai affirmé que le service national est un formidable melting pot , c'est sans conteste un des creusets du vivre ensemble à côté du système éducatif universitaire. J’ai proposé que dans toutes les écoles, les collèges, les lycées et les universités, le premier cours porterait sur la tolérance, le vivre-ensemble et le faire ensemble.
Lettre plaidoyer à un «indépendantiste»
Une contribution ancienne de Maâmar Farah, mais qui n’a pas pris un pli tant il est vrai que le problème du vivre-ensemble est plus que jamais d’actualité , est une réponse patriote à un «independantiste» qui, le moins que l’on puisse dire, n’a pas mesuré les conséquences de ses actes qui freinent le pays dans sa quête d’unité. Avec lucidité, Maâmar Farah parle de la nécessité de la déconstruction du jacobinisme pour permettre des respirations démocratiques à l’échelle des régions, ce qui n’enlève rien à l’unité du pays. Il écrit : «Autant le besoin de décentralisation est impérieux dans un pays de plus de deux millions de kilomètres carrés, autant l'idée d'indépendance d'une quelconque région est injustifiée, incohérente et irréalisable. Il vaut mieux parler de régionalisation dont les bienfaits sont évidents.
L'Algérie a lamentablement suivi la formule jacobine française alors que le monde pullule d'exemple d'États forts et respectables s'appuyant sur une large décentralisation qui donne aux régions les moyens démocratiques de mettre en valeur leurs potentialités et d'assurer sécurité et prospérité à leurs habitants. La nation où ils vivent — où tous les Algériens vivent — est un legs précieux de leurs ancêtres. Ses contours ont été tracés par le sang, depuis les époques lointaines des résistants contre les envahisseurs romain, vandale, byzantin, arabe, espagnol, turc, jusqu'à la lutte contre l'occupant français.»(7)
Voulant montrer qu’il n’y a pas de spécificité dans la défense du pays contre l’envahisseur quel qu’il soit, il a rappelé l’interdiction du colonel Amirouche qui promettait de punir les djounoud qui parlaient de régionalisme. L’auteur «avoue» : «C'est dernièrement que j'ai appris que Tacfarinas était de chez moi (je n'aime pas ce ‘’chez moi’’, car ‘’chez moi’’, c'est toute l'Algérie, mais je l'utilise sciemment) ; donc j'apprenais que ce héros du combat contre le colonisateur romain était de Khemissa, sœur de Madaure, dans l'actuelle wilaya de Souk-Ahras. Par un autre hasard, j'appris qu'il est mort à Pomaria, c'est-à-dire l'actuelle Tlemcen, en combattant les mêmes envahisseurs. Sur sa route, il avait livré beaucoup de batailles dont l'une à Sour-el-Ghozlane, où il fut blessé (et non mort comme l'affirment plusieurs sources). Ce grand homme, dont on dit qu'il inventa les techniques de la guérilla, avait mené ses hommes de la frontière tunisienne aux confins algéro-marocains, cette nation existait déjà par le sang versé par ces martyrs tout au long d'un parcours qui deviendra, plusieurs siècles plus tard, celui de l'Algérie moderne. Ce sang n'était pas le sang des hommes de l'Est, ni celui versé par les hommes du Centre ou de l'Ouest... C'est à ce moment-là, au moment où il s'est mélangé, dans le même combat et pour les mêmes aspirations, qu'il a donné naissance à cette grande nation que d'aucuns, parmi nos ennemis, renient.»(7)
Terminant son plaidoyer avec l’espoir, vain de notre point de vue, de convaincre «l’indépendantiste» : «C'est cela l'idée de l'Algérie : une idée née autour des valeurs de luttes pour l'indépendance et de combats pour la dignité. (….) Que dire à mes amis kabyles de Annaba et d'El-Bayadh, de Tam et de Djelfa, de Tébessa et de Tlemcen, qui n'ont jamais ressenti la moindre inquiétude dans leur vie et dont les parents et, parfois, les arrière- grands-parents, ont quitté leur Kabylie natale, pour vivre ailleurs, dans leur pays, parmi les leurs ? Faudra-t-il leur délivrer un passeport pour qu'ils aillent, en pèlerinage, dans le bled d'origine de leurs ancêtres ? Les Kabyles, les Soufis, les Mozabites, les Ferdjiouas, les Djijeliens, les Ouled Darradj, les Ouled Naïls, les berbérophones et les arabophones ont vécu en parfaite harmonie, ici, sur les terres numides. Que dire demain à nos pères ? Que dire à l'histoire lointaine et proche ? Et que répondre aux questions cruciales de l'avenir ?»(7)
Que faire pour tisser la trame du récit national? La réponse ne peut être que dans le temps long
Dans le même ordre que le cri du cœur de Maâmar Farah, j’ajoute que nous devons être convaincus par le sacerdoce du vivre-ensemble et la nécessité de la construction du projet de société par la justice, le brassage permanent, le parler vrai à cette jeunesse qu’il faut convaincre que nous n’avons pas de patrie de rechange… Le mouvement sécessionniste marchande rien moins que la partition du pays ! Se proclamant leader pour négocier le sort de la Kabylie, il oublie que la Kabylie appartient aux Algériens, quelle que soit leur région. Comme l’a écrit un écrivain connu : «Chacun d’entre nous a droit à une part en Kabylie.» (Nsal fiha chbar). Cette revendication de chacun plonge ses racines dans le combat anonyme de millions d’Algériens bercés par cette conviction d’appartenance à un grand pays à défendre d’est en ouest et du nord au sud.
En fait, le premier des chantiers est celui du récit national. Nous devons, à l’instar de toutes les nations, avoir des icones fondatrices du récit national. Il en est ainsi de la destinée manifeste des Américains, de Jeanne d’Arc en France, voire d’un mandat de Dieu pour le peuple élu. La difficulté d’ouvrir le fichier sur l’identité des Algériens dans ce XXIe siècle de tout les dangers. Cette quasi-errance ouvre un boulevard à tout ceux tentés par l’aventure de tenter de fracturer un pays que 132 ans de colonisation abjecte n’ont pas pu réaliser. De mon point de vue, le fait de différer constamment la question qui est de définir le projet de société et s’interroger sur ce que c’est qu’être algérien au XXIe siècle est porteuse de danger.
Quels sont nos fondamentaux culturels et cultuels ? La quête d’un récit national consensuel, qui fait siens aussi bien Massinissa que Jugurtha que l’Émir Abdelkader et qui se réfère à un Islam de 1 400 ans fait de tolérance, est un chantier qui attend toujours d’être ouvert tant il est vrai que l’aboutissement à un vivre-ensemble au nom d’une algérianité assumée qui coupera la route à l’aventure de ceux qui cherchent leur légitimité soit auprès de l’ancien colonisateur ou d’une sphère moyen-orientale installée dans les temps morts. Nous irons alors à la conquête du savoir ayant des racines assumées et des ailes pour prendre notre envol et apporter notre part à la civilisation humaine. Plus que jamais, nous appelons de nos vœux un aggiornamento qui nous permettra de rentrer enfin dans ce XXIe siècle de tous les dangers .
La réalité du monde que nous devons métaboliser dans nos actions
Nous n’avons pas fait le tour de toutes les surprises que l’on peut avoir d’un comportement imprévisible d’un adversaire épaulé par une puissance déterminée à nous amener à ses vues. Nous sommes dans un siècle où les armes classiques sont de moins en moins efficaces. Un adversaire invisible du fin fond d’une salle climatisée peut démolir le fonctionnement d’un pays en s’emparant des codes informatiques des centrales thermiques, des logiciels de planification et de régulation, des différents organes de fonctionnement d’un pays (armée aviation…). Dans cette guerre sans mort, cette guerre de quatrième génération fait appel à la maîtrise des nouvelles techniques reposant sur la technologie. C’est de fait le défi principal du XXIe siècle, engageant la sécurité mondiale et toute inadaptation à ces mutations isolerait encore plus le pays. Il faut croire l’ANP quand elle déclare qu’elle déjoue des milliers de piratages.
Nous n’avons pas compris qu’il faut changer totalement de logiciel. Avec son logiciel Pegasus, Israël peut espionner tout le monde. Il le fait en faisant endosser cela aux services marocains. Le monde est à la nanotechnologie, aux robots, à l’homme augmenté. La guerre classique fait partie de l’histoire. En traversant le siècle, nous avons laissé derrière nous la guerre classique. Les vrais combats sont ceux de l’intelligence. Les centres de recherche des armées recrutent des milliers d’ingénieurs et de docteurs.
Doit-on continuer à regarder dans le rétroviseur alors que le monde avance et n’a que faire de nos états d’âme et de ses combats d’arrière-garde ? Doit-on continuer à nous lamenter en comptant les points des coups reçus ou sommes-nous déterminés à nous battre avec les armes du XXIe siècle ? Il est temps de ré-étalonner notre rapport au monde. Un maître-mot : le savoir. Si nous décidons de donner une visibilité à l’Algérie pour qu’elle ne devienne pas une zone grise, ce ne sont plus des rodomontades sans lendemain. C’est la mise en place sans tarder en laissant l’idéologie en dehors de l’école et de l’université.
Dans ce cadre, le mieux est de prendre acte et de prendre rendez-vous avec l’Histoire et se mettre au travail autour d’un projet, celui d’une Algérie du futur qui donne sa chance et où ceux qui ont une valeur ajoutée la mettraient au service du pays, barrant la route à tous ceux tentés par l’aventure et qui croient trouver dans l’adoubement à l’ancienne puissance une façon de rendre service au pays. Cruelle erreur ! On sait ce que c’est que la démocratie aéroportée pour des pays vulnérables. Un exemple récent, l’Afghanistan. Comme sont tentés par l’aventure de combats d’arrière-garde ceux qui s’arriment à la sphère moyen-orientale, autrement plus féroce contre l’Algérie qui refuse de rentrer dans leur rang.
Le campus de l’intelligence de Sidi Abdallah avec une ambition et des moyens
Devant les nuages qui s’accumulent du fait de nouvelles de guerre dites de quatrième génération, où nous ne voyons pas l’adversaire qui généralement est difficile à déceler. La seule parade est de mettre des stratégies préventives très résilientes et pouvant répondre rapidement . De ce fait, il est urgent que La formation de l’élite capable soit capable de rendre coup pour coup par nécessité vitale. Il serait présomptueux d’en attendre des résultats dans un futur immédiat. Nous ne pouvons entrer dans le développement d’une parade efficace par effraction, c’est une lente maturation, ce sont des nuits blanches, c’est une autre Révolution qu’il faut mener en rassemblant toutes les opportunités pour déceler l’élite à tout les niveaux.
Un pays comme le Maroc , l’a compris : Quand les élèves des grandes écoles préparent les classes préparatoires en France, Hassan II reçoit les élèves la veille de leur départ en France et leur dit qu’il compte sur eux. Résultat des courses, il y a des dizaines de polytechniciens marocains : «Depuis 1985, le nombre d’élèves marocains passant de 68 à 128 élèves entre 1955-1985 et 1986-2000 a doublé. Cette augmentation confère au Maroc le premier rang de la fréquentation étrangère de l’École polytechnique. On compte 17 élèves algériens des promotions 1963 à 1985 à l’École Polytechnique de Paris, proportion inchangée de1986 à 2000. Deux caractéristiques majeures différencient la situation marocaine de la tunisienne. D’une part, le nombre de polytechniciens marocains qui continuent à rentrer au pays reste relativement élevé en comparaison : ils sont 21 sur 38 (55%) dans les promotions 1948-1980, 12 sur 29 dans les promotions 1981-1985 (41%) et 25 sur 48 dans les promotions 1986-1992 (52%). Où sont les polytechniciens algériens?»(8)
Ce campus de Sidi Abdallah devrait pouvoir avoir toutes les sollicitudes en termes de moyens. L’élite formée dans de bonnes conditions devrait pouvoir permettre de donner la pleine mesure de son talent en étant sécurisée du point de vue de l’emploi. Pour être en phase avec la réalité du monde, notamment pour investir les nouvelles disciplines qui interviennent dans la cyber-sécurité, il nous faut former chaque année des dizaines de milliers d’informaticiens, d’ingénieurs en intelligence artificielle/an.
Les écoles d’intelligence artificielle et de mathématiques devraient être complétées par les autres concernant les autres domaines. C’est le cas de l’informatique, de la robotique, de l’électronique, de la transition énergétique (ITEER)… Quelle que soit la santé financière du pays, il faut mettre en place un campus de l’intelligence à Sidi Abdallah où nous devons former les futures troupes scientifiques capables de répondre d’une façon appropriée aux différentes agressions d’un nouveau type, où vous ne voyez plus votre adversaire «à l’ancienne».
L’Algérie doit savoir qu’elle va au-devant de difficultés de plus en plus complexes. Notre adversaire n’est pas celui désigné mais c’est toute la capacité de nuisance de l’allié israélien du Makhzen dont nous aurons aussi à nous prémunir. Nous avons déjà un échantillon de cette collusion avec le programme Pegasus. Un autre danger dans les prochaines années et la concurrence concernant la vente de gaz des gisements en Méditerranée orientale. L’Italie, la Grèce, et Chypre ont paraphé un plan avec Israël prévoyant la construction d’un gazoduc allant des champs gaziers maritimes israéliens vers les côtes sud-européennes.
Plus que jamais nous avons besoin de consolider dans toutes nos actions la nécessité d un récit national décliné de façon différente mais complémentaire aussi bien dans le système éducatif en permettant le brassage que dans toutes les actions qui nécessitent, qui font intervenir les différentes régions du pays. Au risque de me répéter , l'économie de la connaissance devra être la colonne vertébrale de toute vision du futur
Le célèbre écrivain Antoine de Saint-Exupéry qui écrivit notamment: " le petit prince", parlant de l’engouement à développer au sein des jeunes en terme de mobilisation propose de ne pas se situer au détail mais viser plus haut. L’Utopie. Il écrit : «Si tu veux construire un bateau, ne rassemble pas tes hommes et femmes pour leur donner des ordres, pour expliquer chaque détail, pour leur dire où trouver chaque chose. Si tu veux construire un bateau, fais naître dans le cœur de tes hommes et femmes le désir de la mer.»
Mutatis mutandis, nous devons faire naître au sein de la jeunesse ce désir d’être utile et d’être acteurs de leur destin, ce désir de construire, de se sentir responsable de l’avenir du pays et ceci par des chantiers permanents qui développent en eux à la fois la conviction d'être utiles et de compter dans l'échelle des valeurs sociales, mais aussi cet esprit pionnier qui est le moteur de la marche des civilisations.
Un exemple ? Le développement du Sud dans ses multiples dimensions : utilisant les énergies renouvelables, développant l’agriculture, créant des villes nouvelles autant de chantiers qui créeront une nouvelle utopie.,celle de faire du Sahara une nouvelle Californie. Amen.
En portant sur scène le premier texte à avoir raconté, publiquement et dès l’aube du conflit, la torture durant la guerre d’Algérie, Stanislas Nordey et Laurent Meininger s’attaquent au plus puissant tabou de notre culture. Un éclairage salutaire.
Témoignage glaçant, La Question est un des livres français les plus politiques de l’après-guerre. Écrit en prison par Henri Alleg, militant communiste et journaliste entré en clandestinité dès le début de la guerre d’Algérie, il fut transmis en secret à ses avocats, publié en 1958 et aussitôt censuré par le gouvernement français. L’ancien directeur du journal « Alger républicain » y relatait les tortures multiples que lui avaient infligées des officiers de l’armée française. Aussitôt réédité en Suisse, le texte confirmait que la torture de civils faisait partie de l’arsenal répressif déployé contre l’indépendance algérienne. Il contribua puissamment à la montée du mouvement d’opinion qui réclamait la fin du conflit sanglant.Par sa précision, son sens politique, sa force d’écriture, La Question est un livre majeur de notre histoire, de l’interprétation de notre histoire. L’entendre, le jouer, le lire, le dire, l’étudier, le regarder en face, quel que soit le pays ou la période, c’est faire œuvre de cette vigilance permanente sans laquelle aucune démocratie ne peut perdurer. C’est réaffirmer que le courage et la dignité sont les piliers de la République. Dans un monde hostile où s’engouffre le pire, c’est, enfin, un viatique pour tout individu libre.
LA QUESTION
D ’APRÈS L’OEUVRE DE HENRI ALLEG (PUBLIÉE AUX ÉDITIONS DE MINUIT) MISE EN SCÈNE LAURENT MEININGER AVEC STANISLAS NORDEY ASSISTANAT À LA MISE EN SCÈNE JEANNE FRANÇOIS SCÉNOGRAPHIE NICOLAS MILHÉ ET RENAUD LAGIER CONCEPTION DÉCORS RONAN MENARD CRÉATION LUMIÈRE RENAUD LAGIER
Les films sur la guerre d'Algérie font toujours mal en France. Le dernier en date est le film sur Fernand Iveton, un ouvrier communiste et militant de l'Algérie indépendante. Le film est basé sur le livre De nos frères blessés, de l'écrivain français Joseph Andras, paru en 2016, et qui s'intéresse particulièrement «aux dernières années de la vie de Fernand Iveton, à sa rencontre avec sa femme Hélène, ou encore son procès», devant un tribunal militaire, a indiqué le réalisateur français Hélier Cisterne (réalisateur de Vandal en 2013 et de la série Le Bureau des légendes).
Ouvrier et communiste, Fernand grandit au Clos-Salembier, dans un quartier populaire d'Alger, où se mêlent populations arabe et européenne de milieux modestes. Né en 1926, il n'a pas 20 ans quand «des milliers de musulmans» sont massacrés à Sétif et Guelma. Ils fêtaient la libération, croyant, à tort, que c'était aussi la leur. Hommes, femmes enfants, l'armée tire sur «tout ce qui bouge, pour écraser la contestation». À Fernand qui les interroge et les écoute, ses voisins arabes racontent «des histoires à dormir debout. Des gens brûlés vivants avec de l'essence, des récoltes saccagées, les corps balancés dans les puits, comme ça, on les prend on les jette». En 1955, Fernand Iveton rejoint l'organisation militaire du Parti communiste algérien. Aux côtés du FLN, il veut se battre pour une Algérie qui accorderait enfin à tous les mêmes droits. Hostile aux attentats aveugles et meurtriers, il accepte néanmoins de poser une bombe dans son usine de gaz, après la fermeture, dans un endroit isolé où personne ne serait blessé. Il est repéré et dénoncé par un contremaître. Désamorcée, la bombe ne fera ni victimes ni dégâts. De toute façon, de l'aveu d'un expert convoqué au tribunal, elle n'aurait pas «fait de mal à une mouche».
Torturé des heures à l'électricité, il finit par lâcher trois noms, le plus tard possible. Le reste du réseau, tente-t-il de se rassurer, a eu le temps de fuir. Après un procès expéditif devant la justice militaire, il est condamné à la peine capitale. Les avocats entament les recours, puis les demandes de grâce auprès du trio Coty (à l'Elysée), Mollet (président du Conseil) et Mitterrand (garde des Sceaux). Sans succès: le tourneur Iveton n'a ni soutiens ni relais dans les milieux politiques et intellectuels. Si des sections syndicales de la CGT se mobilisent, l'Humanité et le PCF ne plaident sa cause que du bout des lèvres. Le 11 février 1957, Fernand Iveton est réveillé à l'aube et conduit à la guillotine. Pour vaincre sa peur, il «hurle dans les couloirs: Tahia El Djazaïr!: Vive l'Algérie!». Et toute la prison de clamer avec lui: «Tahia El Djazaïr!». Sa tête tombe à 5 heures 10. Il a 30 ans à peine.
C'est dans un livre portrait au cordeau d'un ouvrier broyé par l'ordre colonial ni emphase ni misérabilisme que Joseph Andras, un pseudonyme- sinon qu'il vivrait en Normandie, voyagerait régulièrement à l'étranger et serait né, selon son éditeur, en 1984 (année orwellienne). Actes Sud fournit obligeamment la photo qui illustre cet article. Joseph Andras a refusé le prix Goncourt du premier roman qui lui était attribué, sans se déplacer. S'agit-il d'un écrivain célèbre se faisant passer pour un primo-romancier? Le Monde a mené son enquête, suivant notamment la piste Kamel Daoud, sans en tirer de conclusions. «L'auteur a choisi de se présenter au lecteur sous le prénom Joseph, «comme le charpentier [le père de Jésus] ou comme le petit père des peuples [Staline]», écrit-il à propos d'un de ses personnages.
Rencontre avec Daniel Kupferstein qui, avec ses trois films
« les balles du 14 juillet », «17 octobre 1961. Dissimulation d'un massacre », et « Mourir à Charonne,
pourquoi ? »,
fouille les entrailles de la sombre histoire coloniale de la France au XXe siècle. Le réalisateur a retrouvé des témoins, fait parler les historiens afin de reconstituer au mieux le déroulement de ces massacres occultés où le nom de Maurice Papon n’est jamais loin, et de comprendre comment le mensonge d’Etat a si bien fonctionné. - Les 17 et 18 octobre 1961, lors d'une manifestation non-violente contre le couvre-feu qui leur était imposé, des dizaines d'algériens étaient assassinés à Paris par des fonctionnaires de police aux ordres de leurs supérieurs, sous couvert du préfet de police Maurice Papon. Pendant quarante ans, ce crime a été occulté. - Le 8 février 1962, les syndicats et partis de gauche appellent à une manifestation de protestation contre les attentats de l’OAS. Au moment de la dispersion au métro Charonne, la police charge brutalement. On relèvera neuf morts et de nombreux blessés. - Le 14 juillet 1953, en plein Paris, la police parisienne a chargé un cortège de manifestants algériens. En quelques minutes, sept personnes (six Algériens et un Français) ont été tuées et plus de quarante blessés par balles.
Par micheldandelot1 dans Accueil le 5 Septembre 2021 à 11:34
Ci-dessus les bourreaux de la République dans la France coloniale
ILS ÉTAIENT DEUX CENT VINGT-DEUX DÉCAPITÉS PAR LA GUILLOTINE
Dans leur opération de répression de la lutte pour l’indépendance, les autorités coloniales usèrent d’une arme sauvage : la guillotine.
Une machine de guerre infernale. De 1956 à 1958, il y a eu 16 exécutions doubles, 15 multiples, 8 quadruples, une quintuple. Pour la seule année 1957, 82 condamnés à mort ont été exécutés : 41 à Alger, 7 à Oran et 34 à Constantine.
Premier à monter sur l’échafaud : Ahmed Zabana
Ahmed Zabana a été décapité par la guillotine le 19 juin 1956, à 4 heures du matin, dans la cour de la prison de Serkadji.
Le Conseil supérieur français de la magistrature avait scellé son sort lors de sa réunion du 5 juin 1956. Il avait suivi la directive du chef du gouvernement, Guy Mollet – « la sanction doit immédiatement suivre l’arrêt » – donnée en Conseil des ministres quatre mois auparavant, le 15 février.
De son côté, le Secrétaire d’Etat à la guerre, Max Lejeune, socialiste de la SFIO, partisan convaincu de l’Algérie française, appuyait l’appel des Français d’Algérie : « Les sentences doivent être exécutées ». A la date du 15 février 1956, 253 condamnations à mort avaient été prononcées dont 163 par contumace. 90 détenus se trouvaient donc dans les couloirs de la mort des prisons.
La condamnation à mort le 30 mai 1956 d’Ahmed Zabana figurait parmi les 55 sentences confirmées par la Cour de Cassation.
Le 19 juin 1956, le bourreau en titre s’appelait André Berger, « Monsieur Alger » ; Maurice Meissonnier, aidé de son fils Fernand, était son adjoint.
UN BOURREAU FRANÇAIS – Attention, les propos tenus dans cette vidéo peuvent choquer. Au lendemain de la date anniversaire de l’abolition de la peine de mort, nous avons choisi de vous montrer ce témoignage rare, celui d’un des derniers bourreaux à avoir exercé. Pour lui, la peine de mort, ce n’est pas qu’un débat de société. La peine de mort, il l’a sentie. Ressentie même, entre ses mains, alors qu’il tenait la tête de condamnés au moment où la lame réalisait son funeste objet. Fernand Meyssonnier a exécuté 200 personnes dont des femmes et au moins un innocent. Il le sait, et pourtant, vous allez l’entendre, il n’a aucun problème de conscience. Fascinant. Poignant. Et terrible.
Le 11 décembre 2012 anniversaire des manifestations contre l'horreur coloniale du 11 au 18 décembre 1961 est une triste occasion pour parler des bourreaux français Fernand Meyssonnier et son père Maurice Meyssonnier ont guillotiné 222 militants du FLN avant sa retraite tranquille dans le Vaucluse, même des français qui soutenait l'indépendance de l'Algérie tel Fernand Yveton, militant communiste, ont été guillotinés. Après avoir refusé l'entrevue avec un prêtre, Yveton avait été conduit à l'échafaud guillotiné à l'aube du 11 février 1957, à Alger et est mort courageusement pour défier la lâcheté de la colonisation française. il s'appelait Fernand comme son bourreau !!!
Ces sinistres bourreaux ont battu le record de Sanson le bourreau de Louis XVI. Fernand Meyssonnier est devenu par la suite un disciple de Jean-Marie Le Pen, président du Front national et connu pour la torture durant la guerre d'Algérie. Le père Meyssonnier était le roi de la farce. Il se moquait des Juifs et des Arabes. La bonté divine a fait que le Maurice soit emporté en enfer par un cancer de la gorge, en 1963, à Nice et son rejeton par un cancer du foie.
Meyssonnier, bourreau à Alger
De 1947 à 1961, il a participé à l'exécution de quelque 200 personnes
Fernand Meyssonnier, qui a décapité 200 condamnés, ne supporte pas qu'on l'appelle «bourreau», mot vil à ses yeux et impropre à ses hautes fonctions : «J'étais exécuteur des sentences criminelles», dit-il avec fierté dans son livre (1). Issu d'une lignée de guillotineurs d'Alger son parrain et son père le furent , ce pied-noir de 75 ans a érigé sous sa maison à Fontaine-de-Vaucluse ses «bois de justice» avec le couperet tranchant. Cet engin de mort était le clou de son musée de la Justice et des Châtiments, qu'il avait fondé en 1992 et fermé en 1998, avec hache et corde d'exécution, entraves de bagnards, instruments de torture et tête coupée dans du formol. Il l'avait monté soi-disant au nom de l'Histoire. Il regrette, sous le même prétexte, de ne pas avoir filmé les exécutions en Algérie. Sollicité par Libération, Fernand Meyssonnier a fini par refuser l'interview, son entourage redoutant que notre journal «opposé à la peine de mort» le traite de «boucher».
Curé ou danseur. Aide bénévole de son père à partir de 1947, Fernand Meyssonnier ne devient son premier adjoint que dix ans plus tard. Car les places dans l'équipe du bourreau sont très prisées en raison des avantages sociaux qu'elles confèrent en ces temps d'Algérie française. Payés par l'Etat un salaire d'ouvrier, les exécuteurs tiennent tous un restaurant ou un bistrot à Alger. La table du café Laperlier des Meyssonnier reçoit tout ce qu'Alger compte de coloniaux, de députés et de commissaires. A 14 ans, le fils avait abandonné ses rêves d'enfant de choeur : devenir curé ou danseur d'opéra. Apprenti mécano aux ateliers de la Poste, il avait fabriqué une maquette de guillotine (modèle Berger 1868) pour l'anniversaire de son père. C'est à l'âge de 16 ans qu'il assiste, «impressionné», à sa première exécution. A Batna, dans le Constantinois, un «indigène qui avait assassiné un gardien de prison» bascule en priant «Allah Akbar» : «Au milieu d'un Allah Ak..., dans un bruit sourd, la lame tchak... lui coupe la parole. deux jets de sang pfffiou... giclent à trois ou quatre mètres. Ahhh... j'étais tellement oppressé, un petit cri comme ça ahhh... quand même ça m'a impressionné [...]. D'un coup, il n'a plus de tête, il vit plus.» (1)
Avec l'habitude, Fernand Meyssonnier se blinde et se concentre sur la technique. Coopté dans l'équipe de cinq, il remplit les fonctions de «photographe», celui qui «voit arriver la tête du condamné à travers l'oeil de la lunette» et le cramponne derrière les oreilles : «Tenir une tête qui vous reste entre les mains après la chute de la lame, c'est quelque chose de très impressionnant qu'on ne peut pas vraiment expliquer», écrit-il. Après, il la jette dans la «corbeille». Une photo du livre légendée «repas froid à trois heures du matin» le montre avec l'équipe en déplacement en train de prendre le casse-croûte sur la corbeille à cadavres décapités. Il y avait des rituels pour les bourreaux comme le coup de rhum, la chemise blanche et la cravate noire avant d'officier, «rapide», mais «sans haine». Après, lui se lavait. Pas à cause du sang et de la mort, mais «c'est le fait de toucher un homme malhonnête, moralement pourri». Il était tellement persuadé qu'ils étaient «tous d'affreux criminels» qu'il n'a jamais cauchemardé. «Après l'exécution, on rentrait chez nous comme un entrepreneur après son travail ou un chirurgien qui vient de faire une opération, ni plus ni moins.»
«A la chaîne». Il y avait des «coutumes» pour les condamnés à mort. Les «parricides», comme Mohamed Hamasi à Blida en 1947, étaient amenés devant la guillotine «avec un bandeau noir sur les yeux et un drap blanc sur les épaules». En cas d'exécution multiple, «le plus coupable» passait en dernier, comme le chef de bande des poseurs de bombes des stades d'El-Biar et d'Hussein-Dey en 1956 (17 morts) qui avait revendiqué le «carnage». Pendant les «événements» en Algérie, les exécuteurs ont été réquisitionnés pour tuer les indépendantistes du FLN, mais ont rechigné, car «normalement, les politiques auraient dû être fusillés» par les militaires : «Nous, on ne faisait que les droits communs [...]. Même Sanson, qui a fait le roi [le bourreau de Louis XVI, ndlr] et tout, il est passé à travers la Révolution.» Mais les exécuteurs d'Alger ont obéi aux ordres et décroché une «prime de risque», ainsi qu'une «prime de tête», sans compter les frais de montage de la guillotine, qui a servi comme jamais. «Oui, pendant le FLN, c'était à la chaîne», se vante Meyssonnier, «de juin 56 à août 58, cent quarante et un terroristes» tranchés. Et, si de Gaulle n'avait pas fait la «paix des braves» et «gracié neuf cents condamnés à mort, j'aurais dépassé à coup sûr Sanson». En 1961, il a pris la tangente pour Tahiti, où il a vécu de divers boulots, comme organisateur en 1976 de balades en corbillard pour touristes américains.
(1) Paroles de bourreau, Ed. Imago, 2002. Recueilli par l'anthropologue Jean-Michel Bessette, auteur d'Il était une fois la guillotine (Alternatives) et Sociologie du crime (PUF).
François Mitterrand "Je ne suis pas favorable à la peine de mort"... et pourtant... pendant la guerre d'Algérie... "Enfin il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis"...
Le 17 septembre 1981, quand Robert Badinter, alors Garde des Sceaux, défend devant les députés son texte portant sur l'abolition de la peine de mort, six hommes attendent dans les quartiers des condamnés à mort des geôles françaises. Leur destin a croisé la grande histoire. La plupart auraient été guillotinés si l'abolition n'avait pas été votée, si la France n'avait pas définitivement tournée la page la plus sanglante de sa justice.
30 ans après l'abolition de la peine de mort, il inscrit son propos entre l'élection de Robet Badinter à l'Assemblée Nationale, une plaidoirie qui résonne encore tant elle a marqué les esprits : « Demain, grâce à vous, la justice française ne sera plus une justice qui tue. Demain grâce à vous, il n’y aura plus, pour notre honte commune, des exécutions furtives, à l’aube, sous le dais noir, dans les prisons françaises. Demain les pages sanglantes de notre justice seront tournées. ».
Entre le 10 mais 1981, jour de l'élection de François Mitterrand, et ce jour d'automne 1981, le débat sur la fin de la peine de mort rythme le calendrier de l'histoire politique; judiciaire et humaine du pays. Le documentaire se propose de revenir sur la grande histoire, en s'attachant à montrer comment une sorte de course s'était installée entre ceux qui veulent supprimer du code pénal la condamnation à mort et ceux, encore nombreux dans les tribunaux, qui continuent à envoyer les hommes sur l'échafaud.
Entre pouvoir abolitionniste et opinion publique majoritaire pour "le maintien du châtiment suprême", ce film raconte ce que fut le destin des derniers morts-vivants de la république, coincés qu'ils étaient entre la grande histoire politique et celle de leur vie condamnés à avoir la tête tranchée. La loi sur l'abolition de la peine de mort restera à jamais comme une des plus importantes votées sous la Vème République, probablement la seule qui aurait été rejetée par le peuple français s'il avait été consulté.
« Les rescapés de la guillotine » donne surtout la parole en exclusivité aux principaux concernés par cette décision, à commencer par un condamné à mort de l’époque. René, 27 ans au temps de l’abolition, est l’un des six rescapés condamnés à avoir la tête tranchée. Après avoir purgé sa peine, il est aujourd’hui libre et accepte pour la première fois de raconter son histoire.
Parmi les autres intervenants, on compte Fernand Meyssonnier, ancien « exécuteur en chef des arrêts criminels », autrement dit bourreau, qui explique le fonctionnement de cette machine sous laquelle sont tombées plus de 200 têtes, et témoigne de la monstruosité et de la violence du supplice.
Fervent défenseur de l’abolition depuis les années 1970, Robert Badinter raconte comment, après la condamnation à mort de l’un de ses clients simple complice d’un crime, il s’est engagé à combattre avec ferveur cette justice qui tue. Près de dix ans d’un dur labeur à plaider cette cause devant les tribunaux, avec de simples mots comme unique arme pour sauver la peau de ceux qu’il défend.
De nombreux autres témoignages permettent de mieux appréhender ce pan décisif de l’Histoire politique, sociale et judiciaire de la Vème République.
Le comédien Charles Berling, prête sa voix à ce documentaire, une incarnation légitime pour celui qui à déjà interprété Robert Badinter pour l’adaptation télévisée des ouvrages de l’ancien garde des Sceaux, « L’Abolition » et « L’Exécution ».
A VOTRE ATTENTION :
Ce documentaire a été diffusé en 2011
Robert Badinter est né
le 30 mars 1928 à Paris
Il restera l'homme qui a fait
abolir en France
la peine de mort
Avocat, homme politique, ex ministre de la Justice
Dans l'hémicycle, l'atmosphère est solennelle. Ils sont venus nombreux, pour le soutenir ou le huer. Robert Badinter garde des Sceaux, monte à la tribune, son texte tant de fois réécrit à la main. La France a les yeux rivés sur le petit écran de télévision. L'émotion est à son comble. Lorsqu'il prend la parole, c'est un discours mémorable, une plaidoirie, la dernière de ce combat acharné qui fut celui de sa vie. "J'ai l'honneur, au nom du gouvernement de la République, de demander à l'Assemblée nationale d'abolir la peine de mort en France". Nous sommes le 30 septembre 1981, l'abolition de la peine de mort est votée.
Une belle victoire qui vient conclure un douloureux engagement. Lui qui a subi sans faillir à sa cause, des années durant, les insultes à la sortie du Palais de Justice, les magistrats qui se détournaient, les menaces de mort, les lettres par centaines qui le conspuaient. S'il est difficile de l'imaginer aujourd'hui, le monde se partageait alors entre ceux qui voyaient en la peine de mort un juste châtiment, et les autres, un acte barbare.
A l'origine, une blessure profonde qui l'a longtemps taraudé. Le 24 novembre 1972, à l'aube, à la prison de la Santé à Paris, on guillotine deux hommes : Claude Buffet et Roger Bontems. Robert Badinter est l'avocat de Bontems contre qui la cour n'avait retenu que la complicité, reconnaissant qu'il "n'avait pas donné la mort" à une infirmière et d'un gardien de la centrale de Clairvaux. Une injustice qu'il n'oubliera jamais : guillotiner quelqu'un qui n'avait jamais tué personne.
"... après le verdict, lorsque l'accusé avait sauvé sa tête, il fallait s'en aller bien souvent par un escalier dérobé pour éviter la colère de la foule"
Ce tragique évènement marque le début de son combat contre la peine de mort. En 1977, il accepte de défendrePatrick Henry, kidnappeur et meurtrier d'un petit garçon de sept ans en 1976. Contre toute attente, la cour d'assise de l'Aube condamne ce dernier à la réclusion criminelle à perpétuité. La plaidoirie de Robert Badinter avait réussi à retourner les jurés de Troyes. Il avait fait témoigner des experts chargés d'expliquer le fonctionnement de la guillotine. "Choisirez-vous de couper un homme en deux ?" leur demande-t-il enfin. Les jurés répondront par la négative. C'est sa première grande victoire contre la "veuve noire".
Dans L'Abolition (Fayard), le livre qui retrace son parcours, il écrit : "De ces moments, à Troyes, dans la salle de la cour d'assises où je plaidais pour Patrick Henry, demeure vivante en moi cette impression singulière que je ne défendais pas seulement la vie de Patrick Henry, mais à nouveau celle de Bontems. Tout ce que je n'avais pas su dire pour lui jaillissait à présent pour cet autre assis derrière moi. 'Le mort saisit le vif' dit un vieux brocard juridique. Ce jour-là, dans ce box derrière moi, l'un était devenu l'autre".
A la fin des années 70, il enchaîne six procès consécutifs et sauve la tête de nombreux condamnés qui devaient être rejugés. La Cour de cassation cassait les arrêts. Il symbolise désormais le combat contre la peine capitale. "On entrait au palais de justice par la grande porte, et après le verdict, lorsque l'accusé avait sauvé sa tête, il fallait s'en aller bien souvent par un escalier dérobé pour éviter la colère de la foule", se souvient-il dans un entretien en 2001 avec l'AFP.
L'homme est tout entier dévoué à sa cause. Il est comme habité. On vient écouter ses plaidoiries qu'il n'écrit pas. "L'écriture c'est la mort de l'éloquence en justice", confie-t-il en 2006 au Journal du Dimanche. "C'est après le procès Buffet-Bontems et leur exécution que j'ai vraiment compris ce que la peine de mort signifiait... Injustifiable. Inacceptable. S'y ajoutait autre chose qui était en moi latent... Un rapport à la mort. C'est ce qui a fait que l'homme introverti que je suis devenait dans ces occasions-là, pour ces plaidoiries où il s'agissait d'arracher un homme à la mort, quelqu'un « d'autre». Ce n'était pas le métier d'avocat."
"Dès que je plaide, je sens mon père là, debout à côté de moi"
Non, il y avait certainement une affaire personnelle, un rapport particulier à la mort, peut-être le souvenir de son père arrêté par la Gestapo sous ses yeux, à Lyon en 1943, qui ne reviendra jamais du camp de Sobibor où il fut interné. L'avocat confiera au JDD en 2006 : "Dès que je plaide, je sens mon père là, debout à côté de moi".
Robert Badinter est né à Paris le 30 mars 1928. Ses parents étaient juifs immigrés venus de Bessarabie, naturalisés français. Il grandit dans un milieu modeste. Après la guerre, il commence des études de Lettres et de Droit, décroche la licence dans les deux disciplines. Boursier, il part ensuite étudier aux Etats-Unis et obtient en 1949 le diplôme de Master of Arts à l'université de Columbia.
Revenu en France, il s'inscrit au Barreau de Paris en 1951 et commence sa carrière d'avocat comme collaborateur d'Henry Torrès. Il obtient son doctorat en droit en 1952 et l'agrégation en 1965. Il est nommé Professeur des Facultés de Droit en 1966. Parallèlement à sa carrière universitaire, il fonde en 1965 avec Jean-Denis Bredin un cabinet d'avocats. Il participe à la défense du Baron Edouard-Jean Empain après l'enlèvement de celui-ci, est l'avocat de grands cinéastes comme Charlie Chaplin, exerce aussi bien comme avocat d'affaires (Boussac, talc Morhange, l'Agha Khan etc.) que de droit commun. Son dernier procès avant de devenir ministre de la Justice est celui contre le négationniste Robert Faurisson, qu'il fait condamner en 1981, et cela avant la loi Gayssot de 1990.
Ami fidèle de François Mitterrand, il entreprend de convertir ses victoires judiciaires en réforme politique. L'abolition fait partie du programme de la gauche aux élections. François Mitterrand est élu président de la République et nomme Robert Badinter ministre de la Justice (du 23 juin 1981 au 18 février 1986). La marche politique vers l'abolition débute, avec le point d'orgue que l'on sait, un bel après midi de septembre dans une Assemblée nationale pleine à craquer :"Lorsque j'ai pris la parole à la tribune de l'Assemblée, j'ai eu un moment d'émotion très intense. Je n'aurais jamais pensé, lorsque j'allais plaider dans ces cours d'assises, que ce serait un jour moi qui, devant le Parlement, prononcerais ces paroles magiques." (dans L'Abolition).
A la Chancellerie, il a présenté et défendu les textes de lois devant le Parlement, en faveur de la suppression de la Cour de sûreté de l'Etat (1981) et des tribunaux militaires (1982), ainsi que des lois accordant de nouveaux droits aux victimes. Il a également présidé la commission chargée de rédiger le nouveau Code pénal, adopté en 1992, en remplacement du Code napoléonien. Il a pris de nombreuses mesures pour humaniser les prisons. Des réformes qui lui valent d'être violemment stigmatisé, tout en renforçant sa stature d'homme de conviction.
"Aucune démocratie n'a le droit de disposer de la vie d'un citoyen. Là s'arrête le pouvoir d'un Etat"
En 1996, François Mitterrand le nomme président du Conseil constitutionnel. Il réussit en neuf ans et quatre alternances politiques à l'ériger en institution incontournable de la République. Sénateur des Hauts-de-Seine depuis 1995 , il est réélu en 2004. "Une manière intellectuellement intéressante de continuer à participer au processus législatif", reconnait dans une interview au Point en 1999, cet infatigable défenseur des droits de l'homme, de la souveraineté du peuple et de la République.
Travailleur acharné, il a aussi participé aux travaux de la Convention de Bruxelles pour l'élaboration de la Constitution européenne. En novembre 2003, il a été désigné par le Secrétaire général des Nations Unies Kofi Annan pour siéger dans le Comité de seize personnalités internationales chargé de proposer une réforme de l'ONU.
Hors normes. Robert Badinter s'est forgé avec une exigence d'airain un personnage qui force aujourd'hui le respect. Il est devenu une icône, un "mythe". La route qu'il a défrichée, à coups de convictions et de courage, pourfendant les esprits étriqués, s'il n'en a jamais dévié, c'est parce qu'il n'a jamais bradé son idéal. Son combat pour l'abolition de la peine de mort, il l'a poursuivi à l'étranger. Il y a tellement de pays encore à convaincre.
"Le jour viendra où il n'y aura plus, sur la surface de cette Terre, de condamné mis à mort au nom de la justice. Je ne verrai pas ce jour-là... Aucune démocratie n'a le droit de disposer de la vie d'un citoyen. Là s'arrête le pouvoir d'un Etat", écrit-il dans Contre la peine de mort (Fayard). L'affaire de sa vie.
17 septembre 1981
Débat parlementaire sur la peine de mort - extraits du discours de Robert Badinter : "Je demande l'abolition de la peine de mort en France... Je dis simplement en rappelant la trace de Jaurès : La peine de mort est contraire à ce que l'homme a depuis 2000 ans rêvé de plus noble, contraire à l'esprit du christianisme et de la révolution... il n'a jamais été établi de corrélation quelconque entre l'existence de la peine de mort et la courbe de criminalité... la mort et la souffrance des victimes appelle en contre partie le sacrifice expiatoire. Conviction d'une justice sûre de son infaillibilité.
Le texte est une conférence de Jean Amrouche en hommage à Maurice Audin(1), son compatriote, son “frère” de cœur et de raison, assassiné, pour ses convictions politiques et humaines, dans les geôles de tortionnaires barbares pendant la guerre d’Algérie. Soixante ans après l’indépendance, au moment où le pays de Jean-Amrouche, sa région natale, brûle sous les flammes, ce message tombe, par hasard, comme pour réorienter le débat, les égarements politiques, mettre de l’eau sur le feu pour éviter que le pays ne s’embrase, ne parte en fumée au double sens du terme, car il ne s’agit pas de mettre en péril la partie, mais le Tout ; il ne s’agit pas de la Kabylie, mais de tout un pays, voire même de toute l’Afrique du Nord, région si chère à Amrouche comme à celle de beaucoup d’intellectuels algériens précurseurs dans cette lutte. Nos aînés, Amrouche, Féraoun, Mammeri, Fanon, Kateb Yacine, Mohammed Dib, Jean Sénac, Taos Amrouche, Fadhma Ath Mansour, Assia Djebar, ont écrit en “Algériens”, en “Africains”, en Méditerranéens, etc. Ils ont pensé l’indépendance dans une région du monde libre, ouverte et riche de ses langues, de ses cultures, de ses femmes et de ses hommes. Les flammes ne doivent pas effacer les traces de ce long combat entrepris par les années de guerre (par les politiques Abane Ramdane, Ben M’hidi, Aït Ahmed, Mostefa Lacheraf) pour libérer le pays du joug colonial, mais aussi pour restaurer les valeurs humaines ancestrales perdues et celles des droits humains ; ces dernières sont importées par une culture universelle adoptée et acceptée par un peuple valeureux qui, à maintes reprises, a fait preuve de son attachement à cette terre. Si Amrouche a été ce vigile dans la défense des droits politiques et moraux du peuple algérien pendant la guerre, il continue, symboliquement, à s’exprimer à travers nous pour nous rappeler que le sacrifice des aînés ne doit pas être vain, que l’humain doit transcender l’homme, que les femmes et les hommes doivent être égaux en droit quelles que soient leur langue, leur origine ou leurs croyances. C’est ainsi que la voix de Maurice Audin, Algérien communiste, Européen d’origine, et celle d’Amrouche, Algérien, chrétien, Kabyle, par la pensée et les actes, crient à l’unisson leur attachement pour une Algérie nouvelle fondée sur le respect de l’humain dans sa dimension la plus authentique. L’Algérie ne pourra être elle-même que si elle ne trahit pas le pacte de ceux - nos valeureux aînés - qui sont morts pour elle.
Je prends la parole ce soir devant vous, et avec vous ; je joins ma voix aux millions de voix qui s’élèvent, pour protester contre un crime horriblement exemplaire, et pour exiger que justice soit faite. Je ne suis pas ici en tant qu’Algérien, ou en tant que Français, mais en tant qu’homme, car le fait d’être un homme, de se vouloir homme, doit primer toute considération d’appartenance nationale ou politique. Certes, comme Algérien, j’ai le devoir de reconnaître et de proclamer que Maurice Audin est mort pour la liberté, pour la dignité, et pour l’indépendance du peuple algérien. De dire que le sacrifice de Maurice Audin engage le peuple algérien à faire figurer son nom parmi ceux des héros qui sont morts pour lui, à honorer sa mémoire et à reporter sur sa femme et sur ses enfants les effets de la dette sacrée qu’il a contractée à l’égard de Maurice Audin. Mais cet hommage d’admiration et d’affection, cet hommage de reconnaissance rendu, je ne me sens pas quitte envers Maurice Audin. Ses bourreaux n’ont pas voulu seulement atteindre leur victime à cause du peuple auquel il s’est identifié, et du parti politique dans lequel il militait.Non, dans la personne de Maurice Audin, c’est l’homme même et les exceptionnelles vertus morales, les qualités souveraines de l’esprit qu’il incarnait, que ses bourreaux ont voulu humilier et réduire. C’est la part la plus précieuse de l’homme, celle qui fait que, selon le mot de Pascal, l’homme passe infiniment l’homme, la part divine de l’homme, qui était visée et niée par les tortionnaires et par les assassins de Maurice Audin. Il est vrai qu’à leurs yeux, un homme comme Maurice Audin, du seul fait qu’il existait, qu’il rayonnait d’une très haute qualité, et qu’il manifestait l’intelligence humaine d’une manière éclatante, il est bien vrai que Maurice Audin figurait un intolérable scandale. Quoi ! La science, les vertus les plus profondes du cœur, le désintéressement, le service des humbles, des déshérités, la fraternité, l’honneur enfin, ce n’était donc pas eux, avec leurs armes, leur idéologie qui les représentaient ? C’était donc cet intellectuel, ce communiste, ce traitre qui incarnait ces valeurs qui définissent la civilisation, et non pas eux ? Avouons que c’était plus qu'ils ne pouvaient tolérer : ce témoin vivant de l’honneur d’être un homme, il fallait, par le mouvement d’une affreuse logique, qu’il disparaisse. Car ils ne pouvaient escompter ni son ralliement, ni sa complicité, ni son silence. Son existence à elle seule portait une terrible accusation contre eux, et contre le système dont ils étaient et demeurent les instruments. D’autant plus qu’Audin, comblé de dons, et qui était appelé aux plus grands offices dans l’ordre des sciences, avait choisi le parti des hommes à qui la qualité d’homme est refusée. Ce choix mettait en péril tout l’édifice éthique, social et politique du colonialisme, en dénonçait les tares, en soulignait l’inhumanité, l’injustice et la précarité. Attester que l’homme a droit au respect, à la dignité, à la culture, au pain, qu’il a droit à une patrie, dans un pays où ces droits élémentaires sont refusés à un peuple depuis 130 ans, c’était bien plus que ne pouvaient supporter le colonialisme aux abois et ses chiens savants et féroces. La cause de Maurice Audin, c’était bien, par delà toute cause nationale et politique, et transcendante à ces dernières, la cause de l’homme, qui proclame que le droit à l’honneur d’être homme est un droit naturel, inconditionnel, et imprescriptible.
Voilà pourquoi le crime fut horriblement exemplaire : un attentat contre l’homme, contre cela qui dans l’homme appartient à chacun et à tous, contre l’honneur de l’espèce humaine tout entière. Ce crime nous avertit qu’aucune limite, aucun tabou, aucun sentiment du sacré, ne borne l’entreprise abominable des tortionnaires à la conscience pervertie. Nous ne devons pas en prendre notre parti. Nous ne devons pas accepter la doctrine des politiques réalistes qui lient l’existence, la généralisation, la systématisation, la codification et l’institutionnalisation de la torture à la guerre elle-même, de ceux qui soutiennent, avec bonne foi, que la guerre explique la perpétuation de la torture. Non, nous devons lutter de toutes nos forces contre la guerre et ses horreurs inutiles. Mais il y a une horreur des horreurs, une abomination des abominations qui s’appelle la torture, contre laquelle la conscience morale doit absolument s’élever. Je dis absolument, car c’est le mal absolu, pour lequel il ne doit y avoir ni indulgence, ni pardon, ni même cette subtile complicité de l’esprit qui s’efforce de comprendre. Je sais bien que la morale, que l’indignation naïve du cœur humain ne sont pas à la mode. Mais je suis de ceux qui n’admettent pas qu’on sépare le domaine de la morale, qui embrasse et règle tout le comportement humain, du domaine de l’action politique. C’est pourquoi, devant vous, et avec vous, je crie ici justice pour l’homme, au nom de l’homme.
1- . Nous ne connaissons pas le lieu où cette conférence a été donnée le 10 décembre 1959. Que soit vivement remercié Pierre Amrouche pour la transmission de ce vibrant hommage à Maurice Audin, un frère de combat.
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