Les conquérants de l'impossible
Hier, ils avaient entre 20 et 30 ans, aujourd'hui c'est une nouvelle génération de la même tranche d'âge qui rêve d'une autre Algérie.
Ils avaient entre 20 et 30 ans. La tête pleine d'espoir, les yeux rivés vers l'avenir. Ils souffraient des affres du colonialisme et ne se reconnaissent plus dans le combat de leurs aînés. Les Ben Boulaïd, Krim, Ben M'hidi, Boudiaf, Didouche, Bitat et les autres... ont alors choisi de prendre leur destin en main. Le 1er Novembre 1954, ils décident de lancer ce qui sera l'une des plus grandes guerres de libération de l'histoire de l'humanité.
Avec des moyens rudimentaires, ils avaient pris l'engagement de faire face au plus grand empire colonial de l'époque. Leur détermination, leur fouge et leur génie ont réussi à libérer le pays, après plus de 7 ans de guerre et un million et demi de martyrs. Mais ces jeunes, qui voyaient leurs aînés du PPA se déchirer, ont décidé de s'affranchir pour mener leur propre guerre. Ils croyaient à ce qui semblait être impossible à l'époque, c'est-à-dire une Algérie libre et indépendante. Le 5 juillet 1962, leur rêve devenait une réalité. Ils ont conquis l'impossible, montrant au monde entier que quand la jeunesse algérienne veut quelque chose, elle l'obtient. C'est cette même jeunesse qui, en octobre 1988, a décidé de se libérer cette fois-ci, de la dictature de la pensée unique. Une nouvelle génération est venue prendre le relais de leurs
illustres aînés pour réclamer une République comme dessinée le 1er Novembre 1954, démocratique et populaire. Eux aussi étaient en rupture générationnelle, avec une classe politique représentée par l'ex-parti unique (FLN). Ces jeunes d'Octobre 1988 ont réussi leur révolution en menant l'Algérie au multipartisme, à l'ouverture démocratique et médiatique. Une marche vers l'avenir qui a été perturbée par une décennie noire, marquée par le feu et le sang. Une nouvelle guerre à laquelle la jeunesse algérienne a fait face, avec de jeunes militaires qui sont montés au front. De jeunes militants, artistes, intellectuels, journalistes... ont mené une nouvelle guerre pour une Algérie moderne et démocratique. Les Djaout, Matoub, Hasni et tous ces autres combattants inconnus avaient l'âge des Ben Boulaïd et Krim quand ils ont, eux aussi, décidé de mener une nouvelle guerre pour libérer le pays.
Près de 30 ans après, l'Algérie avait retrouvé la paix. Le pays était un havre de paix, de sécurité et de stabilité. Mais les jeunes Algériens baignaient dans une grande incertitude doublée d'une profonde déception. Une dépression générale régnait dans le pays, gangrené par la corruption, le favoritisme et le clientélisme. La crise économique, qui a pointé le bout de son nez, avait fini par tuer tous les espoirs de cette jeunesse qui empruntait les embarcations de la mort pour pouvoir tout simplement rêver d'une vie meilleure, loin de la discrimination et de l'éternel paternalisme d'une génération qui avait fait son temps. Il y avait une rupture claire avec leurs aînés, complètement déconnectés de la réalité. Députés et élus du peuple sont devenus des instruments au service du président déchu, Abdelaziz Boutefilka.
La jeunesse ne se reconnaissait pas dans cette classe politique et société civile qui voulait faire passer le «5e mandat de la honte». Un certain 22 février 2019, cette jeunesse a décidé de dire «stop» avec une révolution pacifique qui a permis de faire «tomber» l'empire Boutefilka et ses courtisans. Qui aurait dit qu'après 20 ans de règne, on aurait pu déconnecter, faire dégager, de façon pacifique, l'ex-président et ses relais? Qui aurait imaginé, avant le 22 février, en prison, un Ahmed Ouyahia, Abdelmalek Sellal, Amar Ghoul et autres ministres qui ont «monopolisé» le pouvoir durant plus de deux décennies? Le Hirak aura montré que quand la jeunesse algérienne veut, elle peut! Ce sont là de grands moments et des époques différentes, mais le rêve d'un avenir meilleur reste le même. Dans cette nouvelle Algérie, dont le référendum d'aujourd'hui est considéré comme l'acte de naissance, il est primordial que la jeunesse ait une place de choix. Il faut la comprendre, connaître ses rêves et ses espoirs. Elle doit sentir que son avenir se trouve en Algérie, en lui ouvrant les horizons jusque-là bouchés». Le président de la République, Abdelmajid Tebboune, a laissé entrevoir des signes encourageants en facilitant l'entrepreneuriat des jeunes en se lançant dans l'aventure de «l'Algeria start-up». Un fonds spécial a, notamment, été créé. Cela dans l'espoir de faire «émerger» une nouvelle économie où les jeunes seront les seuls maîtres à bord. Mais est-ce suffisant pour cette jeunesse capable de soulever des montagnes? En tout état de cause, la nouvelle Algérie ne pourra pas être construite sans ses...jeunes!
Walid AÏT SAÏD
| 01-11-2020
http://www.lexpressiondz.com/nationale/les-conquerants-de-l-impossible-336998
Les commentaires récents