S'en souvenir à jamais ! Et c'est même un devoir mémoriel sacré, une forte exigence patriotique. Ne jamais oublier donc, entre autres faits majeurs de la lutte pour l’Indépendance, les grandes manifestations du 27 février 1962 au Sahara qui ont scellé, pour l'éternité, le destin de l'Algérie algérienne, une et indivisible. A l'appel du commandement de la Zone 4 de la Wilaya VI historique, des Algériennes et des Algériens furent alors nombreux à manifester ce jour-là pour soutenir le GPRA et les négociateurs du FLN à Evian. Et témoigner surtout à l'opinion internationale de leur fort attachement à l'indivisibilité de l'Algérie. Ces manifestations furent suivies de celles de Touggourt le 7 mars et de Taïbet le 13 mars de la même année.
Le 27 février, une délégation officielle française était présente à Ouargla pour exprimer la volonté de la France coloniale de diviser l'Algérie en lui soustrayant le Sahara. L'appel du bloc FLN-ALN avait été adressé à la population pour sortir le même jour, date qui coïncidait avec la visite de la délégation française conduite par Max Lejeune, alors député SFIO. Un Max Lejeune adversaire acharné de l'indépendance, et se définissant comme partisan irréductible de l'Algérie dans la République française. Il avait défendu les pouvoirs spéciaux à l’armée et l’ensemble de sa conduite répressive, y compris l’usage systémique et systématique de la torture. Il fut aussi un des responsables de l'arraisonnement de l'avion qui transportait vers Tunis les cinq chefs historiques du FLN, et un des principaux protagonistes de l'expédition coloniale de Suez. L’objectif de cette délégation, qui comprenait aussi des représentants de l'ONU, était de promouvoir la politique de séparation du Sahara du reste du territoire national. Informée de cette manœuvre, la direction du FLN donna alors à la population de la région l’ordre de manifester pour exprimer son attachement à l'unité du territoire et son intégrité, et au-delà, le refus de toute compromission historique. Car compromission il y en a eu avec notamment le projet de De Gaulle de créer un territoire regroupant toutes les tribus touareg de toute la région. Les contacts établis à cet effet avec Mohamed Bey et son frère Moussa (Hadj Akhamokh) n'avaient pas abouti, les deux frères ayant rejeté catégoriquement la proposition gaullienne.
Les forces de répression coloniales utilisèrent alors la force pour tenter de briser la détermination des Algériens à contrarier l'objectif de partition du territoire national. Ce jour-là, sur les terres de la Wilaya VI, la liste des blessés et des martyrs de la guerre de Libération s'allongea un peu plus. Les manifestations du 27 février et celles du 7 et 13 mars 1962 furent ainsi l'expression révolutionnaire des enjeux stratégiques propres au Sahara algérien. Les négociations entre la France et le GPRA échouèrent à plusieurs reprises sur la question du Sahara que la France coloniale tenta de séparer du reste de l'Algérie, de façon à conserver un contrôle direct sur les hydrocarbures. En même temps, garder les bases de Reggane et d'In Ekker, centres d'essais nucléaires aériens et souterrains et de lancement de fusées, par conséquent des éléments fondamentaux d'une force de frappe nucléaire française autonome.
Le général de Gaulle, dans sa volonté de mettre un terme rapide au conflit algérien, finalement trop coûteux pour la France à bien des égards, sera contraint d’abandonner ses prétentions stratégiques sur le Sahara pour mieux sauvegarder les intérêts essentiels de son pays dans l'Algérie indépendante. La France avait pourtant développé une vraie politique saharienne destinée à asseoir durablement sa mainmise sur le Sahara. C'est ainsi que fut créé en janvier 1957 l'OCRS, dont «l'objet est la mise en valeur, l'expansion économique et la promotion sociale des zones sahariennes de la République française, et à la gestion de laquelle participent l'Algérie, la Mauritanie, le Soudan, le Niger et le Tchad». Il y eut même, par la suite, un ministère du Sahara en bonne et due forme, localisé à Paris, et confié d'abord à Jacques Soustelle, puis à Max Lejeune, qui exerça également la fonction de délégué général de l'OCRS.
Une fois au pouvoir, de Gaulle attacha personnellement une très grande importance au Sahara, et en août 1960, il nomma à la tête de l'OCRS Olivier Guichard, un de ses plus fidèles compagnons de la Résistance. Mais c'était sans compter sur le FLN révolutionnaire qui avait affirmé, dès le 20 août 1956, dans la plate-forme de la Soummam, qu'il visait l'indépendance absolue de l'ensemble Algérie-Sahara. Il se montra d'emblée violemment opposé aux principes mêmes de l'OCRS. Les manifestations nationalistes du 27 février, du 7 et du 13 mars 1962 furent, de ce fait, l'apothéose patriotique de cette vigoureuse volonté de ne pas céder une seule parcelle d'un territoire algérien arrosé, en ses quatre points cardinaux, du sang des chouhada.
S'en souvenir à jamais ! Et c'est même un devoir mémoriel sacré, une forte exigence patriotique. Ne jamais oublier donc, entre autres faits majeurs de la lutte pour l’Indépendance, les grandes manifestations du 27 février 1962 au Sahara qui ont scellé, pour l'éternité, le destin de l'Algérie algérienne, une et indivisible. A l'appel du commandement de la Zone 4 de la Wilaya VI historique, des Algériennes et des Algériens furent alors nombreux à manifester ce jour-là pour soutenir le GPRA et les négociateurs du FLN à Evian. Et témoigner surtout à l'opinion internationale de leur fort attachement à l'indivisibilité de l'Algérie. Ces manifestations furent suivies de celles de Touggourt le 7 mars et de Taïbet le 13 mars de la même année.
Le 27 février, une délégation officielle française était présente à Ouargla pour exprimer la volonté de la France coloniale de diviser l'Algérie en lui soustrayant le Sahara. L'appel du bloc FLN-ALN avait été adressé à la population pour sortir le même jour, date qui coïncidait avec la visite de la délégation française conduite par Max Lejeune, alors député SFIO. Un Max Lejeune adversaire acharné de l'indépendance, et se définissant comme partisan irréductible de l'Algérie dans la République française. Il avait défendu les pouvoirs spéciaux à l’armée et l’ensemble de sa conduite répressive, y compris l’usage systémique et systématique de la torture. Il fut aussi un des responsables de l'arraisonnement de l'avion qui transportait vers Tunis les cinq chefs historiques du FLN, et un des principaux protagonistes de l'expédition coloniale de Suez. L’objectif de cette délégation, qui comprenait aussi des représentants de l'ONU, était de promouvoir la politique de séparation du Sahara du reste du territoire national. Informée de cette manœuvre, la direction du FLN donna alors à la population de la région l’ordre de manifester pour exprimer son attachement à l'unité du territoire et son intégrité, et au-delà, le refus de toute compromission historique. Car compromission il y en a eu avec notamment le projet de De Gaulle de créer un territoire regroupant toutes les tribus touareg de toute la région. Les contacts établis à cet effet avec Mohamed Bey et son frère Moussa (Hadj Akhamokh) n'avaient pas abouti, les deux frères ayant rejeté catégoriquement la proposition gaullienne.
Les forces de répression coloniales utilisèrent alors la force pour tenter de briser la détermination des Algériens à contrarier l'objectif de partition du territoire national. Ce jour-là, sur les terres de la Wilaya VI, la liste des blessés et des martyrs de la guerre de Libération s'allongea un peu plus. Les manifestations du 27 février et celles du 7 et 13 mars 1962 furent ainsi l'expression révolutionnaire des enjeux stratégiques propres au Sahara algérien. Les négociations entre la France et le GPRA échouèrent à plusieurs reprises sur la question du Sahara que la France coloniale tenta de séparer du reste de l'Algérie, de façon à conserver un contrôle direct sur les hydrocarbures. En même temps, garder les bases de Reggane et d'In Ekker, centres d'essais nucléaires aériens et souterrains et de lancement de fusées, par conséquent des éléments fondamentaux d'une force de frappe nucléaire française autonome.
Le général de Gaulle, dans sa volonté de mettre un terme rapide au conflit algérien, finalement trop coûteux pour la France à bien des égards, sera contraint d’abandonner ses prétentions stratégiques sur le Sahara pour mieux sauvegarder les intérêts essentiels de son pays dans l'Algérie indépendante. La France avait pourtant développé une vraie politique saharienne destinée à asseoir durablement sa mainmise sur le Sahara. C'est ainsi que fut créé en janvier 1957 l'OCRS, dont «l'objet est la mise en valeur, l'expansion économique et la promotion sociale des zones sahariennes de la République française, et à la gestion de laquelle participent l'Algérie, la Mauritanie, le Soudan, le Niger et le Tchad». Il y eut même, par la suite, un ministère du Sahara en bonne et due forme, localisé à Paris, et confié d'abord à Jacques Soustelle, puis à Max Lejeune, qui exerça également la fonction de délégué général de l'OCRS.
Une fois au pouvoir, de Gaulle attacha personnellement une très grande importance au Sahara, et en août 1960, il nomma à la tête de l'OCRS Olivier Guichard, un de ses plus fidèles compagnons de la Résistance. Mais c'était sans compter sur le FLN révolutionnaire qui avait affirmé, dès le 20 août 1956, dans la plate-forme de la Soummam, qu'il visait l'indépendance absolue de l'ensemble Algérie-Sahara. Il se montra d'emblée violemment opposé aux principes mêmes de l'OCRS. Les manifestations nationalistes du 27 février, du 7 et du 13 mars 1962 furent, de ce fait, l'apothéose patriotique de cette vigoureuse volonté de ne pas céder une seule parcelle d'un territoire algérien arrosé, en ses quatre points cardinaux, du sang des chouhada.
Alors que le rapport de l’historien Benjamin Stora fait couler beaucoup d’encre et suscite des réactions contrastées, l’Association Josette et Maurice Audin poursuit ses actions de rapprochement entre la France et l’Algérie, pour la vérité et pour la justice. Et met en débat ses suggestions.
Les pistes
Dire et partager la vérité sur la colonisation de l’Algérie par la France et les atrocités et injustices commises par celle-ci sur le peuple algérien
Ouvrir toutes les archives relatives à la colonisation et la guerre d’Algérie/guerre d’indépendance algérienne
Continuer à établir la vérité sur les conditions de l’assassinat de Maurice Audin et la disparition de milliers d’Algériens et de Français de cette guerre
Soutenir politiquement et financièrement toutes les initiatives citoyennes de solidarité et d’amitié entre les peuples français et algérien
L’Association Josette et Maurice Audin créée en 2004 à l’initiative du mathématicien Gérard Tronel (ancien membre du comité Audin 1957-1962) s’est donné comme objectifs d’établir la vérité sur les circonstances de l’assassinat de Maurice Audin par des militaires français et sur le lieu où sa dépouille a été enterrée; d’établir la vérité sur la disparition de milliers d’Algériens et de Français pendant la guerre; dénoncer l’utilisation de la torture comme système de terreur à l’égard de la population algérienne et plus largement combattre l’utilisation de la torture contre les peuples dans le monde entier; agir pour la défense des mathématiciens victimes de persécutions et de répression dans le monde entier; renforcer les liens d’amitiés et de solidarité entre les peuples algérien et français, en particulier avec le Prix Maurice Audin de mathématiques.
L’affaire Maurice Audin
Le combat de Josette Audin et de ses enfants, de leurs avocats, de médias, de mathématiciens, d’élus, de militants politiques et associatifs a permis que le 13 septembre 2018 le président de la République Emmanuel Macron reconnaisse la responsabilité de l’État français dans l’assassinat de Maurice Audin et dans la mise en place d’un système d’arrestations, de tortures et d’assassinats, soutenu par l’ensemble des pouvoirs publics à l’encontre des militants de l’indépendance algérienne.
En 2019 un cénotaphe (monument funéraire ne renfermant pas de dépouille) a été inauguré au cimetière parisien du Père-Lachaise, cimetière où les cendres de Josette Audin, disparue début 2019, ont été répandues. Un représentant de l’ambassade d’Algérie en France assistait à cette inauguration. Ce cénotaphe, qui est le seul monument en France dédié à un combattant de l’indépendance algérienne, a donc acquis une position symbolique importante.
Depuis, chaque année, le 11 juin, date anniversaire de l’enlèvement de Maurice Audin, un rassemblement est organisé autour de la famille, des militants de l’Association, des élus locaux, des parlementaires, des mathématiciens, des historiens, et des journalistes.
> Le 11 juin 2021 et les 11 juin suivants, il serait bien que la République française soit représentée au plus haut niveau de son Exécutif à cette cérémonie anniversaire.
> Un nouvel appel à l’ouverture d’archives privées et de collecte de témoignages doit être lancé afin de continuer à rechercher des éléments à propos de l’assassinat de Maurice Audin et du lieu où il a été enterré.
Les disparus
La question des personnes « disparues » comme Maurice Audin entre les mains des forces de l’ordre françaises durant la guerre d’Indépendance algérienne est une préoccupation majeure de l’AJMA.
Celle-ci soutient depuis son lancement en septembre 2018 le travail de recherche mené sur le site www.1000autres.org, qui fait appel à témoignages sur le sort d’un gros millier de personnes victimes de disparition forcée, restées anonymes depuis leur enlèvement par l’armée française à Alger en 1957. Il a reçu des centaines de témoignages qui lui ont permis à ce jour d’identifier 320 disparus définitifs, morts sous la torture ou d’exécution sommaire, leurs corps restant introuvables.
Le 20 septembre 2019, l’AJMA a coorganisé à l’Assemblée nationale une riche journée d’étude impliquant des historiens, des archivistes et des juristes, consacrée à cette question. L’intégralité des communications et débats a été diffusée en ligne. Au cours de cette journée, le projet d’un recours devant le conseil d’État pour obtenir la levée de l’entrave à l’accès à certaines archives concernant les disparitions, recours déposé depuis, avait été débattu et formulé.
> La recherche de ces « disparus » doit être menée beaucoup plus activement qu’elle ne l’a été depuis 1962. Un bilan de l’activitédu groupe de travail dédié depuis 2012 à cette recherche doit être rendu public. Une véritable campagne d’appel au versement dans les centres d’archives publics des archives privées des acteurs de l’époque doit être menée. L’Association contribuera pour sa part à des initiatives et rencontres en Algérie avec des proches et descendants de disparus.
> Soutenir l’idée avancée par Benjamin Stora de reconnaissance de l’assassinat d’Ali Boumendjel [avocat, ami de René Capitant, compagnon du général De Gaulle, défenestré par l’officier français, Paul Aussaresses, en mars 1957, meurtre avoué par le bourreau dans ses Mémoires]. Cette reconnaissance marquerait un pas supplémentaire dans le fait de regarder en face ce passé colonial, comme une suite de la déclaration Audin, en souhaitant que tous les proches et descendants des victimes de la disparition forcée, de la torture et des exécutions sommaires reçoivent aussi cette réparation symbolique qu’elles attendent du crime dont elles ont été victimes. Le site 1000autres.org fournit la preuve de l’importance de cette question des disparus.
> L’État français et l’État algérien doivent coopérer et mettre en place des moyens afin de recueillir des informations pour identifier les tombes et fosses communes, ainsi que des moyens pour l’identification des corps.
Les archives
Bien qu’une communication « de plein droit » découle de la loi en vigueur pour les archives de plus de 50 ans, une instruction interministérielle _IGI _rend obligatoire une procédure de déclassification préalable pour tous les documents classifiés depuis… 1934!
L’effet immédiat de ce texte est d’interrompre brutalement des centaines de travaux de recherche – dont des thèses de doctorat – dans les archives publiques ayant trait à la vie publique de notre pays. Ce sont des décennies couvrant des périodes aussi sensibles que la seconde guerre mondiale, la guerre froide et les conflits coloniaux ou encore Mai 68, qui sont désormais soumises au bon vouloir et aux faibles moyens humains des administrations, ainsi qu’aux longs délais d’échanges entre les services versants et les centres d’archives alors que la loi de 2008 les rend en principe librement communicables jusqu’en 1970.
Cette IGI asservit la liberté de la recherche et porte une atteinte irrémédiable à ce sans quoi il n’existe pas de République démocratique : le respect de la loi. Avec l’IGI-1300, un texte réglementaire se substitue à la loi et va à l’encontre d’un principe fondamental de notre droit intégré à la Constitution « Tout ce qui n’est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu’elle n’ordonne pas » (art. 5 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen, 1789).
Elle contrarie considérablement la réalisation de la promesse du président de la République lors de sa visite à Josette Audin d’une plus grande ouverture des archives de la guerre d’Algérie, notamment concernant les disparus. « Aussi le travail de mémoire ne s’achève-t-il pas avec cette déclaration. Cette reconnaissance vise notamment à encourager le travail historique sur tous les disparus de la guerre d’Algérie, français et algériens, civils et militaires. Une dérogation générale, dont les contours seront précisés par arrêtés ministériels après identification des sources disponibles, ouvrira à la libre consultation tous les fonds d’archives de l’État qui concernent ce sujet ». (Déclaration du président de la République le 13 septembre 2018).
Cette situation soulève une vive protestation d’historiens, français et étrangers, d’archivistes et de citoyens.
> L’Instruction interministérielle doit être annulée, et l’accès aux archives être soumis à la loi de 2008. Des directives du premier ministre et de la ministre de la Culture doivent être données à l’ensemble des administrations détentrices des archives.
> La dérogation générale annoncée par le président de la République le 13 septembre 2018 doit être prise sans tarder.
> La venue en France de chercheurs algériens pour consulter les archives françaises doit être facilitée.
> Le guide des disparus de la guerre d’Algérie doit être complété, remanié notamment en ce qui concerne la période couverte ainsi que sur la nature des disparitions par exemple les cotes d’archives non encore communicables et indiquées dans le guide doivent être rendues communicables par un arrêté de dérogation générale. Le travail du site www.1000autres.org doit être reconnu et aidé par les autorités publiques et une collaboration doit être introduite entre ce site et les équipes des Archives nationales qui ont commencé à établir un Guide des disparus.
Les anticolonialistes en France
Benjamin Stora: « Ces anticolonialistes, intellectuels et militants surtout, sont encore peu connus en France et en Algérie… De Louise Michel à Jean Jaurès ; d’André Breton à François Mauriac ; d’Edgar Morin à Emilie Busquant, la femme de Messali Hadj ; ou de Pierre Vidal-Naquet à Gisèle Halimi, les noms et les trajectoires de ceux qui ont refusé le système colonial doivent être porté à la connaissance des jeunes générations, pour que l’on sorte des mémoires séparées, communautarisées« .
> Promouvoir cette histoire, qui au-delà des noms connus est celle des « soldats du refus« , des éditeurs, des journalistes, des militants politiques ou des manifestants …
Le prix de mathématiques Maurice Audin
En 2004 à l’initiative du mathématicien Gérard Tronel et de l’Association Maurice Audin un prix de mathématiques Maurice Audin a été créé reprenant ainsi l’initiative lancée en 1958 par le mathématicien Laurent Schwartz, président du comité Audin.
La particularité de ce prix de mathématiques est qu’il est attribué (d’abord chaque année et maintenant tous les deux ans) à deux mathématiciens : un Algérien et un Français.
Il est d’une grande valeur scientifique car le jury est composé de mathématiciens de renom, algériens et français, certains titulaires de la célèbre médaille Fields (Pierre-Louis Lions, Wendelin Werner, Cédric Villani, Ngô Bảo Châu). Afin que les lauréats puissent présenter leurs travaux à leurs collègues, ils reçoivent une somme d’argent couvrant les frais de déplacement. Il est soutenu en Algérie par la direction générale de la recherche scientifique et le ministère chargé de la recherche scientifique, en France par l’Institut Henri Poincaré et les sociétés de mathématiques. Ce prix est l’expression d’une volonté de coopération scientifique entre mathématiciens algériens et français.
> Cette initiative inscrite dans la durée mérite d’être mieux connue et valorisée. Des moyens financiers durables [ministère des Affaires étrangères, ministère de l’Enseignement supérieur, …] doivent venir appuyer l’initiative et permettre ainsi de la pérenniser.
> Les chaires de mathématiques Maurice Audin dans les deux pays doivent également être mieux connues et encouragées.
Échanges et liens d’amitiés
Un rapprochement des peuples algérien et français passe par des échanges, échanges réguliers et soutenus dans de nombreux domaines : culturel, scientifique, sportif, associatif. L’accueil réciproque des chercheurs doit être organisé et amplifié.
> Revoir la politique des visas afin de faciliter ces échanges.
> Contribuer à la production d’événements ou de documents, notamment audiovisuels, permettant de faire connaître largement cette histoire et ses enjeux, en particuliers aux jeunes. L’association soutient d’ores et déjà plusieurs projets en ce sens.
Le 4 février 2021
L’Association Josette et Maurice Audin communique cette contribution au président de la République ainsi qu’aux ministres en charge des différents sujets : ministre de la Culture, ministre de l’Enseignement supérieur, ministre des Affaires étrangères, ministre de l’Intérieur.
Ce document est également adressé à l’ambassadeur d’Algérie en France, ainsi qu’à l’ambassadeur de France en Algérie, ainsi qu’à l’ensemble des médias, français et algériens.
Lorsque la situation sanitaire le permettra l’Association organisera des rencontres en Algérie avec des proches et descendants de disparus.
Association Josette et Maurice Audin
c/o Ligue des Droits de l’Homme, 138 rue Marcadet, 75018 Paris.
Le cadavre du colonialisme empuantit toujours l’atmosphère. 😄
Rendez-vous avec l’historien Pascal Blanchard. Il co-réalise un documentaire exceptionnel qui sera diffusé mardi soir sur France 2 : « Décolonisations au pluriel : du sang et des larmes ». Un film événement sur une histoire douloureuse, de souffrances, de violences, de propagande aussi.
Scène du film "De nos frères blessés" de Hélier Cisterne (2020) / Photo : D. R.
Avant-hier dimanche, l’Institut Français d’Oran a abrité une rencontre littéraire autour du roman «De nos frères blessés» de Joseph Andras, qui retrace la vie de Fernand Yveton, ce militant communiste, guillotiné à Alger en 1957 par la France coloniale «pour un crime qu’il n’avait pas commis».
Ce roman, rappelons-le, qui a eu un immense succès de librairie et glané plusieurs prix, est sorti presque simultanément en France et en Algérie en 2016, respectivement aux éditions Acte sud et Barzakh. Ont prit part à la rencontre de dimanche dernier, -qui s’est tenue en visioconférence à travers les 5 Instituts français d’Algérie, et modérée par Sofiane Hadjadj, des éditions Barzakh-, Salah Badis, journaliste, poète, écrivain et traducteur, du français vers l’arabe, de «De nos frères blessés», et Fabrice Henry, comédien et metteur en scène, connu notamment pour avoir adapté le roman d’Andras au théâtre en 2018-2019. Il faut savoir que la veille, soit samedi dernier, le public d’Alger, Oran, Annaba, Tlemcen et Constantine, a eu loisir de voir en avant-première le film adapté du même roman, du réalisateur Hélier Cisterne, qui devait sortir en ce début d’année 2021 en France si ce n’est la crise sanitaire qui a repoussé la sortie en salle aux calendes grecques.
A propos du roman de Joseph Andras, Sofiane Hadjadj dira en prenant la parole qu’il s’agit d’un roman qui revient sur la trajectoire, le profil, la biographie d’un personnage d’histoire, de l’histoire de l’Algérie, de la guerre d’indépendance algérienne, de l’histoire de la colonisation, et ce fait, il traverse plusieurs thématiques. «Il s’agit de Fernand Yveton, qui faisait partie de ces Européens d’Algérie, qui ont pris parti, soutenu, accompagné voir même combattu pour l’indépendance de l’Algérie. La particularité de Fernand Yveton est qu’il était un militant communiste de tradition familiale. Il était ouvrier dans une usine d’Alger et il a tenté d’organiser un attentat, un sabotage de l’usine en y plaçant une bombe. La bombe a été découverte avant même qu’elle n’explose. Il était prévu que la bombe explose le soir pour qu’elle ne fasse aucun dégât humain. La bombe a été découverte et il a été arrêté. Il s’en suivi un procès, du moins un simulacre de procès, dans le cadre de la justice militaire française de l’époque.
On est donc à la fin de l’année 56 et au début de l’année 57, c’est un moment très particulier car on est dans la guerre d’Algérie et plus seulement dans la colonisation. Et au moment où la guerre va s’intensifier et prendre un virage beaucoup plus violent, qui se manifestera symboliquement au printemps 57 par ce qu’on appelle la bataille d’Alger. Aussi, l’histoire d’Yveton prend place à ce moment là, et à la fin d’un procès d’une justice militaire, il va être exécuté et guillotiné. Il y a eu 200 algériens exécutés durant la guerre d’Algérie, et il a été le seul Européen à avoir été guillotiné», résumera-t-il.
En prenant la parole à partir de la France, le metteur en scène Fabrice Henry, appartenant à la compagnie théâtrale Satori, qui produit des pièces engagés et promeut «l’être-semble à travers le théâtre» a avoué ne pas connaître Fernand Yveton avant la lecture du roman de Joseph Andras. «Je ne savais que Fernand Yveton avait existé, j’en ai presque douté en découvrant le livre. C’est donc en plongeant là-dedans que j’ai découvert cet engagement-là d’un français en faveur d’une Algérie indépendante, et ça, c’est quelque chose dont on parle absolument jamais en France. Ce parcours-là m’a intéressé, la grande injustice qui arrive à Fernand Yveton, condamné à mort pour avoir pratiquement rien fait dans la réalité et le fait que ce soit complètement tu, l’attitude mutique de la France à ce moment-là, le fait que ce soit Mitterand qui était garde des seaux à l’époque, ça pose quand même beaucoup de questions sur les politiques qui ont été les nôtres jusqu’à récemment.
Ces personnages-là qu’on a taxé de terrorisme, je trouve ça problématique, car le choix des mots est important : aujourd’hui on ne peut comparer l’action de Fernand Yveton au terrorisme moderne, et pourtant c’est le mot qui a été posé sur son action à l’époque et qui a justifié sa condamnation à mort» Pour lui, le roman de Joseph Andras donne un souffle à l’histoire d’Yveton et d’Hélène sa compagne.
«Sa langue me paraissait faite pour les acteurs, pour être dite et pas seulement lue». Salah Badis, qui avait traduit «De nos frères blessés» en 2017 aux éditions Barzakh, a avoué que dès le début du roman, «par cette pluie franche et fière, non. Une pluie chiche. Mesquine Jouant petit.», il y avait de la fascination. «Traduire ce roman a été pour moi une expérience très forte», a-t-il reconnu avant d’expliquer que chez les traducteurs, toute action de traduction d’un roman, d’une langue vers une autre est préalablement précédé par de lancinants questionnements, à savoir va-t-on être fidèle au texte original ?», car le travail suppose une traduction non pas seulement des mots mais de tout un contexte vers un autre contexte. Le titre proposé en arabe, «3an ikhwanina el jarha» a été sujet d’un grand débat entre l’auteur Salah Badis et son éditeur Sofiane Hadjadj, étant entendu, comme l’a rappelé Badis que le mot frère, qui renvoie à la fraternité, a un grand sens en Algérie.
«Partout où vous allez en Algérie, on vous appellera kho, khouna, akh etc. Ce mot est très utilisé en Algérie malgré les dix années de guerre civile qui ont fait beaucoup de mal à cette fraternité. Ce mot pèse chez les Algériens. Encore fallait-il trouver le bon mot pour le titre. J’ai relu des poèmes et des chants de l’époque de la guerre de libération à la gloire des Moujahidines. A cette époque, le mot utilisé était ‘ikhwan’, aussi j’ai opté pour ce choix. En travaillant dans le livre et en découvrant ce contexte, des années 56-57, juste avant la bataille d’Alger, il y avait bien sûr ce contexte historique et cette charge politique mais en même temps la charge poétique était plus lourde».
Ancien membre de l'état-major de l'Armée de libération nationale, le commandant Azzedine analyse la récente polémique sur la colonisation.
Héros de l'indépendance,
Le commandant Azzedine a rejoint le maquis en mars 1955, à l'âge de vin gt ans.
Il est l'ancien chef du commando Ali Khodja, une unité d'élite de la wilaya 4 (Algérois), et fut adjoint de Houari Boumediène, chef d'état-majorde l'ALN. Arrêté dès 1962 par ses camarades, il a été mis à la retraite à l'âge de vingt-huit ans. Il retrace son parcours dans On nous appelait fellaghas, un livre qui a inspiré le film C'était laguerre,de Maurice Failevic et Ahmed Rachdi.
Comment expliquez-vous le retour périodique des débats sur la colonisation ou la guerre d'Algérie ?
Commandant Azzedine. À chaque tentative de rapprochement entre la France et l'Algérie, chaque fois qu'une volonté politique s'est dessinée pour l'amélioration des relations entre les deux pays, nous assistons à une offensive des nostalgiques de l'Algérie française. Ce n'est pas nouveau. Ce vieux contentieux n'a pas été réglé politiquement.
C'est donc, à mon avis, l'annoncede la signature d'un traité d'amitié qui a suscité des remous en France, avec bien sûr la loi du 23 février, mais aussi, rappelons-le, l'édification, dans certaines villes, de stèles à la gloire de l'OAS.
Que signifie cette sempiternelle litanie ? « Nous avons construit ceci, nous avons fait cela... » C'est vrai. Mais qui a profité de ces réalisations ? Ces infrastructures ont profité aux Européens ! L'école ?
Les Algériens qui poursuivaient au-delà du certificat d'études se comptaient
sur les doigts de la main. Et la plupart d'entre nous n'étaient formés
qu'à des métiers qui pouvaient être utiles au système colonial. L'Algérie n'est pas exempte de réactions d'hostilité au rapprochement entre les deux pays. Certains rétrogrades, ici, voient dans toute affirmation de modernité ou d'ouverture sur la culture universelle un ralliement à ce qu'ils appellent « hizb França », « le parti de la France ».
Ce traité d'amitié, qui fait actuellement l'objet de pourparlers, peut-il être le socle d'une authentique réconciliation ?
Commandant Azzedine. Ce que nous demandons, aujourd'hui, c'est simplement que l'on nous considère comme un peuple qui a acquis son indépendance. Cette indépendance, nous l'avons arrachée. Elle ne nous a pas été octroyée, comme le prétendent certains. Grâce au fusil de chasse, à nos actions politiques et diplomatiques, et au sacrifice de notre peuple, nous avons contraint le pouvoir colonial à s'asseoir autour de la table de négociation.
Il a fallu près d'un demi-siècle pour quela France ne parle plus officiellement d'« événements » mais bien de « guerre ». Mais les obstacles à une véritable réconciliation et à un travail de mémoire digne de ce nom existent des deux côtés de la Méditerranée. Je me souviens d'uneinterview du général Bigeard parue,au début des années quatre-vingt, dans l'hebdomadaire Algérie Actualités. Bigeard, interrogé sur la liquidation de Larbi Ben M'Hidi, assurait alors l'avoir remis au pouvoir politique. Pour moi, c'était l'aveu, très important,que la torture était institutionnalisée.
Cet entretien a provoqué un tollé :
la polémique portait sur le simple faide donner la parole au général Bigeard.
Je fus alors l'un des rares à défendrele principe de cette interview, même si je n'étais pas d'accordsur la forme,qui apparaissait à l'avantage de Bigeart.
Vous dites souvent ne nourrir aucune rancune à l'endroit de la France. L'engagement de Français à vos côtés dans le combat pour l'indépendancea-t-il compté ?
Commandant Azzedine. Incontestablement. L'honneur de la France a été sauvé par les objecteurs de conscience, par les porteurs de valises, par mes camarades communistes, en Algérie comme en France. Notre guerre de libération nationale, que je préfère appeler révolution, n'était pas une guerre religieuse. Il y avait, dans les rangsdes combattants, des athées, des communistes, dont certains, comme Fernand Yveton, ont été guillotinés. Je pense aussi à Maurice Laban, tombé au maquis dans les Aurès, à Maurice Audin, disparu. Je tiens à leur rendre hommage aujourd'hui. Ce sont eux qui ont sauvé les grandes valeurs de la France de 1789et qui nous font aimer ce pays.
La jeunesse algérienne s'intéresse-t-elle suffisamment, à vos yeux, à cette histoire coloniale ?
Commandant Azzedine. C'est l'un des reproches que je fais au pouvoir, qui n'a tenu aucune des promesses faites lorsdu déclenchement de la lutte arméeet au congrès de la Soummam en 1956. L'histoire de notre pays n'a pas été écrite. Ou alors elle a été écrite avec une gomme. Aujourd'hui, lorsque vous demandez à un jeune, dans les rues d'Alger, s'il sait qui est le héros de l'indépendance qui a donné son nom à la rue qu'il arpente, le plus souvent il l'ignore. Nos jeunes, même s'ils s'y intéressent, ne connaissent pas assez notre histoire. Le drame de l'Algérie, c'est que le pouvoir n'a jamais voulu d'une authentique écriture de cette histoire. Elle a été tronquée, car elle implique, encore aujourd'hui, des enjeux de pouvoir.
Paul Max Morin est doctorant en sciences politiques à Cevipof-Sciences Po. Dans cet entretien, Paul Morin assure : « En France ce sont les forces conservatrices qui refusent la reconnaissance des responsabilités et des réparations. Elles ont piégé le débat public en se focalisant sur les excuses et la repentance.»
L'Expression: Dans cette tribune, le quotidien algérien L'Expression offre la possibilité aux intellectuels, chercheurs, artistes de revenir sur le rapport Stora sans pour autant se livrer à une exégèse sans contextualisation ni prise de distance. M. Morin, vous avez travaillé sur les Mémoires de la guerre d'Algérie chez les jeunes et vous avez une bonne connaissance des dossiers d'archives de la guerre d'Algérie, nous souhaiterions faire connaître votre opinion sur ce sujet.
Paul Max Morin: En France, on a longtemps dit qu'on ne parlait pas de la guerre d'Algérie. Il s'avère surtout qu'on en parlait, mais pour dire qu'on n'en parlait pas. Les mémoires de la guerre d'Algérie ont longtemps été manipulées politiquement pour en faire un objet sensible et oublié. Ces dernières années, on parle de mieux en mieux de la guerre d'Algérie, un peu moins de la colonisation, même si on progresse. Cette progression fonctionne par paliers au gré des avancées historiographiques et à l'occasion de débats publics (comme le procès de Maurice Papon en 1998, les débats sur la torture en 2000 etc). Le rapport de Benjamin Stora crée une nouvelle occasion publique. Il a le mérite d'ouvrir le débat sur le travail à accomplir, sur ce que serait une juste mémoire. Si des conservatismes existent, ces débats font tout de même progresser la société dans son ensemble. Ce rapport était attendu. Le suivi médiatique est exceptionnel. Tous les journaux, toutes les chaînes de télé lui ont consacré des numéros ou des émissions. Cela témoigne du fort intérêt de la société française pour cette question mémorielle. Cet intérêt tient au fait que beaucoup de personnes sont concernées. 39% des jeunes, aujourd'hui, ont un membre de leur famille ayant un lien avec l'Algérie. Il tient aussi au fait que la société française est à un tournant sur ces questions. Sans que l'on soit capable d'identifier le problème, il y a une attente collective de solutions. Ce rapport s'inscrit dans ce contexte et en cela il peut décevoir car il ne peut satisfaire toutes ces attentes. Il se limite aux questions mémorielles et n'a pas vocation à soigner la société française de son passé. Il faut ensuite garder en tête deux éléments importants. Il s'agit premièrement d'un rapport franco-français qui vise à faire un constat et des préconisations pour la société française. Si bien évidemment le dialogue avec l'Algérie et les Algériens est central dans le processus, il y a aussi tout un travail que la France et les Français doivent faire sur eux-mêmes. Enfin, il s'agit d'un rapport remis au politique. Tout ne sera pas retenu. Tout sera filtré. Car en France, les discussions sur la colonisation et la guerre en Algérie sont une source de clivage politique. Derrière «l'Algérie», les politiques parlent d'identité nationale, d'immigration ou de cohésion sociale. Le rapport a d'ailleurs été commandé juste après les manifestations contre le racisme du printemps dernier. En France, on a tendance à croire qu'en réglant le problème des mémoires de la guerre d'Algérie, on solutionnera tout le reste. Or, la mémoire ne réglera pas tout. Benjamin Stora rend un rapport sur les mémoires de la guerre d'Algérie, pas sur les fractures de la société française, le racisme dans la police ou les discriminations à l'emploi. Il revient au politique de prendre aussi ses responsabilités sur ces sujets et de ne pas confondre travail sur le passé et transformation du présent.
Les préconisations du rapport Stora sont-elles utiles? Sont-elles envisageables pour une réconciliation des mémoires entre la France et l'Algérie ou faudrait-il laisser les choses telles quelles, se faire dans le temps? Oui, elles sont utiles. Elles sont de trois ordres. Un premier bloc concerne les gestes symboliques comme le fait d'honorer l'Emir Abdelkader au château d'Amboise, de panthéoniser Gisèle Halimi, de choisir les dates de commémoration etc. Il faut voir cela comme une boîte à outils pour le politique qui peut y piocher des idées de symboles. Car la politique fonctionne avec ces symboles. Le deuxième bloc concerne les dossiers sur lesquels il faut avancer et trouver des solutions (les archives, les disparus, les cimetières etc). Là ce sont des outils pour accompagner le passage vers l'histoire. Ils vont permettre aux historiens et aux historiennes de mieux travailler et de nous faire encore plus progresser. Ici, la collaboration franco-algérienne est centrale. Le troisième bloc se tourne plus vers l'avenir pour fournir des outils à la société afin qu'elle travaille toute seule: un office franco-algérien pour la jeunesse, des fonds pour traduire des ouvrages dans les différentes langues, une maison d'édition commune, une chaîne de télé etc. Ces outils m'intéressent plus particulièrement car j'étudie les jeunes d'aujourd'hui. Ils pourront s'en saisir pour découvrir leur propre histoire. Enfin, on a beaucoup reproché à Benjamin Stora la question des excuses. C'est un faux procès car cela ne fait aucunement partie des recommandations. En France, ce sont les forces conservatrices qui refusent la reconnaissance des responsabilités et des réparations. Elles ont piégé le débat public en se focalisant sur les excuses et la repentance. Le politique doit maintenant choisir s'il veut aller vers une reconnaissance pas seulement des faits, mais des responsabilités. Car c'est bien la République qui a fait la colonisation, instauré l'Indigénat et le système répressif. Le reconnaître permettrait à la société de comprendre comment elle s'est construite en faisant la colonisation. Cette compréhension systémique permet aussi de saisir les traces avec lesquelles nous vivons encore. La colonisation a produit des institutions et des représentations rarement interrogées. Le processus de reconnaissance et de réparations offre l'occasion de commencer ce travail.
Le rapport de l'historien Benjamin Stora sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d'Algérie suscite des réactions parfois très enflammées tant en France qu'en Algérie. Certains lui font grief d'avoir ignoré tout à la fois la torture pratiquée à grande échelle durant la guerre d'Algérie, l'insurrection des Cheikhs El-Mokrani et Aheddad en 1871 et ses conséquences désastreuses, notamment la déportation de milliers d'insurgés en Nouvelle-Calédonie, la grande révolte de Fadma N'Soumer, les enfumades, l'école quasiment interdite aux indigènes musulmans sous la IIIe République...Doit-on attendre de ce rapport d'être exhaustif et de traiter de toutes les questions litigieuses? Qu'en pensez-vous? Le rapport est forcément incomplet car on ne peut pas être exhaustif sur le sujet. Les expériences de guerre et les mémoires sont très diversifiées. De la conquête à la gestion des harkis en passant par le Code de l'Indigénat, l'enjeu n'est pas de faire la liste de tous les griefs. On en oublierait forcément. Il revient aux historiens et aux historiennes de faire la lumière sur les faits puis aux artistes ou aux sociétés civiles de s'en saisir pour les vulgariser. L'enjeu est donc de les laisser travailler et de leur donner des outils pour le faire. Ainsi, les deux sociétés progresseraient inévitablement vers une meilleure connaissance et compréhension des faits et donc d'elles-mêmes. En ce qui concerne les mémoires, je ne suis pas partisan de ce terme de réconciliation. Les contemporains ne se sont jamais fait la guerre, ils n'ont pas à se réconcilier. Au pire, ils se méconnaissent. Les mémoires ne sont pas non plus en guerre. On a longtemps dit qu'elles étaient antagonistes alors qu'en fait elles sont complémentaires. Pour comprendre cette histoire, les points de vue de l'ensemble des acteurs sont importants. Il n'est pas essentiel d'être d'accord sur tout, mais simplement sur l'essentiel c'est-à-dire le respect de l'Autre et de son histoire, l'écoute et l'empathie. L'important c'est de créer des outils permettant à la société de travailler elle-même, permettant aux mémoires, trop longtemps cloisonnées, de se rencontrer, de dialoguer dans un cadre démocratique et apaisé.
Comment concevez-vous les relations franco-algériennes? Quelles sont d'après-vous les perspectives des approches relationnelles pour les Algériens, les Français et les descendants de l'immigration algérienne? Il faut faire la différence entre la relation d'Etat à Etat que je ne commenterai pas et la relation de société à société. Je crois sentir en France comme en Algérie à la fois une curiosité et un besoin de mieux connaître l'autre pays, de pouvoir assumer une proximité, d'inventer une relation d'égalité débarrassée de l'arrogance et de la rancoeur coloniale. Beaucoup de familles françaises ont un lien avec l'Algérie avec des envies de découvrir cette culture et ce pays. Beaucoup de familles algériennes ont un lien avec la France avec ces mêmes envies. La France a une part algérienne qu'elle a longtemps occultée. Avec toute cette histoire commune, pourquoi n'apprend-on pas l'arabe à l'école? Avons-nous des liens plus forts avec les Allemands? Non, pourtant l'allemand est enseigné dans tous les collèges et lycées de France. Politiquement, il faudrait accompagner ce mouvement, faciliter les échanges de jeunes, l'apprentissage des langues, les échanges scientifiques et culturels, d'où l'importance de cet office franco-algérien pour la jeunesse.
Pensez-vous que les volontés politiques de Paris et d'Alger sont mûres et prêtes à évoluer sur des terrains constructifs pour aboutir à une réconciliation des mémoires des deux rives de la Méditerranée? Sinon, quelles peuvent-être les causes qui bloquent cette histoire de réconciliation? Je ne pense pas que les mémoires des deux rives soient en conflit, elles ont simplement besoin de dialoguer plus que de se réconcilier. Les blocages politiques n'ont rien à voir avec la mémoire. Les politiques l'instrumentalisent pour flatter le sentiment national. En France, le discours sur le refus de la repentance est un discours nationaliste pour empêcher le travail critique sur le passé, mais aussi sur le racisme dans la société française. Le racisme continue de faire des victimes en France. Les discriminations entravent les destins, briment des potentiels. Ces maux sont en partie le produit de la colonisation. Si la société française veut sérieusement se confronter au racisme, elle doit comprendre les mécanismes qui l'ont produit. C'est ce travail qui est empêché par les réactionnaires. Malgré cela, l'égalité progresse.
Les descendants d'immigrés font des études, accèdent à des postes de responsabilité. Ce faisant, ils questionnent les représentations et cela provoque chez celles et ceux refusant l'égalité et l'abandon de leurs privilèges des réactions. Ils inventent des techniques pour délégitimer le travail critique sur le passé et la lutte antiraciste. En Algérie, le pouvoir a aussi depuis longtemps monopolisé l'écriture de l'histoire pour en donner une version simpliste, homogène et parfois fausse. Le régime a construit une mythologie sur laquelle il a fondé sa légitimité. Je crois que l'aspiration démocratique passera aussi par la réécriture d'une histoire conforme à la complexité des identités et des expériences. C'est pour cela qu'on voit ressortir les portraits d'Abane Ramdane dans le Hirak. Les manifestants disent au régime: «Nous savons que vous mentez, le régime que nous voulons est un régime de vérité.» L'enjeu est aussi de comprendre en quoi l'Algérie est plurielle. Elle n'est pas le bloc homogène qu'on a longtemps laissé croire, mais les influences kabyles, juives, françaises, espagnoles etc. sont à redécouvrir. Pour la France comme pour l'Algérie, ce chemin de redécouverte de soi et de l'Autre peut être une entreprise collective enthousiasmante.
Votre thèse Les guerres d'Algérie: enjeux de mémoire dans la socialisation politique des jeunes se propose, comme vous dites, «d'apporter une contribution à la compréhension du rapport des jeunes Français à la guerre d'Algérie et ses mémoires». pourriez-vous nous éclairer sur ce sujet? Je travaille sur les jeunes Français d'aujourd'hui. À la fois ceux qui n'ont aucun lien avec l'Algérie et avec ceux qui ont un lien familial (qui ont des grands-parents immigrés, anciens soldats, harkis, juifs, pieds-noirs, militants du FLN ou de l'OAS). J'essaie de savoir ce que les jeunes connaissent du passé, d'où ils tiennent ces représentations et surtout qu'est-ce qu'ils en font. Est-ce que cela compte dans leur manière de se définir par exemple ou de faire de la politique? En France, la guerre d'Indépendance algérienne se situe au passage des mémoires à l'histoire. Cela veut dire que l'on quitte progressivement le monde des mémoires manipulées et stéréotypées défendues par tel ou tel groupe, pour un rapport plus distant à l'évènement, une simple connaissance et compréhension des faits. Je dis souvent «vous savez les jeunes ils ont TikTok et Insta, la guerre d'Algérie c'est loin». La plupart des jeunes méconnaissent cette histoire et elle n'est pas au centre de leurs préoccupations. Mais ce rapport plus distant permet aussi aux jeunes qui s'y intéressent d'interroger les mémoires intimes. Les barrières qu'étaient les mémoires à vif, les problèmes familiaux tombent. La société française offre davantage d'outils pour accéder aux connaissances. Les personnes peuvent partir à la découverte de leurs histoires familiales par curiosité et sans animosité, simplement pour comprendre leur présence au monde et la société française dans laquelle ils vivent.
Entretien réalisé par Tassadit Yacine et Kamel Lakhdar Chaouche
Cependant que les flots exhalent leurs soupirs, Sur les fûts brisés zigzaguent les hirondelles; Le terrain caillouteux resplendit d'asphodèles Qui naissent au printemps vierges de souvenirs.
Pénétrant de leur or les vagues de saphir, Les rayons moribonds du soleil étincellent Je rêve. Expire au loin le chant des tourterelles Où suis-je ? A Tipaza ? Dans le pays d'Ophir ?
Le soir tombe. La nuit voilera les ruines Mais surgit Séléné, riche en clartés divines Bientôt donc renaîtront tous les dieux disparus,
Et le pas souverain des légions romaines, Et, proches de la mer où chantent les sirènes, L'ombre de Jean Grenier et l'ombre de Camus.
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Jean Bogliolo Professeur de lettres classiques au Lycée Gautier
Les frères Barberousse, Aroudj et Kheireddine à Alger.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj ou es-tu ? Je vis sous les pierres Une prison porte le nom De mon frère Kheireddine Amir el bahr de Metiline
Je suis entouré de gendarmes De soldats, de casernes A ma porte coulent des larmes Dans cette prison il y a mes frères Dans cette prison il y a mes soeurs Djamila, Bittat et Guerroudj Faut-il se taire, il y a mon coeur
Baba Aroudj libéra Alger de la menace espagnole en 1516. Son frère Kheireddine fonda la Régence d'Alger. Les chrétiens le surnomèrent Barberousse. Les Français donnèrent ce surnom à la prison centrale d'alger que les algèriens appelent Serkadji.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? Chômeur nourri de cacahouètes Ivrogne coutois Je regarde d'Orléans Caracoler dos au môle Depuis des ans Menaces au bout de l'épée A ses pieds la nuit Longuement je me receuille Je préfère son socle à la pissotière
Cette statue du duc d'Orléans fut inaugurée en 1866, Place du Gouvernement (aujourd'hui Place des Martyrs) à Alger et déboulonnée après l'indépendance.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj qui es-tu ? Cheikh Halim sans narguillé Savant à court de rimes Sur ma jeune baie Place du cheval je promène Une prostitué de la rue des zouaves Je m'en irai quand ce bey Mécréant sera déboulonné
Cheik Abdelhalim, personnage algérois des années 1930, beau vieillard, révoqué de son poste d'immam par les autorités françaises. Connu pour ses désinvoltures, son esprit caustique et son comportement fantaisiste à l'égard des conventions sociales les plus solidement établis.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj ou es-tu ? J'erre au fond des alcôves fraîches Derrière les chapiteaux corinthiens Du palais vert pour l'été Le temps n'est plus Ou le café raillait le thé Ca sent partout la naphtaline Il y a des képis en vitrine Souvenir des enfumeurs
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? De la petite mosquée je peux te voir Le pavillon ''Coup d'éventail'' Patiente un peu, autre histoire C'est une église sans bail Ou venait prier Massu Les dimanches sans éléctrodes.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? Je mesure l'étendue de leur bêtise Ils ont cloué Hamidou er-Rais Haut sur un mur de La Pointe (en hommage à Ali La Poine?) Ils ont estimé les Racim A la hauteur du chameau Ils méprisent Imrou el Quais. . Hamidou er-Rais, capitaine algérien célébre par ses exploits en mer, commandant de la flotte algérienne, mort en 1815, au cours d'un combat inégal contre une flotte américaine.
Imrou el Quais, célébre poète arabe de la période ante-islamique. en hommage à Ali La Poine?
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj qu'espères-tu ? J'ai vu novembre allumer Les yeux de Lalla Khedidja Au brasier de Chélia J'ai assisté au mariage De Mohamed et de Fatma Qui procréent au son Des zorna crépusculaires J'ai vu planter un décor Vert et blanc sans étoiles argentés J'ai vu le croissant et l'étoile centrale Virer au rouge au feu de la forge La nostalgie du passé N'est pas une marche arrière
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute le coeur Des condamnés à mort Mâa toulu' alfejr Les sanglots des prisonnières Aux matins de guillotine J'écoute le choeur Des cohortes féminines Autour de serkadji Ou êtes-vous heures affolées Réservées au bain au cimetière Aux visites amicales
Baba Arroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute le vent de la mer Les chebecs et les polacs Ont rejoins les amphpores La clameur des dockers Couvre le cri des taifa Et c'est mieuux ainsi
taifa cri de guerre des janissaires mais, ici il a le sens de détermination.
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que vois-tu ? Le ciel est noir de corbeaux Les oreilles se vendent cher Avec les penditifs de Benni-Yenni Icherriden fut déchiré Tagdempt est moins connu qu'Abbo Dure est l'ouvrage qui dure Vendengeurs videngeurs Plus de métier sur l'ouvrage Pleure l'oiseau dans sa cage
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute les mitrailleuses Et leur têtes chercheuses Voici la meute de chiens gras Lachée sur la ville hurlant Ou est le refuge de l'Indépendance?
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? J'écoute le chant
''Min djibalina -de nos montagnes -s'élève la voix -Des hommes libres -Elles nous appelle -Au combat pour l'Istiqlal!'
Baba Aroudj si tu savais Baba Aroudj que fais-tu ? Je suis au terme du voyage Parle, Lis à haute voix Au nom de ton peuple Baba Aroudj Dis à Kheireddine l'amiral Notre dette envers lui Envers Abelkader et Mokrani Les sentiers sont fraternels Qui les ont vu passer Dis notre dette Dis à Kheireddine Nous le soulagerons Du poids des cellules cancéreuses Nous arracherons l'épine Plus enfoncée dans le coeur de la ville Que l'ancien Penon T'en souviens-tu? Dis à Kheireddine Nous donnons son nom, le tien Ceux de Lias et d'Ishaq Fils de Lesbos l'ancienne A des unités navales De l'Algérie libre Baba Aroudj, père manchot Baba Aroudj boukefoussa Dors en paix, ne pleure pas !
Lias et Ishaq, frères de Aroudj et Kheireddine.
😢
Arouj (عروج) ou Baba Arouj (بابا عرّوج)ou Barberousse (بربروس) ?!
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