1999. la France a enfin requalifié les “événements” d’Algérie en “guerre”. Florence Dosse, face au silence de son propre père, a voulu se confronter à ce passé. Elle regroupe ici des témoignages d’appelés, de leurs épouses et de leurs enfants. On s’aperçoit alors que ces non-dits s’expliquent non seulement par ce qu’ils ont vécu pendant ces jours sombres, mais aussi par la manière dont la société française a accueilli, puis digéré ce moment peu glorieux de son histoire. Ainsi, les épouses, à quelques exceptions près, ont vu partir leurs maris sans prendre conscience qu’ils partaient non pas pour faire leur service et pacifier une colonie en rébellion mais pour une guerre et son cortège d’atrocités. Quant au retour des appelés, même si certains sont revenus traumatisés, il se fit sans questions, ni interrogations mais plutôt dans l’urgence de commencer enfin leur vie de famille. Le silence s’est alors installé dans l’intimité des familles et la mémoire collective ne s’est réveillée qu’au moment des commémorations. Il a alors fallu que cette guerre soit insérée dans les programmes scolaires pour que les enfants de ces appelés se rendent compte de ce qu’avaient vécu leurs pères et aussi de ce silence dont ils avaient hérité. Ce livre peut être alors une belle occasion pour chacun de ces acteurs d’amorcer enfin, et avant qu’il ne soit trop tard, le dialogue et peut-être d’apaiser ce passé encore sensible et douloureux.
Les héritiers du silence
Enfants d’appelés d’Algérie
Par Florence Dosse
Le silence des morts et des vivants …...........
Livre d'une fille d'appelé née peu après la fin de la guerre, c'est son premier ouvrage et c'est une réussite de mon point de vue.
Essai divisé en trois parties :
La parole des appelés sur la guerre aujourd'hui.
Les femmes : témoins et relais du silence.
Transmission dans les familles : une mémoire seconde, le silence interprété.
De l'embuscade de Palestro qui coutât la vie à 20 soldats français aux barricades et attentats de l'OAS, l'auteur nous explique le cheminement de ses recherches.
Pourquoi cette chape de plomb qui a contraint, volontairement ou pas, le contingent présent en Algérie à se taire ?
Ces jeunes garçons devaient faire leur service militaire, c'était la loi et une étape obligée dans la vie d'un homme. Ici, ce qui n'était qu'une corvée se transformera pour beaucoup en drame. Envoyés pour « maintenir l'ordre » rôle normalement dévolu à la police et à la gendarmerie, ils se retrouvent bras armés d'une guerre coloniale qui ne dit pas son nom ! Et qui pour eux n'a aucun sens ! Il faut un cynisme certain pour faire croire à un jeune français que l'Algérie c'est la France ! Le paysage est différent, ni la langue, ni la religion des autochtones ne sont les mêmes ! Pour sauvegarder cette idée, pendant certaines périodes, 450000 soldats seront présents dont 80% d'appelés en Algérie.
L'auteur appuie où cela fait mal : la torture et les viols, les exécutions sommaires, les exactions, les vengeances et représailles, engrenage de plus en plus violent....quel fut le rôle exact des militaires du contingent ?
Comment la métropole considéra leur rôle, leur malaise devant les anciens combattants, ceux des « Vrais » guerres, qui eux furent des vainqueurs ? La difficulté de se réhabituer à la vie civile, à la famille, l'amertume pour ne pas dire la rancœur de certains qui comparaient (à tort ou à raison) leur sort avec celui des rapatriés pour qui ils avaient peu d'estime.
Une certaine honte aussi, me semble-t-il, contribua à ce repli sur soi-même....cette guerre n'avait rien de glorieuse, la France métropolitaine n'était en aucun cas menacée, l'opinion publique était dans le meilleur des cas indifférente et le plus souvent hostile à la défense de cette province française qui, quoi que l'on puisse y faire, sera indépendante un jour ou l'autre !
Un personnage m'a marqué car il représente pratiquement à lui tout seul ce que l'on peut nommer une victime collatérale de cette guerre. Jean habite dans le Limousin, il travaille ; son salaire permet d’arrondir les fins de mois dans la ferme de ses parents qu'il aide également le soir. Leur vie est simple, mais Jean part en Algérie. Sans son salaire et ses coups de mains, leur situation financière se détériore ; à son retour la ferme est vendue et ses parents ont commencé une nouvelle vie et lui n'a plus ni bien, ni amis...combien seront dans ce cas de figure ?
Les témoignages en particulier ceux de Sabine et d'Anne sont très éloquents ; elles tentent de comprendre, puis d'expliquer le mutisme de leurs pères respectifs.
Un excellent ouvrage très complet et qui aborde dans sa globalité (où du moins, essaie avec un certain succès) le problème des grands oubliés de la guerre d'Algérie, les appelés et ceux qui auront encore moins de chance, les rappelés (les morts de Palestro) qui en avaient fini avec leur temps sous les drapeaux, s'étaient mariés, avaient un travail et des enfants et devaient partir en Algérie pour défendre qui ou quoi !
Une question taraudera la famille : « Mon époux (ou père, ou grand-père) a-t-il tué ? »
Le silence était très certainement la meilleure réponse ou du moins une des options les plus fréquentes.
Extraits :
- Me voir et me nommer « fille d'appelé » a nécessité une prise de conscience lente, insidieuse, progressive.
- Dans les premières années de la guerre, les jeunes soldats étaient essentiellement des paysans et des ouvriers.
- Les appelés ont été pris dans la contradiction d'un vocabulaire en décalage complet avec le vécu. Officiellement, on les a envoyé maintenir l'ordre, politiquement, on ne parlait pas de guerre alors qu'ils en vivaient une ; et, quoiqu'ils aient vu ou fait, on ne parlait pas des exactions vues ou commises puisqu'elles étaient officiellement interdites, bien que couramment pratiquées.
- Le silence a donc commencé sur place : l'armée les faisait taire et leurs proches restés en métropole ne savaient pas vraiment ce qu'ils vivaient.
- C'était bien « leur » guerre qu'ils sont prêts à raconter, et non la guerre dans son ensemble : pour beaucoup d'entre eux, ils la connaissaient d'ailleurs assez mal.
- Les appelés ont pu contribuer à l'installation du silence dans leur propre famille ou au sein même de leur génération.
- « On voyait toutes ces choses absolument horribles de gens abîmés pour la vie, massacrés et blessés, etc. Et vous vous retrouvez à Saint-Germain, la veille du Jour de l'An, avec des gens qui se marrent, qui rigolent. Il y a un décalage fantastique et ce n'est pas tolérable. »
- Les familles des appelés ne furent guère envahies par de lancinants récits d'anciens combattants.
- Force est de reconnaître que, la transmission s'étant peu opérée, un grand flou prévaut.
En conclusion Rémy Serres lui, n’hésite pas à parler, il est vrai que les appelés et rappelés n'ont pas tous vécu la même guerre d'algérie... rappelez-vous…
À Béziers, contre la « Nostalgérie »
voici le remarquable témoignage de Rémy Serres
ancien appelé de la guerre sans nom
Face à cette NOSTALGÉRIE dont l’extrême-droite exploite la mémoire douloureuse, voici le bouleversant récit d’un ancien appelé de la guerre sans nom, un des deux millions de petits soldats qui eurent vingt ans dans les Aurès.
Prenez le temps de partager ce témoignage pour la réconciliation et la fraternisation.
Merci à Rémi Serres, merci aux amis de Béziers !
Par micheldandelot1 dans Accueil le 1 Septembre 2021 à 08:13
http://www.micheldandelot1.com/
Lire certains passages du livre :
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