"Yacef Saadi et Zohra Drif arrêtés le 24 septembre 1957, se mettent à table, pas même bousculés, dès leur première audition. Ils vont donner les caches de Ali-la-Pointe, "un dingue de la gâchette" dit Yacef Saadi.
Dans les milieux musulmans, où la nouvelle s'est répandue en quelques heures, « il semble que se manifeste comme une gêne », écrit le correspondant particulier du Monde. On se montre déçu de la faible résistance opposée par Yacef Saadi.
On établit même un parallèle entre sa reddition et le combat qu'ont livré, avant de mourir, ses deux adjoints Mourad et Ramel.
Yacef Saadi, dont l'imagination d'un grand nombre faisait un être insaisissable, est mis, le lendemain de sa capture, dans la villa mauresque d'El Biar, P.C. du régiment étranger parachutiste, en présence des membres de la presse autorisés à le photographier, ainsi que Zohra Drif."
8 octobre 1957 :
"Au cours d'une opération dans la casbah d'Alger une très violente explosion détruit deux immeubles et fait 5 morts. Les paras, sur indication de Yacef Saadi ont découvert la cache d'Ali la pointe. Ali refusant de se rendre, pour l'ouvrir, ils posent une charge de plastic, qui fait exploser tout le stock d'Ali la pointe. Il y a quatre morts, un terroriste, une jeune poseuse de bombe, Ali la pointe, proxénète reconverti dans la pose de bombes et le neveu de Yacef Saadi, Omar. Ali la Pointe fut un ami très intime de germaine Tillon.
D'après des sources ultérieures, en fait l'explosion fit 20 morts, de nombreux immeubles environnant dont les habitant avaient regagné leur domicile s'étant écroulé sous le choc de l'explosion..
Le capitaine Bonnel, ancien du premier REP raconte : "Nous avions dans ma compagnie un officier de police adjoint, S. Pied-noir d'Alger, c'est un ami d'enfance de Yacef Saadi, avec qui il a joué au football, dans le même club, en d'autres temps. Même avant l'arrestation de Yacef, il lui arrivait de rendre visite à la mère de ce dernier. Le 7 octobre, donc, deux semaines après la capture de Yacef, S ... obtient l'autorisation de conduire la mère auprès du fils. Que s'est-il passé pendant cette entrevue? S ... n'a jamais donné beaucoup de détails. Toujours est-il que Yacef Saadi lui indique la seule cache inviolée de la Casbah, disant qu'Ali la Pointe n'a pu se réfugier qu'à cette adresse-là, 5, rue des Abdérames. En revanche, il demande la vie sauve pour Ali, et surtout, pour son neveu, Omar. La rue des Abdérames est en haute Casbah.
Le soir même, l'opération est menée, de façon classique. Quartier cerné, îlot contenant la cache investi par la 2e compagnie de combat. On fait évacuer la population des maisons comprises dans l'îlot. Il est minuit. Nous menons toujours nos opérations après l'heure du couvre-feu. Revêtu d'une djellaba dont le capuchon lui recouvre en partie le visage, Yacef Saadi est mené, en grand secret, 5, rue des Abdérames. Il entre dans la maison vidée de ses habitants, se dirige au premier étage, nous fait déplacer un divan et nous montre, sur le mur, la trace de l'entrée de la cache, un rectangle d'environ 40 cm sur 50. En réalité, il ne fait que confirmer, par les gestes, ce qu'il a déjà dit à S ... Nous le gardons à proximité pour qu'il nous serve éventuellement d'intermédiaire, dans nos conversations avec Ali. Le régiment est, à cette époque, sous les ordres du commandant Guiraud, adjoint du colonel Jeanpierre, blessé lors de l'arrestation de Yacef, le 24 septembre. Ali la Pointe a la réputation, réputation qui nous a été d'ailleurs confirmée par les interrogatoires de Yacef, d'être courageux et même féroce comme un fauve. Il possède, dans sa cache, de l'armement et quatre bombes. Que va-t-il faire? nous essayons d'abord de parlementer avec lui. Nous frappons à la porte de la cache et nous lui parlons à l'aide d'un mégaphone:
- Rends-toi, Ali, c'est fini, Yacef est ici, nous te promettons la vie sauve.
A son tour, Yacef lui répète en gros ce que nous venons de dire. Mais c'est le silence complet. Silence qu'explique peut-être l'épaisseur du mur de la cache. Nous répétons notre appel à plusieurs reprises. Craignant une réaction désespérée d'Ali, nous faisons évacuer le bâtiment par tous les légionnaires qui ne sont pas absolument utiles. Ne restent dans la maison que les officiers de renseignements nous sommes deux - et le capitaine commandant la 2e compagnie de combat. Après plusieurs tentatives de prise de contact avec Ali la Pointe, il nous faut prendre une décision. Maintenant, le bouclage de l'îlot s'est desserré, seule la maison du 5, rue des Abdérames est tenue solidement. Il est fort probable que les populations évacuées en ont profité pour réintégrer leurs maisons en douce. Dans les maisons de cet îlot, il y a celle de Yacef Saadi, celle d'Amar Ouzegane.
Parmi les officiers participant à l'opération, deux tendances:
1) Faire sauter la cache, solution qui évite d'exposer la vie de légionnaires pour un assassin qui, pris vivant, a toutes les chances, comme Yacef Saadi, de sauver sa tête. On ne pourra jamais parlementer avec Ali la Pointe;
2) Essayer de forcer l'entrée de la cache à la pioche. C'est un risque énorme, chacun se rappelant, d'ailleurs, la défense de Mourad et Kamel, responsables F.L.N., cernés dans la Casbah, impasse Saint-Vincent-de-Paul, le 27 août, et qui n'avaient pas hésité une seconde, se sentant pris au piège, à abattre un adjudant et un caporal-chef de la compagnie du 9e zouaves cantonnée dans la Casbah, avant d'user des bombes dont ils disposaient contre le 3e R.P.C., qui cernait leur cache. Pour nous, de grosses pertes sont possibles, en dépit du rapport des forces, compte tenu de l'entrée de la cache d'Ali.
Finalement, le commandant Guiraud décide de prendre une demi-mesure qui consiste à faire sauter la paroi qui obstrue cette entrée avec une ou deux mines ruches. Celles-ci perceront la cloison sans faire exploser les bombes, et les occupants de la cache ont une chance de n'être que choqués par l'explosion. Un élément du génie est alors appelé. Heure H : 5 heures. Un groupe de sapeurs vient se mettre à la disposition du capitaine commandant la 2e compagnie de combat. (...) L'explosion est d'une violence inouie. (...) A moins qu'Ali la Pointe n'ait possedé d'autres explosifs qu'il ne nous avait pas signalé à travers sa correspondance avec Safi. C'est en tout cas cette version que je vais porter au P.C. du corps d'armée d'Alger, et que l'officier de presse donnera aux journalistes."
Par Khidr Ali| 20 Janvier 2016
https://www.algerie1.com/actualite/quand-yacef-saadi-montra-aux-paras-la-cache-de-ali-la-pointe-et-hassiba-benbouali
Yacef Saadi, une taupe de luxe?
Le Front de libération nationale n'est constitué que de groupuscules disséminés sur tout le territoire en ce mois de Mai 1955, et d'une représentation extérieure qui, au Caire, ne donne aucune nouvelle. Il s'agissait pour Abane d'unifier et d'établir des liaisons entre les différents responsables. Pour l'instant, l'Aurès était privé de chef. Ben Boulaïd était en prison, et son successeur, Chihani Bachir, aux prises avec le gros de l'armée française, ne donnait aucune nouvelle; le Constantinois était muet. Ni Didouche ni ses adjoints Zighout Youssef et Lakhdar Ben Tobbal n'avaient établi la liaison; Ben M'Hidi, le patron de l'Oranais, avait gagné l'extérieur, laissant à Boussouf la direction de la région. Mais pouvait-on appeler cela une région ? Il n'y avait ni hommes ni armes. Trouver des armes c'était le but du voyage de Ben M'Hidi au Caire. Boussouf, d'après les rares nouvelles qu'on en avait, faisait de même au Maroc dans la région de Nador. Seuls l'Algérois et la Kabylie était régulièrement reliés à Alger. En accord avec Krim, Abane décida d'envoyer Yacef au Caire.
«Tu vas un peu les secouer, recommanda-t-il au jeune boulanger, tu vas leur expliquer nos besoins. Eux là-bas ne vivent pas dans la clandestinité, tout doit être plus facile qu'ici. Et il nous faut des armes. Vite.
- Comment vais-je les trouver ? demanda Yacef.
- Tu vas passer par Paris. Tu verras là-bas Ali Mahsas qui est en contact avec eux. Tu en profiteras pour sonder un peu le bonhomme et voir de quel côté il se dirige. Car pour l'instant il n'a pas l'air très enthousiaste pour rejoindre nos rangs. »
Abane précisa ensuite à Yacef le sens politique de sa mission. Expliquer et faire admettre à Ben Bella, Khider, Ait Ahmed et ceux qui les avaient rejoints la priorité de l'intérieur sur l'extérieur.
« II faut bien qu'ils se mettent dans la tête que c'est nous qui, ici, commandons. Leur rôle est de nous fournir des armes et de nous faire connaître au monde. Il faudra tout de même les féliciter pour Bandoeng. Mais les armes... les armes... C'est pour l'instant le plus important. »
Le 8 mai, Yacef prit l'avion pour Paris.
Lorsque Yacef arriva à Paris, il prit dabord contact avec Terbouche, puis avec Mahsas, la Fédération comptait 2 000 membres! Mais il y avait déjà des tiraillements internes. Terbouche informa Yacef de sa décision de faire sortir Mahsas.
« Je le trouve négligent, inefficace, expliqua-t-il, de plus il voit des flics partout. Peut-être, en sécurtié, sera-t-il plus efficace; moi, ici, je n'en veux plus. Qu'il rejoigne son ami Ben Bella.»
Mahsas, qui avait réellement échappé à deux souricières tendues par la D.S.T. autour de boîtes aux lettres dont les adresses avaient été découvertes sur Bitat à Alger, et qui se savait recherché par le M.N.A., ne demandait pas mieux que de rejoindre «l'extérieur». Il accompagna Yacef Saadi à Zurich, où Boudiaf l'attendait à l'hôtel Couronne.
Yacef remit à Boudiaf un rapport écrit de Terbouche sur la situation en France, et ou déconseillait en outre à Boudiaf de venir à Paris. « Les nôtres sont beaucoup trop bavards, écrivait-il, tu es très connu et recherché. Tu te feras prendre tout de suite. »
« Terbouche a fait là-bas du bon travail, confia Boudiaf à Yacef. Mais il est expéditif! Dans son rapport il me suggère ni plus ni moins que la liquidation de Messali qui est en résidence surveillée à Niort, Il me dit "Ce sera facile. Il reçoit beaucoup et les flics lui foutent une paix royale!" »
Yacef commenta la sentence de mort prononcée par le M.N.A. contre Terbouche et Mahsas et en profita pour mettre Boudiaf au courant de l'offensive que lançait le M.N.A. en Algérie.
«Il va falloir s'occuper sérieusement d'eux, conclut Boudiaf. Maintenant passons à nos affaires.»
Yacef expliqua à Boudiaf la nécessité de contacts sérieux et réguliers entre Le Caire et Alger, et surtout ce que les chefs du F.L.N. en Algérie entendaient par « primauté de l'intérieur sur l'extérieur ». Boudiaf assura que chacun des membres de la délégation extérieure l'entendait bien ainsi, puis il entreprit de raconter à Yacef l'organisation du travail au Caire et les résultats déjà obtenus. Les deux hommes en étaient là de leur premier entretien qui se déroulait dans la chambre de Boudiaf à l'hôtel Couronne lorsqu'on frappa à la porte.
« Qui cela peut-il être ? dit Boudiaf. Mahsas doit rester à l'hôtel Léonard jusqu'à ce que j'aille le chercher... »
La réponse vint bien vite. « Police. Ouvrez. »
Pour la première fois en ce mois de juin 19S5, les autorités helvétiques intervenaient dans les affaires du F.L.N. Les inspecteurs emmenèrent Boudiaf et Yacef dans les locaux de la police où ils retrouvèrent Mahsas. Les trois hommes restèrent pendant dix jours au siège de la police de Zurich, leurs papiers et documents furent saisis, examinés, eux-mêmes furent interrogés sur leurs activités. Les policiers zurichois s'intéressaient fort aux problèmes d'organisation et de structuration du F.L.N. Ils ne cachèrent pas leur surprise devant la présence de Yacef. Un nouveau nom -jusque-là inconnu- à inscrire sur leurs fiches.
En revanche, Mahsas et Boudiaf étaient pour eux de vieilles connaissances.
Au bout de dix jours, les trois hommes furent relâchés et « conduits à la frontière de leur choix ». Ils étaient indésirables en Suisse.
Boudiaf et Mahsas s'embarquèrent à destination du Caire. Yacef refusa de les suivre. Il voulait regagner rapidement Alger. Il demanda d'être conduit en Belgique. Il pensait ainsi embarquer pour Tanger et gagner l'Algérie par le Maroc. Ainsi il évitait la France qui, depuis l'arrestation de Bitat, devait connaître son existence. Arrivé à Bruxelles, les services de police belges le «prièrent» de de quitter sont sol le plus vite possible. Yacef, décontenancé, prit un avion pour Alger via Paris. Il avait bien l'intention de ne pas sortir de la salle de transit. Ainsi il éviterait les contrôles de police.
Mais Yacef ne pouvait se douter que les services spéciaux suisses avaient «travaillé» avec leurs collègues français, qui avaient eu communication de toutes les photocopies des documents et interrogatoires effectués à Zurich.
Le 26 mai, Terbouche, dont la D.S.T. avait lu le rapport à Boudiaf, était arrêté ainsi que les membres du comité fédéral. La Fédération de France était décapitée.
A son arrivée à Orly, Yacef était «attendu» et immédiatement emmené arreté.
Les policiers suisses n'avaient pas osé directement livrer Boudiaf, Mahsas et Yacef à leurs collègues français, mais ils leur avaient communiqué les destinations de chacun des trois hommes. La Sûreté belge, prévenue du passage de Yacef, l'avait alors expulsé immédiatement. Et le jeune homme, dont c'était la première mission, s'était jeté dans la gueule du loup.
Yacef resta une semaine dans les locaux de la D.S.T. Il avait d'abord nié mais les inspecteurs lui avaient ri au nez. Ils connaissaient son nom et ses contacts avec le F.L.N. depuis l'arrestation de Bitat et le rapport que leur avait adressé Djouden ou l'Adjudant, qui avait livré le chef de l'Algérois. Yacef admit alors avoir logé Bitat, mais affirma qu'il ne le connaissait pas sous ce nom et qu'il n'avait agi que sous la terreur. « On menaçait de me tuer si je ne le logeais pas, expliqua-t-il. Et j'ai eu tellement peur que j'ai pris l'avion pour la Suisse... »
On transféra Yacef à Alger où il répéta sa fable.
La police ne lui reprochait que d'avoir logé Bitat. Et comme celui-ci, sous la torture, n'avait pas dit un mot de Yacef, les services de la D.S.T. n'avaient aucune preuve contre lui. Ils résolurent de «l'utiliser». En le relâchant dans quelques semaines de la prison de Barberousse à Alger, contre la promesse d'informer sur les activités du FLN à Alger, quand les «autres» prendraient contact avec lui.
Les policiers algérois étaient décidés à faire de Yacef un indicateur de choix !
D'ou il va « donner » aux services français tous les messalistes rivaux de la Casbah.
Mais ça ne sera que bien plu-tard, entre temps ce n'est qu'à ce moment que la presse révéla l'arrestation de l'envoyer d'Abane.
L'état-major du F.L.N. à Alger l'apprit par L'Écho d'Alger qui titrait : « Yacef Saadi, responsable du C.R.U.A. d'Alger, a été arrêté. » Les journaux algérois, en juin 1955, n'emploient encore que le sigle C.R.U.A. (Comité révolutionnaire d'unité et d'action) et non celui de F.L.N., qui ne fera son apparition qu'en 1956.
Le commentaire de L'Écho du 9 juin ravit particulièrement Abane, le tout était que Yacef, avec qui Abane ne s'entendait pas très bien -il le trouvait trop indépendant-, ne «s'allonge» pas devant la police! Pour le reste, Abane pensait lui trouver rapidement un remplaçant parmi les chefs des groupes-action qui se formaient à Alger.
Au début de l'été de 1955, Yacef Saadi était placer sous ecrous, et Abane pouvait compter sur sa nouvelle équipe «pensante» importante, car il viens de rallier Feraht Abbas et Ben Khedda. La « chasse aux intellectuels » avait bien rendu. Elle compensait un « coup dur », le premier que subissait Abane à Alger : l'arrestation de Yacef Saadi.
Par aziz3d dans Accueil le 8 Avril 2012 à
http://algerie.eklablog.fr/yacef-saadi-une-taupe-de-luxe-a45793197
Nuances :
Un héros comme on n'en fait plus
Chabane NordinePublié dans La Nouvelle République le 24 - 01 - 2016 https://www.djazairess.com/fr/lnr/250243
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