Tu ne l’as toujours pas deviné ?
Je suis l’ennui… c’est ça.
Comment on me définit déjà ?
Comme une lassitude morale, impression de vide qui engendre la mélancolie.
Comme un embarras qui embarrasse celui qu’il embrasse, comme une œuvre produite par le désœuvrement, comme un sanglot monotone, dira le poète qui ne sait pas ce que veut dire : automne… et qui finit toujours par mourir d’ennui.
Je suis l’ennui…oui… et peut être ton seul ennemi.
Je sais que je suis un peu partout haï.
On voudrait, mais cela ne se pourrait, se débarrasser de moi à tout prix, me chasser de tous les esprits… et contrairement à ce qui se dit, je ne suis pas manque d’intérêt, mais intérêt pour ce qui manque : on réalise soudain qu’on manque de tout et de rien…
Autrement dit que même si on avait tout, on n’aurait rien… que l’avoir ne changerait rien à notre être. C’est le point d’arrivée et le point de départ de notre histoire. Lorsqu’on fait corps avec l’ennui : c’est le point mort.
C’est le jour qui ne voit pas la nuit tomber et la nuit qui ne voit pas le jour se lever.
Fin de tournage… Mirage pour celui qui ne peut plus aller de l’avant, ni retourner en arrière, non plus… condamné à un repli sur soi, enfermé dans sa coquille… vide.
C’est ce qu’on nomme conscience de soi… enivrante et navrante à la fois. Contente et mécontente d’être soi.
Car aucun être n’est habilité à faire quelque chose pour soi…. On nous dit qu’on n’est mieux servi que par soi-même : foutaise ! On n’est mieux servi que par tout autre que soi… prétendre le contraire, c’est se mettre le doigt dans l’œil pour ne pas voir ce que l’on voit.
L’ennui c’est lorsque tu t’aperçois que tu ne peux rien pour toi, ni comme voie de recours, ni comme roue de secours… c’est ça, non ?
L’ennui c’est que tu ne peux pas être pour toi-même un point d’appui ou une position d’abri ou une solution de repli. Figure-toi que c’est toi le souci des soucis… surtout lorsque tu nages à contre courant comme le migrant qui veut traverser l’océan pour retrouver le néant. C’est très éprouvant et non émouvant de bâtir sur des sables mouvants.
Tu t’aperçois que tu n’es pas un empire dans un empire… que tu te subis, que tu ne fais que te subir… et tu finis par ne plus te sentir, ne plus te supporter : c’est ennuyeux… n’est-ce pas ?
Et tu commences à tourner en rond dans ta tour de Babel…
Faute de pouvoir te faire la belle… la belle au bois dormant qui te fuit depuis la nuit des temps.
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