Chanteur, auteur, apiculteur, ancien conseiller municipal, Rémi Fraboulet est la mémoire vivante de Cléguérec. Mais l’octogénaire est surtout un amoureux de la vie qui supporte bon an mal an la crise sanitaire.
L’existence a ceci de merveilleux qu’elle offre d’impérissables souvenirs. Le sourire tendre d’une grand-mère ; le goût du miel sur les lèvres ; la chaleur d’un four à pain ; le chemin qui nous ramène de la guerre ; les dernières vapeurs d’une lampe à pétrole ou bien encore ces routes de campagne que l’on prenait à vélo pour rejoindre les bals d’antan. Ces souvenirs sont ceux de Rémi Fraboulet, l’une des figures de Cléguérec que l’on a rencontrée la semaine dernière.
Le vieux temps
Rémi y est né il y a 86 ans, au bord de la forêt de Toulhouet, « dans une petite ferme aux côtés de trois vaches, deux poules, un cochon et un lapin », se souvient-il. C’était dans les années 30, un temps « où il fallait travailler jusqu’à la mort et où les petits sous étaient comptés, relate le retraité. Maintenant, tout est plus facile, même peut-être un peu trop. Avec les machines, il y a du chômage ! ». Le progrès est semé de ronces et d’épines qui égratignent même les plus optimistes…
Le bel attachement
Lui, a travaillé de ses 14 à 62 ans, rabotant la plus noble des matières : le bois. Menuisier de son état, Rémi a également officié dans le Val d’Oise. 20 ans d’infidélité à Cléguérec ! « Oui, mais nous étions très heureux de retrouver notre ville bretonne ! », tonne cet ancien de la guerre d’Algérie. Car Kleg, c’est toute sa vie.
Moustache blanche lui barrant le visage, Rémi raconte d’ailleurs avoir tout connu ici, comme « les fours à pains des villages qui servaient pendant la guerre », « les premières canalisations d’eau installée dans le bourg » ou encore « la dernière lampe à pétrole que l’on a éteint avec l’arrivée de l’électricité ». Aussi, il a vu cinq maires défiler : le docteur Louis Mayeux, Joachim Le Gal, Jean-Marie Le Guellaut, Pierre Le Clainche, Jean Le Lu et enfin Marc Ropers. Ce dernier ne tarit d’ailleurs pas d’éloges sur ce Cléguérecois bien trempé.
Le multicasquette
« Rémi est un excellent chanteur et un bon joueur de bombarde. Il a également été président du club des retraités et conseiller municipal, détaille le premier édile. Rémi a même écrit des bouquins et répertorié tous les lieux dits de Kleg en Breton ! ». Pas du genre à se hausser du col, l’intéressé acquiesce en étouffant un soupir. « J’ai simplement écrit un ouvrage sur la Thaïlande, tiré à 250 exemplaires et réalisé un dictionnaire français breton tiré, à quatre exemplaires ».
La Covid est une ennemie invisible qui est presque pire que la guerre
Passionné fécond et fin lettré, Rémi rédige encore des articles en breton dans un journal spécialisé. Une passion pour la langue régionale qu’il doit à sa grand-mère maternelle, Jeanne Marie. C’était sa mamie chérie, c’était sa deuxième maman.
Le grand amour
Mais la femme de sa vie, c’est Anne. Elle lui a dit oui en 1959. Ensemble, ils viennent de célébrer leur noce de diamant. Il faut avouer que leur amour est éclatant. « Entre nous, il n’y a jamais eu de dispute, simplement, parfois, une petite remarque ici ou là », sourit cet apiculteur amateur qui, depuis un an, a quand même le bourdon. Car en ce moment, avec la crise, la vie va comme elle peut : cahin-caha. « La covid est une ennemie invisible presque pire que la guerre : avec elle, on a perdu tous nos liens sociaux ! À Noël, nous n’avons pas pu réunir toute la famille. Et les jeunes sont malheureux, ils ne rêvent même plus ! », tance l’octogénaire. Au fait, à son époque, est-ce que les jeunes étaient heureux ? « Non, nous ne l’étions pas. Mais nous n’étions pas non plus malheureux ! ».
Pierre Bernard
Journaliste
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