La polémique créée il y a quelques semaines par l’écrivain algérien Yasmina Khadra au sujet de sa prétendue rivalité avec l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun, continue d’enfler, si bien que plusieurs grands noms de la littérature maghrébine d’expression française ont pris parti dans ce duel, c’est notamment le cas de Salim Bachi, écrivain algérien qui a qualifié Khadra d' »imposture ».
En l’espace de quelques semaines, l’écrivain algérien de son vrai nom Mohammed Moulessehoul, a multiplié ses attaques dans des sorties médiatiques très remarquées.
Après avoir dénoncé son exclusion par les intellectuels algériens et arabes, accusé les écrivains algériens francophones d’être à la solde de la France, et accusé la France à son tour, de surveiller les intellectuels algériens, Yasmina Khadra s’en est pris cette fois à l’écrivain marocain Tahar Ben Jelloun qu’il accuse de l’avoir blacklisté du prix Goncourt.
Les accusations s’enchainent, tout le monde y passe
Fin janvier, l’auteur de « Ce que doit le jour à la nuit » avait en effet confié dans une interview accordée à Sky News Arabia dans l’émission Hadith Al Arab: « Je suis banni par les intellectuels algériens. La France surveille les intellectuels algériens et si quelqu’un défend Yasmina Khadra, il est toute de suite écarté ».
Et d’ajouter: « Je n’ai aucune relation avec les écrivains algériens. Les écrivains arabophones sont sur une voie et les écrivains francophones appartiennent à la France, et moi, je suis au milieu », se détachant de Rachid Boudjedra, Boualem Sansal, Salim Bachi, Kamel Daoud, tous aussi talentueux les uns que les autres.
Mais sa dernière sortie la plus remarquée, c’est celle qu’il a faite sur le plateau de MOE – Maghreb-Orient Express sur TV5 Monde début février, lorsqu’il a affirmé vouloir « crever l’abcès », une histoire qui selon lui, traine depuis 20 ans car les siens « se posent pas mal de questions. Ils commencent à douter » de sa plume, a-t-il déclaré.
« Quand vous avez un écrivain de renom, connu dans le monde entier, prix Goncourt, membre influent de l’Académie Goncourt, qui s’appelle Tahar Ben Jelloun, qui raconte partout depuis 20 ans, de janvier 2001 jusqu’à ce matin, que je suis un imposteur, que ce n’est pas moi qui écrit mes livres, qu’il connait mon nègre (un écrivain sous-traitant qui ne signe pas ses œuvres, ndlr). À travers ça, trouver toutes sortes de diffamations, d’affabulations, d’élucubrations les plus chimériques, alors j’ai écrit ce livre (Le Baiser et la Morsure, ndlr) pour rassurer les miens, ceux qui apprécient mon travail, pour leur dire que vous êtes en train de lire quelqu’un de brave, d’honnête et qui n’est jamais dans la polémique », s’est défendu l’écrivain.
Tellement bas, qu’il n’y a pas de débat…
Pourtant c’est une grande polémique qui a suivi ses accusations motivées, selon lui, par la crise de la pandémie du coronavirus. « À certain moment, on se dit il y a la Covid, peut-être qu’on va mourir du jour au lendemain, il est préférable de crever l’abcès maintenant. Tahar Ben Jelloun est tellement bas, qu’il n’y a pas de débat. Le courage ne connaît qu’un seul ennemi, plus fort que lui, c’est la lâcheté », a-t-il lancé.
Pour Yasmina Khadra, ce serait Tahar Ben Jelloun qui lui aurait bloqué l’accès aux prestigieux jurys littéraires, aux médias, mais surtout au Prix Goncourt, qu’il convoite tant. L’écrivain algérien ne veut pas se contenter de la reconnaissance de ses lecteurs, « ah non, non, ça ne suffit pas », s’était-il exclamé sur MOE.
« Les miens se posent pas mal de questions. Ils commencent à douter. Un bonhomme exclu de l’ensemble des institutions littéraires françaises et des jurys (littéraires). Mon dernier livre, Le sel de tous les oublis, a été bloqué par toutes les télés et radios françaises », a-t-il affirmé.
Folie des grandeurs
Si les talents d’écrivain de Yasmina Khadra ne font aucun doute pour de beaucoup, en témoignent ses nombreuses distinctions ainsi que les chiffres des ventes de ses romans traduits dans plusieurs langues, la modestie, elle, ne fait pas partie de ses qualités.
« A Singapour, mon roman +Les hirondelles de Kaboul+ a été lu plus que dans tous les pays arabes réunis. J’ai cinq millions de lecteurs en France, quinze millions dans le monde, dans 57 pays », a-t-il déclaré en expliquant son choix de ne pas écrire en arabe, estimant qu’il n’est pas connu dans les pays arabes, à partir de la Libye jusqu’au Bahreïn.
Sur Sky News Arabia, Yasmina Khadra a soutenu qu’il est « l’écrivain qui a ouvert à la littérature algérienne le monde entier » se comparant à un « génie ».
« Il n’y a aucun écrivain arabe aussi traduit que moi dans le monde mais je suis peu connu dans les pays arabes. Mes lecteurs au Brésil sont plus nombreux que dans l’ensemble du monde arabe. Cela vous donne une idée de l’intérêt qu’on porte à notre génie », a-t-il encore dit.
Estimant que l’arabe est la langue de la poésie et le français celle du roman, il en a conclu qu’il ne pouvait donc pas être à la hauteur d’Al Mutanabbi (considéré comme le plus grand poète arabe, ndlr), néanmoins, concernant la langue qu’il maitrise, à savoir la langue de Molière, l’Algérien a soutenu que personne ne pouvait être meilleur que lui.
« Je me sens mieux dans le roman que dans la poésie, je ne peux pas être à la hauteur d’Al Mutanabbi. En tant que romancier écrivant en français, je n’ai aucun complexe. Je ne peux imaginer un écrivain qui me dépasse dans le domaine du roman », a-t-il soutenu.
Une honte pour l’Algérie…
Au moment où Tahar Ben Jelloun n’a pas réagi aux accusations de Yasmina Khadra, c’est un autre écrivain qui tranché. « Yasmina Khadra est un écrivain médiocre, il n’a pas besoin de « nègre » (ghostwriter est un meilleur mot ) pour l’être », a asséné Salim Bachi l’un des meilleurs écrivains algériens de sa génération et auteur prolifique.
L’auteur du récit autobiographique « Dieu, Allah, moi et les autres » pour lequel il a reçu le prix Renaudot, a affirmé avoir rencontré à de nombreuses reprises le personnage (Yasmina Khadra) « et il m’a toujours rebuté par ses vantardises jusqu’au point de se comparer à Tolstoï ! ».
« J’ai aussi rencontré à de nombreuses reprises Tahar Ben Jelloun qui m’a toujours témoigné du respect et de l’amitié. Je ne peux pas en dire autant de Khadra ou de Boudjedra par exemple. Je préfère mille fois l’auteur de La nuit sacrée à celui de L’Imposture des mots », a-t-il écrit dans un statut sur Facebook qui est rapidement devenu viral.
Dimanche, Salim Bachi, est revenu à la charge, « encore une fois Yasmina Khadra est un écrivain de gare, et je suis méchant pour les gares », faisant référence à Guy des Cars. « Qu’il soit vendu à dix millions d’exemplaires, traduit en Inuit ou Volapük ne change rien à l’affaire. Votre idole est une imposture », a-t-il fustigé.
Et d’expliquer sa position en commentaires, « ce monsieur s’est fait passer pour une femme pour publier ses premiers romans. Ensuite pour un opposant politique menacé par les l’islamistes pour obtenir l’asile politique en France. Ensuite pour un démocrate alors qu’il a été commandant de l’armée algérienne en pleine guerre civile. Quant à ses livres, ce sont des torchons, et il n’y a rien de plus à en dire ».
« Je suis fatigué de l’entendre pérorer que c’est un génie. Quel foutage de gueule! Il est allé même se comparer à El Moutanabbi, oubliant au passage Mahmoud Darwich, Nizar Al Qabbani et Adonis. C’est une honte pour l’Algérie ce type », a encore critiqué l’écrivain algérien.
01 Mar 2021 à 08:34
https://fr.hespress.com/192164-polemique-avec-tahar-ben-jelloun-yasmina-khadra-genie-ou-grand-imposteur.html
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