En hommage à Noël Favrelière voici une chanson de Vincent Lietchti,
son père Alban était aussi un déserteur de l’armée coloniale française
Noël Favrelière est mort il y aura 4 ans le 11 novembre 2017
"Mon père m’a emmené, au moment où j’étais rappelé, au train, il m’embrasse en montant sur le marchepied et me dit : ne deviens pas un Boche".
Il a été condamné à mort deux fois pour avoir refusé de se battre à 22 ans et s’être enfui avec un prisonnier algérien : Noël Favrelière est décédé le 11 novembre 2017 à 83 ans.
Profondément marqué par l’Occupation allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, il effectue son service militaire en Algérie avant le soulèvement de la Toussaint 1954, date du début de la guerre d’Algérie.
Choqué par le sort réservé aux musulmans, il écrira dans son livre «Le Désert de l’Aube» (Editions de Minuit) réédité en 2000: «Si j’étais Algérien, je serai fellagha».
Rappelé en 1956, il retourne en Algérie, où il est témoin d’exactions. Dans «Le Désert de l’Aube», il raconte ainsi son refus de laisser un prisonnier du FLN emmené dans une «corvée de bois» (exécution) et sa fuite avec lui dans le désert.
Noël Favrelière se cache alors pendant dix mois et rejoint l’Armée de libération nationale (ALN), la branche militaire du FLN. Condamné deux fois à mort, il revient en France en 1966 à la suite d’un non-lieu, puis travaille comme attaché culturel du ministère des Affaires étrangères à l’étranger.
En 2000, lorsque les généraux Massu et Aussaresses reconnaissent le recours à la torture pendant la guerre d’Algérie, Noël Favrelière signe avec onze autres «grands témoins» un appel, dans L’Humanité, à la condamnation de cette pratique pendant le conflit.
Noël Favrelière fait partie des «Justes d’Algérie» qui ont soutenu les Algériens durant la guerre.
C’était le 28 décembre 2011 que je mettais en ligne cet article sur mon blog :
Noël Favrelière, officier parachutiste et déserteur. Il n’a pas eu d’autre choix que de fuir les troupes françaises.
Noël Favrelière : Je ne comprenais pas que seulement quelques années après s’être libéré des Allemands, après s’être battu, comme l’ont fait mon père et mes oncles par exemple contre les Allemands, on envoie des jeunes couillons de mon espèce se battre contre les gens qui voulaient la même chose, libérer leur pays et obtenir une indépendance. Je trouvais cela absolument injuste.
Et j’étais persuadé que de toute façon l’indépendance était inéluctable. Il y avait la Tunisie, il y avait le Maroc, déjà libres, l’Afrique noire qui remuait ses chaînes, il ne faisait aucun doute que cela ne pouvait finir que comme ça, et le plus vite cela aurait été le meilleur, cela aurait économisé tant de vies.
Pourquoi le Maroc ? Pourquoi la Tunisie ? Oh, si, je le comprenais très bien pourquoi : d’une part il y avait le pétrole, il y avait aussi les riches propriétaires d’Algérie qui avaient tout intérêt à garder les Algériens comme des demi citoyens, au mieux. Vous voyez un petit peu l’intérêt qu’ils avaient à garder l’Algérie telle qu’elle était.
Mon père m’a emmené, au moment où j’étais rappelé, au train, il m’embrasse en montant sur le marchepied et me dit : ne deviens pas un Boche. Lui, il disait ça parce qu’ancien prisonnier évadé puis ensuite Résistant. Puis, le train a bougé, mon père s’est mis à courir et est remonté sur le marchepied et m’a dit : excuse-moi fils, je n’aurais pas dû te dire ça, je sais que tu ne le seras jamais. Il pensait absolument comme moi.
J’étais absolument contre cette guerre. C’était pour six mois disait-on, puis avec les congés, etc. cela aurait été cinq mois, seulement cinq mois ou alors je refusais et je me retrouvais en taule. Alors pour cinq mois, surtout qu’à l’époque il n’était encore pas question d’une guerre, c’était une opération de police, c’est ça : ça ne durera pas longtemps et ce n’est pas méchant, mais dès mon arrivée là-bas, les bavures, comme la mort d’une petite fille, comme brûler une forêt, on allait de bavures en bavures, de plus en plus graves et comme si c’était normal.
On allait devenir des Boches si on s’était laissé faire. Il fallait réagir. Justement, avec les copains, on en discutait, on était tous d’accord et quand moi je proposais de faire une action disons plus collective, je me suis retrouvé tout seul.
Ce qui fait que plus tard, quand j’ai retrouvé un de mes amis à Paris, un peu par hasard, dans une galerie d’art, on a parlé des autres et je lui ai dit : je serais bien heureux, bien content de les revoir, de les rencontrer. Il m’a dit : mais eux, ils ne veulent pas te voir, ils ont hontes d’eux-mêmes parce qu’ils pensaient comme toi mais ils n’ont rien fait. Je ne voyais qu’une chose à faire, c’était de déserter en même temps je sentais ça comme un énorme « Merde » que je criais à l’armée et à cette France colonialiste.
Torture
Noël Favrelière : le déserteur sans haine
Le 3 novembre 2000, (re)paraît, aux éditions de Minuit, le Désert de l'aube, le récit autobiographique rédigé par Noël Favrelière, rappelé en 1956 dans un régiment parachutiste et qui, un jour, déserta... Publié pour la première fois en 1960, l'ouvrage fut aussitôt saisi et sa diffusion interdite. Dédié " à la mémoire " de son " camarade Kakou (Abd El Kader Benazouz) et à tous ceux qui, comme lui, sont morts pour que d'autres vivent libres et en paix ", le Désert de l'aube est une plongée dans l'horreur de la guerre et dans ses aléas - ceux qui conduisirent l'auteur à libérer un jeune militant du FLN blessé pour le soustraire à une exécution sommaire, à " déserter " avec lui pour l'aider dans son évasion, puis, à l'issue d'une fuite d'une semaine dans le désert, à rejoindre l'Armée de libération nationale où il passa dix mois avant de rejoindre Tunis, puis les Etats-Unis. Deux fois condamné à mort par contumace, Noël Favrelière ne put regagner la France qu'en 1966. En 1983, il entra à la direction des Affaires culturelles du ministère des Affaires étrangères, fut directeur de l'institut Nodier à Ljubljana, puis du centre culturel français d'Amman jusqu'en 1995. "T'ai-je souri en retour?", écrit Favrelière à propos d'un jeune soldat français sur lequel il pointe son arme de " déserteur " : " Je ne le sais plus. Mais je t'ai laissé repartir pour rejoindre ceux qui, comme toi, avaient mission de m'abattre... et tu ne leur as rien dit. "
Noël Favrelière (1934-2017) dit Nordine est un sous-officier parachutiste de l'armée française qui, rappelé durant la guerre d'Algérie, déserte en 1956. Il combat durant dix mois dans les rangs de l'ALN. Il est l'auteur d'un récit Le désert à l'aube diffusé par les Éditions de Minuit en 1960 et censuré. Seul déserteur survivant, il a témoigné dans de nombreux documentaires et inspiré de nombreux personnages de déserteur et résistant concernant cette guerre dont notamment le film de René Vautier Avoir vingt ans dans les Aurès (1972). Il fait partie des "Justes d'Algérie" ayant soutenu le combat du peuple algérien pour sa libération. Il est nommé Chevalier de l'Ordre des Arts et des Lettres en 1985. Il décède le 11 novembre 2017 à l'âge de 83 ans
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