Il n'est pas nécessaire de présenter Pierre Laffont aux lecteurs qui ont suivi pendant huit ans le déroulement du drame algérien, en tout cas pas aux rapatriés d'Algérie - et singulièrement de l'Oranais - qui ont partagé son destin. Aux autres, rappelons qu'il représenta sa ville à l'Assemblée nationale de 1958 à 1961, et surtout qu'il dirigea jusqu'à sa nationalisation, en 1963, le quotidien le plus influent de l'Ouest algérien, l'Echo d'Oran.
D'origine " pied-noir ", profondément attaché à sa province oranaise, Pierre Laffont n'a cependant jamais été assimilé à ces féodaux de l'Algérie française décidés à défendre leurs privilèges par tous les moyens. Il était certes partisan de l'intégration, mais refusa toujours de cautionner la violence, d'où qu'elle vînt, et eût le mérite, surtout dans les derniers mois, de continuer à exprimer avec mesure des opinions que l'O.A.S. défendait déjà avec d'autres méthodes...
Mais s'il n'a pas cédé aux passions de l'époque et s'il a désapprouvé (tout en les comprenant) les excès de ses concitoyens, Pierre Laffont partage aujourd'hui pleinement la rancœur des rapatriés et des spoliés. Qu'il ait attendu six ans pour témoigner n'atténue en rien la sévérité des jugements qu'il porte sur la politique qui a abouti aux accords d'Evian, ou plutôt à ce qu'il en reste. Et son amertume est d'autant plus grande qu'il s'était engagé plus que d'autres - notamment en jouant le jeu de l'autodétermination (en préconisant, naturellement, la " francisation ", - en sorte qu'il s'est senti davantage trompé lorsque " l'Algérie française " est devenue " l'Algérie algérienne ", puis l'Algérie indépendante.
Pierre Laffont s'est sans doute estimé d'autant plus floué qu'il avait eu le rare privilège de recevoir à deux reprises des confidences du général de Gaulle. Il était peut-être prêt à admettre, en 1959, que " l'Algérie de papa (était) morte ". Mais l'entretien de la fin de 1960 (dont le texte vaut la peine d'être relu) ne pouvait lui laisser soupçonner que des négociations allaient s'engager sans tarder avec le F.L.N., et que " l'abandon " serait bientôt consommé.
https://www.lemonde.fr/archives/article/1968/07/09/l-expiation-de-l-algerie-de-papa-a-l-algerie-de-ben-bella-de-pierre-laffont_3067046_1819218.html
http://jplaffont.photoshelter.com/gallery/ALGERIA/G0000pYoVaxFjLHM/C0000pHF7vaI5RFQ
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