Mahmoud Darwich aec Rita, 1966
Marcel Khalifé (1950, Amchit, Mont-Liban) est un compositeur, chanteur et oudiste libanais, particulièrement connu pour ses interprétations de poèmes de Mahmoud Darwish, palestinien et figure incontournable de la poésie arabe contemporaine.
Parmi ses interprétations, » Rita et le fusil » (ريتا و البندقية) est sûrement l’une des plus poignantes : le poème revient sur l’histoire d’amour (tragique?) qu’aurait vécu le jeune Darwish, musulman palestinien, avec Rita, une juive israëlienne…
« Entre Rita et mes yeux, un fusil
Et celui qui connaît Rita se prosterne
Et adresse une prière
à la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel
Moi, j’ai embrassé Rita
quand elle était petite
Je me rappelle comment elle se colla contre moi
Et de sa plus belle tresse couvrit mon bras
Et moi, je me rappelle Rita
Ainsi qu’un moineau se rappelle son étang
Ah Rita!
Entre nous, mille oiseaux, mille images
D’innombrables rendez-vous
criblés de balles par un fusil
Le nom de Rita prenait dans ma bouche un goût de fête
Le corps de Rita dans mon sang était célébration de noces
Et deux ans durant, je me suis perdue dans Rita
Et deux ans durant, Rita a dormi sur mon bras
Nous prêtâmes serment
autour du plus beau calice, nous brulâmes
dans le vin de (nos) lèvres
et nous ressuscitâmes.
Ah Rita!
Qu’est-ce qui aurait pu éloigner mes yeux des tiens,
Hormis le sommeil
et les nuages couleur de miel,
avant ce fusil ?
Il était une fois
Ô silence du crépuscule
Au matin, ma lune a émigré, loin
dans ces yeux couleur de miel
Et la ville
a balayé tous les aèdes…et Rita.
Entre Rita et mes yeux, un fusil. »
Rita
Romantique avant tout, Darwich n’a jamais eu pour ambition d’être la voix du nationalisme arabe. Lui voulait être un poète de l’amour. La mystérieuse Rita, dont le nom a fait le tour du monde arabe grâce à Marcel Khalifé, est évoquée dès les premiers recueils (La Fin de la nuit, Les oiseaux meurent en Galilée…). En 1995, Darwich raconte enfin l’histoire de cette danseuse juive (nommée Tamar dans la réalité), rencontrée autrefois au bal du Parti communiste israélien, dont il était adhérent. La guerre des Six-Jours (1967) aura eu raison de leur intense idylle… « Entre Rita et mes yeux : un fusil. Et celui qui connaît Rita se prosterne. Adresse une prière. A la divinité qui rayonne dans ses yeux de miel. » Rita incarne l’amour impossible. A travers elle, Darwich, toujours très métaphorique, pleurait à la fois la femme et sa terre bafouée.
L’absente
Opéré trois fois du cœur, Mahmoud Darwich avait pressenti sa mort. De Murale (2003) à Présente Absence (2006), son septième et avant-dernier recueil, il entame un dialogue intime avec elle. L’absente est cette mort qu’il tente d’apprivoiser. C’est aussi l’exilé, le déraciné, l’ami assassiné, l’impossible patrie, dont l’absence, au quotidien, fait présence. S’adressant dans Présente Absence à son moi à différents âges, Darwich fait le bilan poétique d’une vie d’errance et d’espoir : une sorte de testament, publié deux ans avant sa mort. Ecrits dans une prose magnifique (ce qui reste exceptionnel dans son œuvre), ces trente et un poèmes constituent une véritable élégie, entre fragments de mémoire vive et douloureuse mélancolie.
Yasser Arafat, Mahmoud Darwich et Georges Habache en Syrie vers 1980
Mahmoud Darwish - Algerie 1983 محمود درويش في الجزائر
https://www.telerama.fr/musique/les-vers-eternels-de-mahmoud-darwich,-voix-de-la-resistance-palestinienne,n5808949.php
Les commentaires récents