Les Algériens votaient dimanche 1er novembre à l’occasion d’un référendum constitutionnel visant à solder la séquence du Hirak.
Dans un bureau de vote à Alger, le 1er novembre, à l’occasion du référendum constitutionnel. RAMZI BOUDINA / REUTERS
Agrippée au flanc d’une venelle pentue bordant la rue Didouche-Mourad, au cœur d’Alger, l’école primaire Menani connaît dimanche 1er novembre une activité électorale plutôt poussive. L’établissement, bloc de béton égayé çà et là d’un bananier ou d’une branche d’hibiscus, abrite l’un des 61 000 bureaux de vote ouverts à l’occasion du référendum constitutionnel organisé par le régime afin de neutraliser la dynamique revendicative née du Hirak, le mouvement protestataire qui a ébranlé l’Algérie tout au long de l’année 2019.
« J’ai confiance dans notre président [Abdelmadjid Tebboune] pour régler nos problèmes », clame une électrice septuagénaire, canne à la main. Et quand on lui demande ce qu’elle pense du Hirak et de son appel à boycotter le scrutin, elle lâche tout de go : « On a bien défait le colonialisme, on peut bien venir à bout du Hirak. » « Le président est nouveau, il faut lui donner sa chance », enchaîne une autre dame, le visage enserré dans un foulard aux motifs à fleurs.
Il n’y a pas foule au bureau de vote de Menani. Les électrices – cette aile de l’école est réservée aux femmes – entrent et sortent au compte-gouttes. Les commentaires recueillis reflètent surtout l’inquiétude d’une partie de l’opinion soucieuse de stabiliser le pays après les turbulences des dix-huit derniers mois. Certains votants ne se font pourtant guère d’illusion sur la réalité du changement promis. « Je suis venu voter seulement pour obtenir des papiers administratifs, confie avec une franchise désarmante Halima A. (le prénom a été changé). Si je présente la preuve que j’ai voté, cela facilitera les procédures. » Elle n’est pourtant pas dupe : « Le système ne changera pas, on déplace juste quelques têtes. Ça continuera comme avant. »
Important dispositif policier
A l’extérieur, le long de la rue Didouche-Mourad baignée d’un doux soleil automnal, les forces de l’ordre sont présentes en nombre, fourgons bleu nuit en enfilade et policiers sanglés dans leur tenue antiémeute. Plus bas, au niveau de la place Maurice-Audin comme, un peu plus loin, devant la Grande Poste à l’architecture mauresque – là où a battu le cœur du Hirak – le dispositif policier a quelque chose de dérisoire face à l’indifférence de la foule qui déambule devant les commerces. Il n’y aura pas d’incidents à Alger – contrairement aux petites manifestations qui avaient éclaté samedi dans plusieurs localités de la wilaya (préfecture) de Béjaïa, en Kabylie, où des bulletins récupérés par des militants hostiles au référendum ont été brûlés.
L’enjeu de ce référendum porte avant tout sur le niveau de participation, indicateur qui permettra de crédibiliser ou non la consultation. Si l’arrière-pays rural devrait davantage voter que les grands centres urbains, plus sensibles à l’esprit du Hirak, le régime aura fort à faire pour renvoyer l’image d’un scrutin suscitant l’adhésion générale. « La désaffection populaire [a été] à son paroxysme » durant la campagne, souligne le quotidien El Watan, tandis que les organisations proches du pouvoir donnaient « l’impression de prêcher dans le désert ».
« Une réconciliation de l’Algérie avec ses valeurs »
Les médias officiels n’ont pourtant cessé de répéter que la Constitution révisée accédait aux requêtes du « Hirak populaire originel » et permettrait d’instaurer une « Algérie nouvelle affranchie de l’autocratie ». Le scrutin du 1er novembre – organisé à dessein un jour anniversaire du déclenchement de la guerre d’indépendance contre la France (1954-1962) – est « incontestablement une réconciliation de l’Algérie avec ses valeurs inspirées de Novembre [1954] et renforcées par l’attachement de la jeunesse aux idéaux du Hirak patriotique et civique », écrit ainsi dimanche le quotidien officiel El Moudjahid.
Aux doutes sur la capacité de ce référendum de tourner réellement la page du Hirak s’est ajoutée l’incertitude entourant le sort du président Tebboune (74 ans), hospitalisé le 27 octobre en Allemagne après avoir été vraisemblablement atteint du Covid-19. Un communiqué de la présidence de la République a assuré le lendemain que son état de santé était « stable » et n’inspirait « aucune inquiétude », mais n’a fourni aucune précision sur la nature de l’affection. C’est de son hôpital allemand que le chef de l’Etat a envoyé le 1er novembre un message à ses compatriotes se félicitant de savoir le peuple algérien « au rendez-vous avec l’histoire pour opérer le changement escompté [et] instituer une nouvelle ère ».
01 11 2020
https://www.lemonde.fr/afrique/article/2020/11/01/a-alger-un-referendum-sans-engouement-populaire_6058113_3212.html
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