A l’instar de nombreuses autres jeunes filles de sa génération, la jeune Louisa Attouche a choisi le métier d’infirmière.
Outre l’aide qu’elle apporta avec beaucoup de bienveillance à ses concitoyens, elle joua également un grand rôle dans les maquis de l’ALN.
Retour sur une vie d’engagements
Originaire du village de Tibane, dans la daïra de Sidi-Aïch, dans la wilaya de Bejaïa, Fatima Louise Attouche naît le 20 février 1935 à Paris d’un père algérien et d’une mère française. C’est à Sidi Aïch qu’elle grandit et effectue sa scolarité, avant de partir pour Sétif où elle choisit de poursuivre des études d’infirmière. Assidue et appliquée, elle décroche son diplôme en 1953, tout comme son amie, la chahida Malika Gaïd avec laquelle elle nouera une profonde amitié.
En 1956, la jeune infirmière ainsi qu’une autre fille native du même village, en l’occurrence Drifa Attif seront contactées par des membres de l’ALN leur proposant de monter au maquis. Louisa et Drifa acceptent sans hésitation, convaincues qu’elles ont un rôle à jouer dans cette guerre contre l’occupant colonial. Louisa, malgré ses racines françaises du côté maternel, rejette totalement la présence française en Algérie. C’est dans la banlieue de Bejaïa que la jeune femme va entamer son parcours engagé, toute fière de prendre part à l’écriture de cette importante page d’Histoire de son pays, l’Algérie. Si ses parents ignorent tout, au départ, de sa décision, elle leur fera parvenir la nouvelle avec son jeune frère qui l’accompagnait toujours dans ses déplacements. Ne voulant pas avouer qu’elle était montée au maquis de son plein gré, elle demande à son frère de mentir en disant que les moudjahidine l’avaient enlevée. Mais quelques jours plus tard, elle écrit à son père une lettre pour lui expliquer qu’elle avait choisi de s’engager dans la révolution et que cette décision était mûrement réfléchie, voulue et assumée. Toutefois, cette missive sera interceptée par les soldats français qui convoquent alors le père de Louisa pour lui faire subir un interrogatoire dans l’espoir d’en savoir un peu plus sur l’endroit où se trouvait la jeune fille ainsi que le reste des moudjahidine qui l’avaient contactée. Le père refuse de dire quoi que soit, préférant subir les longues séances de torture plutôt que de dénoncer sa fille et trahir la cause algérienne. Il sera alors assassiné ainsi que 74 autres villageois, tous noyés dans un puits.
Ce crime abject et lâche contre de pauvres citoyens ne fera que renforcer la conviction de la jeune moudjahida pour continuer son combat contre les assassins de son père, mort en martyr.
Le 20 août 1956, elle fera partie des rares privilégiés qui auront la chance de rencontrer, lors du congrès de la Soummam, quelques icônes de la Révolution de novembre, comme Amar Ouamrane, le colonel Amirouche, Si M’hamed Bougara, Krim Belkacem et d’autres encore.
Durant ses années au maquis, elle fera d’heureuses rencontres, comme celle d’un médecin, un certain Mazzei Hamid, lui aussi engagé au front. Le couple décide de s’unir pour le meilleur et pour le pire, ils auront un garçon ensemble avant de divorcer, quelques années plus tard.
En 1957, le colonel Amirouche, chef de la wilaya III historique décide d’envoyer en formation en Tunisie les équipes médicales du maquis. Outre Louisa Attouche, les Dr Mustapha Laliam et Nefissa Hamoud – parmi les premiers médecins à avoir rejoint la révolution- font également partie du voyage. Malheureusement, le convoi en question n’arrivera pas à destination puisque sur son trajet vers la frontière Est du pays, il sera intercepté par les forces de l’armée coloniale, au niveau de Bordj Bou Arreridj. Plusieurs arrestations seront opérées. Louisa Attouche sera conduite à Sidi Aïch où les soldats de l’armée française tentent de l’obliger à identifier les moudjahidine de la région. La jeune fille fera preuve de ruse, jurant ne connaître personne et arguant qu’en tant qu’infirmière, elle avait été enlevée mais, qu’au fond, elle n’avait aucun lien avec la révolution algérienne. La jeune moudjahida sera alors soumise à de longues séances d’interrogatoire pour la faire parler, elle sera même interrogée par des journalistes dépêchés à partir d’Alger qui tenteront de lui faire cracher la vérité en lui posant toutes sortes de question piège. Malheureusement pour lui, ils ne parviendront pas à lui soutirer un mot. Déférée au parquet, elle sera jugée et condamnée à 6 mois de prison ferme et transférée à la prison de Sétif.
Après avoir purgé sa peine, dans des conditions difficiles à l’instar des autres condamnés algériens ou étrangers, sympathisants de la cause algérienne, Louisa Attouche est libérée en 1958. Dès sa sortie de prison, elle se rend compte qu’elle est attendue par une Jeep qui la conduit à Saint-Arnaud (aujourd’hui El-Eulma). Là, elle prendra son poste d’infirmière mais sous l’œil vigilent et suspicieux des services de sécurité français.
Bien qu’elle se sait étroitement surveillée et que le moindre fait ou geste peut la renvoyer à la case prison, la jeune femme accomplit son travail avec beaucoup d’abnégation, n’hésitant à enfourcher sa bicyclette pour sillonner les douars et les dechras environnants pour soigner ou aider ses concitoyens. Elle était d’ailleurs surnommé « Louisa l’fermila moullete l’bisclette ».
Un jour, elle est recontactée par les moudjahidine qui lui demandent de leur fournir des médicaments. Avec l’aide du moudjahid Laifa, elle va faire parvenir au maquis des lots considérables de médicaments. Durant ces opérations de détournement de médicaments de la structure de santé où elle travaillait, la jeune femme va rencontrer le Dr Liamine Debaghine dont elle ignorait tout, au début, de son engagement révolutionnaire.
Certains l’accuseront de couvrir le détournement des médicaments, heureusement pour elle, le moudjahid Abdelhamid Lakhehal intercèdera en sa faveur pour rétablir la vérité et expliquer qu’elle travaillait pour la révolution.
Discrète mais non moins efficace dans son engagement en tant que moudjahida, Louisa jouira de la sympathie et de la bienveillance de ses compagnons de lutte qui n’hésitent pas à la mettre en garde contre les dangers qui peuvent attenter à sa vie. Ainsi, un jour, elle réchappera à une mort certaine, après avoir prévenue de ne pas rester chez-elle car un attentat visait le bar mitoyen à son domicile, juste en face de l’église (actuelle mosquée Emir Abdelkader).
Très active et professionnelle, elle intègre l’hôpital d’El Eulma à son inauguration en 1960, devenant ainsi la première infirmière à y prendre ses fonctions et y demeurera jusqu’en 1965, année durant laquelle elle arrête de travailler pour se lancer dans une carrière humanitaire. Toujours sur sa bicyclette, elle sillonne les rues de sa ville ainsi que les routes escarpées des dechras environnantes, aidant les démunies avec bonté, abnégation mais surtout profond respect. Elle sera très appréciée de la population.
En 1976, elle réintègre l’hôpital d’El Eulma qu’elle quittera définitivement en 1991 pour prendre sa retraite.
Lorsqu’on l’invitait à évoquer son parcours révolutionnaire, Louisa Attouche répondait que son engagement était un devoir envers son pays, un pays pour lequel sont morts en martyrs son père et son frère. Quant à sa mère, elle en a perdu la tête suite à la perte cruelle de son époux et de son enfant.
Hassina Amrouni
https://www.lapatrienews.com/portrait-de-la-moudjahida-louisa-attouche-militante-et-humaniste/
Les commentaires récents