Hervé Gourdel a été assassiné par un groupe terroriste dans le massif du Djurdjura en septembre 2014 / Photo : D. R.
Le procès de l’un des auteurs présumés de l’enlèvement et la décapitation du ressortissant français Hervé Gourdel, en 2014, a été renvoyé jeudi dernier au 18 février par le tribunal criminel d’Alger. Le principal accusé, ramené sur un fauteuil roulant, a refusé d’être jugé sous prétexte qu’«il souffrait de douleurs» à la hanche, alors que la partie civile, représentée par la compagne de Gourdel, s’est déclarée «extrêmement déçue», précisant «ne pas pouvoir subir encore une autre attente».
Il y avait foule, jeudi dernier, devant le tribunal criminel de Dar El Beïda, à Alger. Contrairement à leurs habitudes, les policiers filtraient l’accès et seuls les journalistes et les détenteurs de convocation étaient autorisés à accéder à la salle n°3, où est programmé le procès des auteurs présumés de l’enlèvement et la décapitation du ressortissant français Hervé Gourdel, le 24 septembre 2014, dans le massif du Djurdjura, en Kabylie. Un seul est en détention.
Le nommé Abdelmalek Hamzaoui, identifié sur la vidéo parmi les terroristes qui menaçaient d’exécuter l’otage au cas où la France n’arrêtait pas ses frappes en Irak, avait mené les services de sécurité au lieu d’enterrement de la victime. Hamzaoui est poursuivi avec sept autres accusés, Mohamed Hamzaoui, Abderrahmane Moumen, Karim Mazit, Abderrahmane Charef, Redouane Takbour, Salim Selami, Ahmed Ziane, en fuite, pour «kidnapping», «tortures», «homicide volontaire avec préméditation», «création et organisation d’un groupe terroriste armé», alors que les accompagnateurs du guide de montagne, au nombre de cinq : Karim Oukara, Hamza Boukamoum, Oussama Dehendi, Amine Ayache et Kamel Saâdi, enlevés avant d’être relâchés 14 heures plus tard, comparaissent pour «non-dénonciation de crime» et «non-déclaration de l’hébergement d’un étranger».
Dès 9h30, aussi bien ces derniers que la partie civile, représentée par la compagne d’Hervé Gourdel, Françoise Grandclaude, et son fils venus la veille et assistés par un collectif d’avocats sont là.
Subitement, les gendarmes s’agitent. Ils se frayent un chemin pour laisser passer Abdelmalek Hamzaoui, bien escorté, la tête baissée, assis sur un fauteuil roulant, poussé par un agent de l’administration pénitentiaire jusqu’au box des accusés. Mme Grandclaude détourne le regard. Elle donne l’impression d’éviter le face-à-face avec ce présumé coupable de l’assassinat de Gourdel.
L’accusé ne veut pas parler
La présidente du tribunal fait l’appel des parties. Au fond, Hamzaoui ne semble pas entendre son nom. La juge insiste et lui reste de marbre, puis lui fait signe qu’il n’est pas en mesure de parler. «Cela fait trois jours qu’il a été transféré d’Oran à El Harrach. Il a un problème de douleur à la hanche», déclare une avocate.
La magistrate demande la présence des médecins, qui arrivent en quelques minutes. Alors que Hamzaoui est ausculté au fond de la salle, la juge appelle Mme Grandclaude et son fils. Ils rejoignent la barre au moment où une avocate s’avance. «Mon confrère, qui assure la défense de Hamzaoui, a une affaire à Oran. Il ne peut pas être présent au procès. Nous vous demandons le report», dit-elle à la présidente. Me Rachid Ouali, avocat de la partie civile : «La famille de la victime s’est déplacée de loin. Elle est là. On ne va pas la ramener à chaque fois. Si l’état de santé de l’accusé le permet, nous voulons que l’affaire soit examinée aujourd’hui.»
La juge : «Si les médecins disent que son état de santé ne permet pas qu’il soit jugé, nous nous conformons à leur décision. Il est poursuivi pour des accusations très graves. Nous ne pouvons pas le priver d’un procès équitable.» Me Ouali insiste sur l’examen de l’affaire et sa consœur, qui fait partie de la défense de Hamzaoui, réplique : «Je maintiens ma demande de renvoi…» La présidente hoche la tête comme pour exprimer son refus, mais devant l’insistance de l’avocate, elle finit par fixer la date du procès pour le 18 février, suscitant la contestation de la défense de la partie civile.
Elle se tourne alors vers les médecins et les interroge sur l’état de santé de l’accusé. «Il se portait mal à cause de son asthme, mais il est stable. Nous avons les moyens de le stabiliser à chaque fois que c’est nécessaire», déclare un des médecins. Juste à côté, Mme Grandclaude fixe du regard l’accusé durant un long moment, puis demande la parole à la présidente. Autorisée à s’exprimer, elle déclare : «Je suis extrêmement déçue par ce renvoi.
C’est très décevant. Nous avons attendu ce procès durant longtemps. Nous ne pouvons subir encore une autre attente. Nous voulons en finir avec cette histoire. Nous voulons que ça se termine aujourd’hui. Je ne pense pas pouvoir revenir le 18 février.»
La juge : «Nous avons les moyens pour vous permettre d’assister par visioconférence, au cas où vous ne pouvez pas revenir. Vous devez savoir qu’il y a des choses qui peuvent échapper au tribunal criminel. Un accusé ne peut pas être entendu s’il n’a pas toutes ses capacités physiques et mentales.
Il faut de la patience. D’ici le 18 février, nous pouvons, avec le parquet général, organiser un procès par visioconférence pour vous permettre de suivre et d’intervenir.» La magistrate se tourne vers l’accusé : «Hamzaoui, pourquoi vous ne voulez pas être jugé aujourd’hui ?» L’accusé retrouve la voix. «J’ai été transféré d’Oran par route. Chaque mouvement que je fais provoque une douleur à la hanche. J’ai très mal.» La juge : «Depuis quand souffrez-vous de cette douleur ?» L’accusé : «Depuis 2015.» La présidente demande au procureur général le transfert du dossier médical de l’accusé.
Mme Grandclaude réagit : «Subitement, il est devenu bavard.» L’accusé réplique : «Je ne veux pas être jugé aujourd’hui.» Et Mme Grandclaude de déclarer : «Par principe, je ne reviens pas.» La présidente s’adresse à l’accusé : «Hamzaoui, le procès est renvoyé au 18 février. Que vous parliez ou non, il aura lieu à cette date. Libre à vous de répondre ou pas aux questions du tribunal, mais le procès aura lieu.» L’audience est levée.
Dans le hall, la famille de Gourdel a du mal à accepter ce renvoi. Les conditions d’un éventuel retour le 18 février risquent de ne pas être réunies, nous explique Me Rachid Ouali.
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