“Avec un diplôme, nous ne ferons pas de meilleurs cadavres”
Le fusil remplaça la plume pour la libération de l’Algérie...
La grève illimitée déclenchée par les étudiants et lycéens algériens le 19 mai 1956, au moment où la guerre de libération nationale battait son plein, marque l'apogée de l'expression de l'unité du peuple dans son héroïque combat contre le colonialisme français, a affirmé mercredi à Alger le chercheur en histoire, Mohamed Rebah.
"L'engagement des étudiants et des lycéens aux côtés des paysans dans la lutte pour l'indépendance nationale est l'expression de l'unité du peuple algérien dans le combat", a déclaré, dans un entretien à l'APS, M. Rebah, auteur d'ouvrages de mémoire dont "Des Chemins et des Hommes" et "Taleb Abderrahmane, guillotiné le 24 avril 1958".
Il a rappelé que cette grève illimitée des cours et des examens a été lancée par les étudiants musulmans de l'Université d'Alger, à l'appel de la section d'Alger de l'Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA), pour s'engager pleinement dans la lutte pour l'indépendance nationale déclenchée le 1er novembre 1954.
"La veille, le vendredi 18 mai, ils avaient été appelés à une assemblée générale pour procéder au renouvellement du bureau de section qui s'est déroulée au siège de l'Union générale des travailleurs algériens (UGTA), place Lavigerie (aujourd'hui Cheikh Ben Badis), à la Basse Casbah", a-t-il relaté.
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Il a expliqué qu'une fois les nouveaux membres du bureau élus, un étudiant prit soudain la parole pour appeler ses camarades à quitter les bancs de l'Université et s'engager dans la lutte libératrice.
"Le discours improvisé de ce jeune étudiant suscita une vive émotion. Le débat fut houleux. Quelques étudiants se prononcèrent contre, d'autres pour une grève limitée dans le temps. La proposition d'une grève illimitée l'emporta", a indiqué cet ancien militant de l’Organisation civile du Front de libération nationale (OCFLN) durant la guerre de libération nationale.
La section d'Alger de l'UGEMA expliqua dans un tract, distribué dès le lendemain, les raisons de l'action déclenchée.
"Nous observons tous la grève immédiate des cours et examens, et pour une durée illimitée. Il faut déserter les bancs de l’université pour le maquis.
Il faut rejoindre en masse l’Armée de libération nationale (ALN) et son organisme politique le Front de libération nationale (FLN)", expliquent, en substance, les étudiants dans ce tract.
Les étudiants musulmans en France se mirent également en grève, a noté M. Rebah, ajoutant que "l'évènement fit la UNE des journaux coloniaux, fut suivi durant plusieurs jours par les médias et relaté par la grande presse métropolitaine".
Les lycéens rejoignent le maquis, nombreux tombent au champ d'honneur
Les lycéens avaient également rejoint le mouvement et étaient "plus nombreux" à prendre le chemin du maquis.
"Nombreux sont tombés au champ d'honneur. Parmi eux, un élève de Première Moderne (actuelle 2ème AS) du lycée Bugeaud (Emir Abdelkader aujourd'hui), Pierre Ghenassia, qui prit le maquis dans la wilaya 4".
Le chercheur a cité, à cette occasion, une lettre envoyée par Ghenassia du maquis, le 3 juin 1957, à ses parents, dans laquelle il écrivit : "J'emprunte cette fois-ci l'organisation du maquis pour vous faire parvenir de mes nouvelles qui sont excellentes. Je milite au milieu de milliers de jeunes qui, comme moi, ont rejoint le maquis et, dans un magnifique élan d'enthousiasme, tendent tout leur être vers la réalisation de leur idéal.
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Un véritable esprit révolutionnaire existe et nous marchons infailliblement vers la liberté. J'ai été affecté au service de presse de la wilaya... A bientôt dans une Algérie libre et indépendante, Pierre dit ‘El Hadj’ ".
Pierre Ghenassia est tombé au champ d'honneur, quelques temps après, dans les monts de Blida, au douar Beni Annès, à l'infirmerie de l'ALN dont il était le responsable. Il avait 18 ans.
"Des lycéennes, comme Hassiba Ben Bouali, ont rejoint également la lutte et donné leur vie pour que vive l'Algérie. Il faut noter que les écoliers musulmans observèrent également la grève", a affirmé le chercheur en histoire, pour qui la manifestation organisée le 20 janvier 1956 par la section d’Alger de l’UGEMA, suite à l’assassinat, par les forces coloniales, de l’étudiant Belkacem Zeddour et du docteur Benaouda Benzerdjeb "fut le prélude à la grève générale illimitée déclenchée le 19 mai 1956".
"La grève, dont le FLN, dirigé à Alger par Abane Ramdane, fut le véritable inspirateur de la décision, ne dura, finalement qu'une année scolaire", a-t-il indiqué, notant que le Front de libération nationale ordonna la reprise des études au mois d'octobre 1957.
Publié Le : Mercredi, 19 Mai 2021
https://www.aps.dz/algerie/121951-19-mai-1956-des-bancs-de-l-universite-au-maquis
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