Au milieu du tourbillon médiatique engendré par le rapport de Benjamin Stora, la découverte fortuite d'une lettre du maréchal Bosquet à sa mère, parlant de mes aïeux de la tribu des Béni Amran, invite aujourd'hui nos contemporains à méditer sur la question de la repentance. Texte de Mezoued Mouloud.
Ce texte est Mezoued Mouloud (mon père)
À l’occasion de la remise du rapport de Benjamin Stora, aujourd’hui, en l’an 2021, il est question de vous et de la repentance pour le mal qu’on vous a fait.
Aujourd’hui encore, 59 ans après l’indépendance, on s’empêtre et tergiverse encore et encore sur les termes… génocide, massacres, crime contre l’humanité…
Au milieu du tourbillon médiatique qui se veut dépoussiérer l’histoire de part et d’autre de la Méditerranée, j’ai fait la découverte fortuite d’une lettre du maréchal Bosquet à sa mère.
Vous ne connaissez peut être pas son nom, mais lui vous connait et… vous vous souvenez certainement de son visage lorsqu’il était aux avant-postes de l’agression contre notre tribu, celle des Beni-Amran, lors de la conquête de l’Algérie.
J’y ai relevé l’hommage qui vous est rendu par votre agresseur pour la défense de votre indépendance restée toujours entière, jamais entamée ;
J’ai entendu vos cris ; vos gémissements me sont parvenus ;
J’ai entendu les hurlements des femmes et des enfants ;
J’ai vu les orphelins en errance ;
Je me suis vu, un siècle plus tard, quittant ma demeure après que nos terres aient été déclarées zone interdite ;
J’ai entendu aussi le maréchal Bosquet dans la solitude de sa tente, reconnaissant la bravoure de ses ennemis, reconnaissant l’abomination de la guerre, se repentant de ses actes… heureusement pour lui que « l’orgueil guérit le cœur ».
Aujourd’hui, j’aimerais partager des extraits de cette lettre, pour vous rendre hommage et pour laisser méditer ceux qui s’opposent à la repentance.
« Chez les Beni-Amran, le 21 mai 1851, lettre à ma mère
Les Beni-Amran sont la plus importante tribu des Kabyles dans les environs de Djidjeli. Nous sommes chez eux depuis le 19. Hier était notre deuxième jour de franche et bonne lutte. C’est ma brigade qui a eu l’honneur d’aller à eux, et je l’ai conduite à la française, corps à corps, au pas de charge. Le terrain et mes braves bataillons nous ont si bien servis, qu’il y a eu plus de quatre cents ennemis tués, tandis que la journée ne me coûte, à moi, que sept hommes. […] Nous sommes rentrés au bivouac chargés des dépouilles et des armes de nos ennemis.
[…]Rentré sous ma tente, je me prends à songer à ces populations Kabyles qui défendent si vigoureusement leur vieille indépendance, qui n’avait jamais été entamée. Je trouve que la guerre est une abominable chose, quand j’entends, de loin, les plaintes et les cris de ceux qui relayent leurs morts et leurs blessés, cris auxquels se mêlent les voix perçantes des femmes et des enfants. Que de veuves, que d’orphelins nous faisons depuis quelques jours pour achever la conquête, pour assurer à la France une gloire de plus, des ressources pour le trop-plein de sa population, enfin pour étendre les limites de la civilisation européenne !
[…] Il y a bien, par-dessus tout cela, un grand sentiment de dignité, d’orgueil national, qui guérit le cœur, car les enfants de la France font ici ce que les conquérants antérieurs n’ont pas osé accomplir. »
Extrait de Lettres du maréchal Bosquet à sa mère 1829-1858, aux éditions Elibron, 2005.
- 1 FÉVR. 2021
- AR ANISS M. MEZOUED https://blogs.mediapart.fr/aniss-m-mezoued/blog/300121/propos-de-la-repentance-lettre-mes-aieux
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