Le commandant Azzedine : «J’étais blessé, les chaulet m’ont transporté dans leur 2 cv citroën»
C’est à Palestro (aujourd’hui Lakhdaria) que Pierre et Claudine Chaulet, qui appartenaient au «nidham» depuis décembre 1955, sont venus me chercher, dans leur 2 CV Citroën, alors que j’avais été blessé au combat dans le maquis de la Wilaya IV par une décharge de chevrotine au genou droit, qui m’avait immobilisé. Je me souviens que Mme Claudine Chaulet était enceinte de leur fils Luc.
Ce n’est pas faire offense à mes amis que de dire que j’avais été étonné de voir des «Européens» embrasser notre cause et se ranger de notre côté. J’ignorais alors, que la justesse de notre cause transcendait l’appartenance ethnique, tout comme j’étais alors loin de savoir que le combat que nous venions d’entamer était autrement plus considérable que les exiguïtés communautaires ou religieuses. Bien plus qu’une solidarité circonstancielle ou engagement idéologique, les Chaulet affirmaient leur algérianité par les actes.
Claudine et Pierre me conduisirent à Alger passant les très nombreux barrages filtrants, menaçants et pointilleux de l’armée d’occupation, avec un rare sang-froid. Ce sont eux qui, ensuite, me remirent entre les mains de l’organisation, à Alger. Une fois dans la capitale, qui était en état de siège avec ses rues barrées de herses et ses quartiers compartimentés par les chevaux de frise, je fus conduit à la clinique Verdun (aujourd’hui hôpital Aït Idir), aux limites de la Haute-Casbah, pour y être opéré par le chirurgien Stoppa, assisté de Pierre Chaulet. C’est Pierre qui a habilement subtilisé aux yeux inquisiteurs des infirmières la balle qui m’avait broyé le genou pour la remplacer, d’un geste de prestidigitateur, par un caillou. Aux curieux de toutes sortes, il expliquait que j’étais «le fils d’un riche propriétaire terrien qui avait fait une brutale et douloureuse chute de cheval». Evacué par la suite, pour une convalescence, chez le militant Rebbah Lakhdar, le couple Chaulet venait me rendre visite une fois par semaine pour s’enquérir de mon état.
Ces compatriotes par option qui ont fait «le choix de l’Algérie», comme ils ont titré leur livre(1), ont bravé, en silence, loin de toute publicité, le terrible ordre colonial. Je ne connaîtrai le nom de ces militants qu’une fois que je les retrouvais à Tunis. Leur nom reviendra souvent et toujours lié à ceux de Ben M’hidi, Abane Ramdane, Benyoucef Benkhedda, Krim Belkacem et la liste est longue des responsables du FLN et de l’ALN, au plus haut niveau, qu’ils ont hébergés, transportés, cachés dans la capitale à travers les mailles finement tramées des services de la redoutable police colonialiste. Arrêtés, exilés vers la France, ils ont déjoué la surveillance étroite dont ils faisaient l’objet pour se rendre en Tunisie, rejoindre la Révolution pour poursuivre leur lutte. Tout en exprimant ma solidarité et mon amitié à son épouse Claudine et à tous les siens, je m’incline devant la mémoire de cet inlassable combattant qui figurera, j’en suis sûr, au frontispice d’une page du Grand Livre de l’Algérie.
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