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Rédigé le 18/10/2020 à 09:43 dans Culture, Guerre d'Algérie, Histoire, Poésie/Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
L’Association Maurice Audin vient de briser le silence qui entoure les crimes coloniaux de la France pendant la guerre d’Algérie. Avec de nombreux historiens et archivistes, l’association a déposé un recours au Conseil d’Etat français pour lever l’interdiction d’accès aux archives couvrant la période 1940-1970.
Dans interview accordée au quotidien Liberté, Pierre Mansat, président de l’association Maurice Audin, a déclaré que la violence de la répression coloniale avait connu ses « ses formes les plus extrêmes » en Algérie. Il fait savoir que la période de décolonisation, entre 1940 et 1970, était concernée par la difficulté d’accès aux archives.
Pierre Mansat estime qu’il existe au sein de l’administration française, dans la sphère du pouvoir politique et même dans l’armée des personnes qui bloquent l’accès aux archives de la guerre d’indépendance algérienne. Ce qui empêche les historiens d’effectuer leur travail de mise en lumière des crimes coloniaux de la France. Et cela malgré la loi de 2008, qui dispose que les archives historiques peuvent être consultées 50 ans après leur émission, et les engagements des présidents français successifs, notamment Emmanuel Macron, à faire en sorte que les documents soient à la portée des spécialistes.
Selon le président de l’Association Maurice Audin, il y a « un retour en arrière invraisemblable » puisque les archives consultées par les historiens et publiées auparavant dans plusieurs études sont, aujourd’hui, de nouveau inaccessibles. La situation est, donc, « très grave ». Pourtant, rappelle-t-il, l’accès aux archives de la nation est un droit consacré depuis la Révolution française et par la Déclaration des droits de l’Homme et des citoyens. Ce qui se passe, dénonce-t-il, est « inadmissible ».
Lire aussi : Colonisation française : L’Algérie réclame ses droits (Ministre)
https://www.observalgerie.com/algerie-france-des-spheres-du-pouvoir-bloquent-lacces-aux-archives-association/2020/
La France refuse de remettre les archives coloniales à l’Algérie. Dans une déclaration rendue publique vendredi 3 juillet, Abdelmadjid Chikhi, conseiller auprès du président de la République en charge des archives et de la mémoire nationales, a réaffirmé que l’Algérie ne renoncerait pas à la demande de restitution des documents liés à la période coloniale de l’Algérie, indique l’APS.
Selon la même source, à l’avant-veille de la célébration du 58e anniversaire du recouvrement de la souveraineté nationale, le conseiller du président de la République, M. Chikhi, a annoncé que « la génération actuelle et celles qui lui succéderont demeureront attachées à la demande de restitution de toutes les archives nationales détenues par la France et se rapportant à plusieurs périodes de notre histoire ». En outre, le conseiller de Abdelmadjid Tebboune soutient que « les responsables français en charge des négociations sur ce dossier n’ont pas de pouvoir décisionnel en la matière ».
Le responsable des archives nationales estime que « la France tente de se dérober » des textes internationaux, « en promulguant des lois de contournement ». Il rappelle que les lois et législations internationales disposent clairement que « les archives appartiennent au territoire dans lequel elles ont été produites ».
Cependant, la loi décrétée par le gouvernement français en 2006 dispose que « les archives font partie du domaine public ». Elles sont, par conséquent, « inaliénables et imprescriptibles », fait remarquer Abdelmadjid M. Chikhi. Ce dernier a également évoqué la décision française de « disperser les archives algériennes détenues par la France dans d’autres centres, à l’insu de l’Algérie ».
M. Chikhi a déclaré que cette mesure prise par la France constitue « une violation du principe de non-rétroactivité des lois ». A noter que les discussions entre l’Algérie et la France concernant les archives de la guerre d’Algérie « sont à l’arrêt depuis trois ans, soit depuis le limogeage du directeur des archives françaises, une institution qui n’a actuellement pas de responsable à sa tête », rappelle le conseiller de Tebboune.
En outre, le responsable des archives nationales a indiqué que « la Grande commission mixte algéro-française pourrait se réunir ce mois-ci et aura, entre autres dossiers à examiner, celui de la récupération des archives nationales ».
Il faut rappeler que de nombreuses associations, historiens et juristes avaient introduit une demande pour l’« accès immédiat » aux archives. Dans une démarche inédite, ils avaient appelé à l’abrogation de l’article 63 de l’instruction générale interministérielle N° 1300 (IGI 1300) portant protection du secret de la défense nationale. Ils déplorent que l’« application de cette instruction se soit considérablement durcie ces derniers mois, à la demande du secrétariat général de la Défense et de la Sécurité Nationale ».
Dans leur déclaration, ils ont mis en avant la volonté du président français, Emmanuel Macron, d’ouvrir un débat sur le passé colonial. « Alors que le Président français Emmanuel Macron appelle à un débat sur le passé colonial de notre pays, l’accès aux archives permettant un examen informe et contradictoire de ces questions est aujourd’hui entravé », regrette le collectif.
https://www.observalgerie.com/la-france-ne-veut-pas-restituer-a-lalgerie-les-archives-de-la-guerre/2020/
Rédigé le 18/10/2020 à 09:20 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
C’est une image forte et impressionnante qui m’a interpellé lorsque j’ai découvert à la Télévision lors d’une rencontre sportive internationale, le portrait géant du martyr Ali La Pointe, symbole de la Bataille D’Alger, brandi avec fierté par de jeunes Algériens sur plusieurs mètres dans les tribunes du stade Vélodrome de Marseille en France. Cette image, on la retrouve aussi dans les stades à travers le territoire national, pendant les compétitions sportives.
En voulant s’identifier à ces symboles de la guerre de Libération nationale, la jeunesse algérienne a démontré et a affirmé son attachement aux idéaux de nos martyrs. La prise de conscience de cette jeunesse pleine d’espoir traduit indéniablement son désir de s’approprier l’histoire authentique de son pays, refusant des symboles de substitution importés par des idéologues et des gourous de tous bords. La Révolution algérienne reste une référence universelle pour tous les peuples du monde épris de liberté. C’est ce qui m’a incité à faire découvrir des héros de la guerre de Libération, inconnus du grand public.
Les martyrs Sid Ali Bouziri et Hocine Tiah sont tombés au champ d’honneur les armes à la main, à la fleur de l’âge (à peine 20 ans) le 23 juillet 1957 au lieu-dit Djenane El Kadi à Beau Fraisier (Oued Koriche) Alger, après avoir livré un combat héroïque. Ils ont marqué une page de l’histoire de notre glorieuse guerre de Libération nationale par leurs sacrifices suprême. Le récit de cette opération militaire a été rapportés 53 ans après la Guerre d’Algérie par des anciens officiers parachutistes de Bigeard à travers le site internet : «Gustave Para au 3e RPC». Les officiers paras qui ont participé au combat, face aux fidayines Sid Ali Bouziri et Hocine Tiah ont été marqués à vie psychologiquement et dans leur chair.
Ils ont évoqué avec nostalgie les péripéties dramatiques de leur aventure, dont voici le récit : «A cinq heures du matin, alerté par la section du lieutenant Michel, notre mission est de passer au crible un secteur d’Alger entre Bouzaréah et Monplaisant, d’ailleurs toutes les sections de la compagnie ont un secteur. Le lieutenant Michel en tête avec Joly, Cadet, Veau, nous suivons un petit chemin escarpé noyé dans un paysage luxuriant avec de petits gourbis et maisonnettes cachés dans cette verdure, le sentier suit les pentes de ces collines qui dominent Alger distante 3/4 km, on aperçoit la baie d’Alger et toute l’étendue de la grande cité algérienne, il fait très beau et déjà chaud, tous les paras sont sur la défensive, le doigt sur la gâchette MAT 49, nous arrivons à l’endroit nommé le Beau Fraisier où des villas succèdent aux maisonnettes et c’est l’enfer !!!.
Les terroristes dissimulés à contre jour dans le soleil naissant, nous ne les avons pas vu ni entendu. A notre arrivée, c’est à bout portant qu’ils tirent sur les hommes de tête, le premier l’officier Joly s’effondre plusieurs balles dans la cuisse et les genoux, le lieutenant Michel sera touché à l’aine et les testicules. La riposte est instantanée nos MAT crachent la mort, les deux tueurs s’écroulent tués sur le coup. Les deux tueurs abattus appartenaient à une bande recherchée pour plusieurs attentats ; les meurtres de Canat, Antoine, Membrive, Aspirant Suchard, légionnaire Alpa. Jet de grenade contre le Bar Vieux Grenadier, et attentats contre quatre Militaires».
En fait, il a fallu des renforts pour venir à bout de ces fidayines croyant qu’ils étaient plus nombreux. Ces faits d’armes, rapportés 53 ans après par des officiers paras, sont l’illustration du courage, de l’abnégation et de la détermination de ces martyrs dans la lutte de libération nationale jusqu’au sacrifice suprême.
Le témoignage ci-après retrace le parcours singulier et atypique de ces martyrs. Issus de familles modestes, Sid Ali Bouziri et Hocine Tiah ont vécu leur enfance et leur jeunesse à La Casbah.
La pratique du sport les a réunis au sein du même club le CCA (Croissant Club algérois) dans la discipline de la boxe. Leur engagement militant a scellé leur destin commun dans la lutte armée. Le déclenchement de la guerre de Libération nationale du 1er Novembre 1954, a provoqué parmi la jeunesse algérienne, un éveil de conscience politique élevé acquise grâce aux militantismes au sein du scoutisme, des clubs sportifs et dans les quartiers populaires.
En 1957, la révolution algérienne a atteint sa phase ascendante et les événements s’accélèrent avec l’appel du FLN, ordonnant une grève insurrectionnelle de 8 jours à compter du 26 février 1957, la veille de la réunion de l’Assemblée générale de l’ONU qui devait débattre de la question algérienne. A La Casbah d’Alger, toute la population s’organise avec l’aide des militants du FLN, pour assurer un approvisionnement en denrées alimentaires, nécessaires pendant toute la période de la grève.
Dès les premiers jours, la réaction de l’armée coloniale française fut brutale. Très vite, la machine répressive s’est mise en branle pour briser la grève. Les rideaux des magasins défoncés, perquisitions musclées, maisons saccagées, pratiques systématique des interrogatoires sous la torture, arrestations massives.
La conséquence de cette répression violente et aveugle a durement éprouvé la population et a engendré le démantèlement de la plupart des cellules du FLN.
Le Général Massu déclarait que sa stratégie était de décapiter l’Organisation du FLN par tous les moyens, par conséquent, tous les Algériens qui ont exécuté les ordres de grève sont considérés des hors-la-lois. Dans cette effervescence de violence, de nouveaux groupes armés se sont reconstitués sous la direction d’Amari Larbi dit (Pétaris) l’homme à la mitraillette d’argent, le plus recherché par les paras de Bigeard. Il était signalé comme très dangereux suivant les avis de recherche diffusés par l’état-major (retrouvés dans une archive). Bouziri Sid Ali et Tiah Hocine ont rejoint avec enthousiasme ces nouvelles cellules car ils avaient toujours développé cette fibre nationaliste et cette fierté de contribuer à la révolution algérienne qui a déjà conquis le cœur de tous les peuples du monde épris de liberté.
Aussitôt dotés en armes, ils ont commencé à opérer dans les quartiers européens ciblant principalement des militaires. Ils ont réussi une attaque à la grenade contre le bar Le Vieux Grenadier à Bab Azzoun, Place de l’Opéra, lieu de rencontre des officiers militaires en permissions. Ils ont également ciblé des membres de l’Organisation des Ultras de l’Algérie française appelé «Main rouge» spécialisée dans le kidnapping et l’assassinat des militants du FLN.
Ces actions ont suscité beaucoup d’émoi au sein de l’état-major de Massu. Les journaux ont publié à la une des commentaires alarmants sur ces attentats. Ces quelques faits d’armes cités, Bouziri et Tiah se sont révélés de valeureux fidayines par leur courage et leur bravoure.
La recrudescence d’attentats en pleine répression féroce a contrarié l’état-major qui a renforcé son armada militaire à La Casbah avec ses services spéciaux.
Un quadrillage de tous les quartiers a été mis en place. Des agents supplétifs «les Bleus» appelés en renfort ont infiltré pratiquement toute la population. Les marges de manœuvre des fidayines se réduisaient considérablement. Ainsi, le démantèlement de cette cellule n’a été qu’un concours de circonstances. Autour du refuge, un soir de ramadhan, un accrochage avec une patrouille militaire a provoqué une fusillade et une panique dans les ruelles de La Casbah où Amari Larbi, le chef du groupe, a été grièvement blessé après avoir tiré plusieurs rafales de mitraillette.
C’était le début de l’opération du démantèlement de cette cellule qui avait ébranlé la sécurité à Alger. Pour rassurer la population européenne, tous les médias français titraient dans leur page à la une «De dangereux groupes terroristes éliminés» en publiant des photos à l’appui. Après avoir subi les interrogatoires sous la torture des Paras de Bi-geard, les fidayines ont été écroués à la prison de Serkadji. Le juge du tribunal d’Alger a pris la relève des militaires pour instruire des enquêtes sur plusieurs attentats passibles la peine capitale.
Il a ordonné la reconstitution des attentats les plus importants et largement couverts par les médias. Durant toute la période de leur détention, jours et nuits, un seul objectif obsédait nos fidayines «l’évasion», non pas pour retrouver une liberté relative mais surtout reprendre le combat de libération nationale. C’est Sid Ali Bouziri qui avait pris l’initiative d’élaborer un plan d’évasion.
Le 16 juillet 1957, c’est au cours de leur transfert devant le juge d’instruction sous escorte de haute sécurité que l’opération d’évasion a été décidée et minutieusement préparée dans le secret total. Bouziri était le premier à s’évader par une porte dérobée donnant accès au hall du palais de justice et se retrouve confondu au milieu d’une foule de visiteurs, suivi aussitôt par Tiah.
Ils quittent en toute quiétude le palais de justice par la porte principale juste au moment où l’alerte générale est déclenchée.
Cette évasion spectaculaire a provoqué évidemment un coup de tonnerre au sein de l’état- major de Massu. Le soir même, tous les journaux titrais à la une «Auteurs de nombreux attentats Bouziri Sid Ali et Tiah Hocine s’échappent menottes aux mains du palais de justice d’ Alger», jetant un émoi au sein de la communauté européenne. La course derrière la montre est engagée. Bouziri se rend directement à la blanchisserie Bentalha rue Rovigo où travaille son frère Omar qui l’envoie d’urgence me contacter.
A 10h du matin, sans me donner aucune précision, Omar me demande de l’accompagner à la boulangerie de son oncle Abdesselam et me conduit dans une impasse de La Casbah. Ma surprise était totale de me retrouver en face de Sid Ali Bouziri.
Après une accolade chaleureuse mêlée d’appréhensions et d’inquiétude lorsque je vois arriver Hocine Tiah complètement essoufflé. Je constate avec étonnement qu’il avait les menottes autour de son poignée cachées par un veston posé sur son bras. Ayant pour mission d’organiser les refuges au sein de la cellule, je réalise la responsabilité qui m’incombe à cet instant.
Une discussion s’est engagée et l’urgence des urgences c’est de leur trouver un lieu sûr en attendant la prise de contact avec l’organisation du FLN. La fébrilité s’est emparée de nos évadés lorsque je leur annonçais que la plupart des refuges ne sont plus fiables à cause de la présence de ces supplétifs «les Bleus».
La réaction ferme de Bouziri : «Débrouille-toi!», m’obligeait à réagir devant ce problème insurmontable. Une seule solution germait dans ma tête, c’est de les emmener chez ma sœur Zohra qui venait juste de se marier. Rapidement, je me dirige vers son domicile pour solliciter son aide, elle n’a pas hésité un seul instant d’accepter de les accueillir pour la journée sans pouvoir consulter au préalable son mari.
N’ayant pas le choix, je réalise que je la mettais face un défi dangereux mais en même temps j’étais soulagé et rassuré. Après ces intenses événements, ils sont enfin dans un lieu sûr et peuvent jouir d’un repos mérité. Ma sœur leur a aussitôt servi le café et s’apprêtait à préparer le déjeuner.
En dégustant un authentique café, ils se sentaient plus détendus, leurs visages dégageaient une certaine sérénité. Entre temps, Tiah a réussi à se débarrasser des menottes accrochées toujours à son poignet grâce à l’intervention d’un artisan ferronnier dont l’atelier se trouve juste en face du domicile. Une joie immense se reflétait dans ses yeux au moment où il retrouvait la liberté de mouvoir ses mains.
Ces instants de convivialité et de chaleur les rassurent et leur procurent des forces et de l’énergie pour affronter la suite des événements qui s’annoncent difficiles. Au fur et à mesure que le temps passe, je ne réalise encore pas de me retrouver entrain de déjeuner chez ma sœur avec deux fidayines évadés considérés très dangereux par l’armée coloniale qui a déployé des forces impressionnantes pour les traquer.
A 15h, comme prévu, on quitte les lieux avec un sentiment de soulagement pour ma sœur engagée malgré elle dans cette aventure. Je repris immédiatement mon rôle d’éclaireur suivi par Bouziri et Tiah avec une distance indispensable pour pouvoir emprunter les ruelles étroites, en toute sécurité. Arrivés sur les lieux devant la boulangerie, l’oncle de Bouziri nous attendait, et aussitôt les a mis en contact avec un agent de liaison qui les a pris en charge et après un bref échangent, ils m’ont salué chaleureusement et me donnait rendez-vous dans 48h devant la boulangerie.
Comme convenu, après ces deux jours d’attente passés dans l’angoisse chez ma tante Aldjia à El Harrach (banlieue d’Alger) semblait interminable, je retourne au même endroit d’où on s’est séparé. Je rencontre l’oncle de Bouziri qui me conduit dans une maison mitoyenne à la boulangerie.
Je les retrouve complètement transformés, habillés de nouveau vêtements et tout à fait détendus. Ils m’exhibent fièrement les armes qu’ils ont récupérés auprès d’une cellule, une mitraillette STEN pour Bouziri et un pistolet gros calibre pour Tiah. Leur exfiltration a été minutieusement préparée, car leur présence à La Casbah a poussé l’état-major à renforcer leur dispositif militaire mettant en danger d’autres cellules restées dans la clandestinité.
Ces derniers moments que j’ai partagés avec eux avant leur départ étaient pleins d’émotions, je les trouvais heureux de renouer avec cette sensation d’avoir entre les mains des armes qui leurs procurent une certaine sécurité. Sid Ali Bouziri et Hocine Tiah me confiaient : «On avait peur effectivement de cette ‘‘finga’’ (la guillotine), mais maintenant, ces armes nous permettent d’avoir cette assurance de mourir au combat si Dieu le veut». C’est dans un camion de déménagement cachés à l’intérieur d’une armoire armes au point qu’ils ont quitté La Casbah vers un nouveau refuge.
Mercredi 24 juillet 1957, très tôt le matin, la stupéfaction envahie toute la population de La Casbah, lorsque nous découvrons l’information à la une de tous les journaux : «Les deux évadés du palais de justice Tiah Hocine et Bouziri Sid Ali abattus par les Paras, hier au quartier de Beau-Fraisier.»
Les services de l’armée ont aussitôt informé les deux familles que les dépouilles des martyrs seront ramenées directement au cimetière pour leur inhumation. Un détachement de parachutistes a déposé devant l’entrée du cimetière les deux cercueils pris en charge par des membres de leur famille et un groupe de personne restreint. Les scellés ont été forcés pour ouvrir les cercueils afin de leur rendre un dernier hommage.
Ils ont été enterrés en martyrs selon la tradition musulmane avec leurs vêtements immaculés de sang, sous les youyous des femmes qui retentissaient des terrasses de La Casbah. Un rituel que les femmes accomplissaient à chaque fois qu’un militant condamné à mort est exécuté par la guillotine à la prison de Serkadji. Gloire à nos martyrs !
Avec son ouvrage, Les irréductibles de La Casbah, paru aux éditions Rafar, Rachid Belhocine nous plonge dans La Casbah de la guerre avec ses drames et ses malheurs, mais aussi avec ses espérances et sa foi.
Cet auteur-acteur n’est pas comme les autres. Il est mature avant d’être adulte et sa prise de conscience se fait alors qu’il entre à peine dans l’adolescence, âge de l’insouciance où l’on croque la vie à belles dents pour reprendre la chanson. Lui, à 14 ans, s’engouffre dans le péril, à son corps défendant, en rejoignant des hommes aguerris à la lutte pour partager avec eux le même idéal : celui de reconquérir notre liberté et notre dignité. Peu d’écrits ont immortalisé la place des adolescents dans la lutte. Avec le livre de Rachid Belhocine, c’est un pan de notre histoire qui vient d’être réhabilité. Rachid, né en 1943 à La Casbah, et y a vécu, nous retrace dans cet ouvrage de 150 pages son itinéraire, son adolescence confisquée.
Le péril à chaque instant, la peur, le danger constant seront vite domestiqués grâce à une détermination farouche et une foi inébranlable. Plongé au cœur même d’une cellule de fidayine, Rachid va découvrir la réalité de la résistance, la rigueur de la clandestinité, l’apprentissage de la maîtrise de la peur. Rachid parle de son parcours magnifié par l’héroïsme de ses camarades de combat, plus âgés et dont il dresse des portraits pleins de reconnaissance et de tendresse.
Il évoque l’évasion spectaculaire de Bouziri Sid Ali et Tiah Hocine, pourtant placés sous haute sécurité du palais de justice et au lieu de se faire oublier, vont reprendre le combat de plus belle et tomber en martyrs, les armes à la main. D’autres hommes non moins valeureux marqueront la vie de Rachid en raison de leur engagement et des actes héroïques accomplis. Rachid, acteur, témoin et observateur dénoncera les crimes abjects commis par l’ennemi et ses supplétifs, ces collabos zélés, dont on ne soulignera jamais assez les nuisances.
Le livre-témoignage s’appuie sur des documents inédits, des lettres intimes, des unes de journaux de l’époque, ce qui donne davantage de dimension à cet ouvrage agrémenté aussi d’un poème de Hamrène Boualem publié dans Révolution, organe de la Wilaya IV, en 1957, dans lequel sont glorifiés les dignes enfants de la Révolution. Ceux qui ont su mourir un hymne sur les lèvres, ceux qui ont su partir en chantant leur fièvre. Ils étaient les meilleurs. Ceux qui ont su mourir ne doivent pas partir, ceux qui ont su partir ne doivent pas mourir. Ils étaient les meilleurs ! Alors, pêle-mêle, Rachid parle de Chebli Mokrane dit Gambi, de Bouziri, de Tiah, de Boualem la France, de Amari, de Larbi et des autres…
En fait, les pensées de Rachid sont destinées à la mémoire de tous les martyrs qui se sont sacrifiés dans la fleur de l’âge pour libérer l’Algérie du joug colonial abject.
Ses pensées vont aussi à La Casbah, «cette citadelle qui a résisté à toutes les invasions depuis des millénaires qui est toujours debout, avec ses cicatrices, ses vestiges vieillissants pour raviver notre conscience et rappeler que l’avenir de notre jeune nation est intimement lié à son passé.
Sa sauvegarde et sa préservation sont vitales pour les générations futures». Puis, Rachid de se remémorer cette «chahada» : «Avant de tomber au champ d’honneur au milieu de La Casbah, Mokrane Chebli me disait : ‘‘Tu vois, le combat que nous menons contre le colonialisme français n’est qu’un petit combat (djihad el asghar), le plus important combat que nous devrons affronter c’est après l’indépendance si Dieu le veut. Le grand combat (djihad el akbar) est celui de l’édification et du savoir’’».
Rédigé le 17/10/2020 à 23:47 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
– Votre association se donne pour mission la collecte des témoignages d’acteurs et de témoins de la guerre de libération. Pouvez-vous nous donner une présentation succincte ?
Notre jeune association a été créée en 2017, en France, pour répondre à une demande qui nous paraissait pressante de lever le voile sur beaucoup de méconnaissances ou d’oublis du fait colonial et nous voulions surtout perpétuer la mémoire de nos valeureux martyrs et moudjahidine qui ont sacrifié leur vie et leur jeunesse pour l’Indépendance de l’Algérie.
Pour cela, nous avons pensé à rechercher des acteurs de la Révolution qui sont encore vivants, les questionner sur leurs souvenirs de guerre et de combat, les enregistrer pour sauvegarder leurs témoignages et surtout les faire rencontrer les jeunes générations pour des échanges, des discussions et des débats qui se sont avérés plus que fructueux lors de nos différentes rencontres organisées jusque-là. Il faut savoir que nous prenons toujours comme «prétexte», si je puis dire, à ces rencontres des dates phares de notre histoire.
– Quelles sont les séquences historiques de la guerre de libération qui vous intéressent le plus ?
Nous nous intéressons justement à tout ce qui touche à la Révolution et en particulier à des dates phares qui sont souvent célébrées et parfois même «fériées» sans que la population algérienne en France, et notamment les jeunes, ne sachent à quoi cela correspond au juste ni à quels événements on se réfère.
Ainsi, nous célébrons par exemple le 1er Novembre, le 17 Octobre, le 19 Mars, le 8 Mai, le 5 Juillet… en invitant des moudjahidine – ceux de la Fédération de France du FLN par exemple – à venir raconter ce passé douloureux et partager leurs souvenirs avec une assistance toujours de plus en plus nombreuse et avide d’en savoir plus sur cette histoire oubliée.
Et justement, nous ne voulons pas que nos jeunes oublient ces sacrifices, mais plutôt qu’ils en soient dignes et fiers pour pouvoir construire leur futur.
– Les historiens y prennent-ils part ?
Oui, à chacune de nos rencontres, nous faisons en sorte d’inviter des historiens des deux rives – quand c’est possible bien sûr – pour parler «histoire».
Nous avons pu recevoir, entre autres, Alain Ruscio, Bernard Deschamps, comme nous avons fait venir des moudjahidine comme Louisette Ighilahriz, Leuldja Aoudia, Mohamed Ghafir dit Moh Clichy, Embarek Krouri, alias Barbare, Djilali Ledjima, Mohand Arezki Ait Ouazou…
Tout ça pour dire que les enfants et les jeunes d’aujourd’hui ont besoin de rencontrer réellement ces acteurs de l’histoire dont ils ont peut-être entendu parler un jour par quelqu’un ou par hasard en parcourant un livre…
– Vous utilisez à fond les réseaux sociaux. Dans quel objectif ?
Effectivement, nous nous basons beaucoup sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, YouTube et notre site web federationdefrance.fr) car nous estimons que c’est le média le plus rapide et le plus rassembleur aujourd’hui, surtout que nous voulons toucher en premier lieu les jeunes, et ces jeunes sont pratiquement tous adeptes de ces réseaux.
D’autant plus que souvent, ils ne lisent pas de journaux et encore moins des livres, alors qu’ils sont branchés h24 sur les réseaux sociaux. Une autre raison à cela est qu’il nous est possible par ces moyens technologiques de partager des vidéos et vous savez que très souvent l’image est plus parlante et va durer dans le temps.
Des actions (rencontres, conférences, etc.) sont organisées par vos soins en direction des enfants d’Algériens installés en France. Comment réagissent-ils ?
Justement, notre initiative d’organiser des rencontres ciblait surtout les jeunes et les enfants à travers leurs parents que nous incitions à venir en famille. Ce n’est pas facile, car pour beaucoup cette histoire appartient au passé et ils ne se sentent plus concernés.
Ils préfèrent tourner la page et parler plutôt de leurs problèmes au quotidien en tant que «citoyens français», je comprends un peu ce comportement, mais j’en veux aux parents qui n’ont pas su garder ce lien avec leur «histoire» et leur «pays»…
A mon avis, plus que de l’intégration, il y a eu comme un travail d’assimilation, comme si on voulait complètement détruire ce passé, et c’est justement contre cet oubli et contre cette amnésie que notre association veut s’atteler.
Les jeunes qui nous aident bénévolement dans notre association, ce sont surtout des étudiants algériens venus juste faire leurs études en France et ceux-là, on voit et on sent chez eux cette fibre nationaliste et cette passion de l’Algérie que les «binationaux» n’ont pas.
– Quelles sont vos prochaines actions ?
Notre premier projet est celui de réaliser des reportages de témoignage des moudjahidine qui seront bientôt disponibles sur le site flnalgerie.com en cours de réalisation…
https://www.elwatan.com/edition/actualite/les-jeunes-ne-doivent-pas-oublier-les-sacrifices-de-leurs-aines-17-10-2020
Rédigé le 17/10/2020 à 23:18 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
vidéo : https://vimeo.com/51206012
Paul Rousseau était policier lors de la répression sanglante du 17 octobre 1961 à Paris, contre des manifestants maghrébins.TÉMOIGNAGE : « Je les voyais jeter des corps à la Seine »
Paul Rousseau était policier lors de la répression sanglante du 17 octobre 1961 à Paris, contre des manifestants maghrébins.
Paul Rousseau, gardien de la paix, attend avec ses collègues dans un car stationné près du pont de Clichy, côté Paris. Vers 17 h, il voit arriver des manifestants maghrébins de l’autre côté du pont. « Ils descendaient tranquillement des bus, les mains vides. » Ils viennent protester contre le couvre-feu imposé aux Algériens.
Subitement, la violence des policiers se déchaîne sur les manifestants. « C’était un méli-mélo. J’entendais des coups de feu. Par la vitre baissée du car, je voyais les policiers jeter des corps à la Seine par-dessus la rambarde du pont. Des manifestants rebroussaient chemin et s’enfuyaient. »Environ 200 morts
Dans son car de police, la tension monte. « La radio annonçait que des policiers avaient été tués. Les officiers nous disaient d’agir « en notre âme et conscience », que c’était de la légitime défense. » Certains de ses collègues s’excitent : « Pourquoi on ne nous laisse pas sortir ? » Mais ils n’auront pas à intervenir.
Les historiens, tant français qu’algériens, s’accordent pour dire qu’environ 200 manifestants ont été tués cette nuit-là dans Paris. On repêchera des corps jusqu’à Rouen. « Pas un policier n’a été tué ni blessé », souligne l’ancien gardien de la paix.
Menacé par des collègues qui l’accusent de « soutenir les bougnoules », Paul Rousseau se tait quelques jours. Mais des syndicalistes commencent à parler, des articles paraissent. Paul Rousseau, en tant que délégué du Syndicat général de la police du Xe arrondissement, adresse alors trois articles aux journaux. Il dénonce à la fois les attentats du FLN contre les policiers (une trentaine de morts en 1961) et les dérapages de la police. Pour ces articles, il est suspendu trois semaines et muté disciplinairement.
Paul Rousseau, âgé aujourd’hui de 78 ans, en retraite à Concarneau, ne s’est jamais remis de ce qu’il a vu le 17 octobre 1961. Pendant longtemps, il n’a pas voulu en parler. Aujourd’hui encore, il refuse de prononcer le nom du préfet de police de l’époque, Maurice Papon. Il a toutefois accepté de participer à une cérémonie commémorative sur le pont de Clichy, lundi prochain, pour le 50e anniversaire de la répression sanglante. Il y recevra la médaille d’or de la Ville de Clichy-la Garenne. « Je veux offrir cette médaille à ma jeune filleule. »
Rédigé le 17/10/2020 à 13:51 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Des Algériens arrêtés lors de la manifestation pacifique, organisée à Paris le 17 octobre 1961 pendant la guerre d'Algérie par la fédération française du Front de Libération nationale (FLN) pour protester contre le couvre-feu imposé aux Français musulmans par le préfet de police Maurice Papon. (- / AFP)
Des Algériens arrêtés lors de la manifestation sont emmenés par la police à bord de cars et d'autobus en direction des centres de tri, à Vincennes, au Palais des Sports ou au stade de Coubertin. (AFP)
Le 17 octobre 1961 à Paris, la répression anti-algérienne fait plusieurs centaines de morts. Venus en famille, en costume du dimanche, près de 30.000 Algériens manifestent pacifiquement contre le couvre-feu qui leur était imposé en pleine guerre d'Algérie.
Pendant trente ans ce drame est occulté. Il faudra attendre plus de deux décennies pour que des publications révèlent au grand public la vérité sur cet événement. Les tabassages, les tortures, les humiliations, les parcages, les assassinats et enfin les corps jetés par-dessus la Seine.
Pourtant, dès l'époque, des journalistes ont recueilli des témoignages accablants. Le 27 octobre 1961, Claude Bourdet, ancien membre du Conseil national de la Résistance et fondateur de France-Observateur interpellait Maurice Papon, alors préfet de police de Paris. Il n'aura jamais de réponse.
A l'occasion du 50ème anniversaire de cette brutale répression, à l'orée des cinquante ans de l'indépendance algérienne, le Nouvel Observateur ressort ses archives sur le sujet.
https://www.nouvelobs.com/monde/20111014.OBS2471/retour-sur-la-tragedie-du-17-octobre-1961.html
Rédigé le 17/10/2020 à 02:57 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Crises, guerres, tremblements de terre, dictatures… Au début du XIXe siècle, le couvre-feu n’est plus qu’un lointain souvenir des temps « ténébreux ». Il serait apparu au Moyen-Age. Dans les villes européennes, à la tombée de la nuit, quand les cloches sonnaient, il fallait recouvrir les feux d’un couvercle de métal pour éviter d’éventuels incendies.
En mars 1857, six ans après le coup d’Etat de Louis-Napoléon Bonaparte et la restauration de l’Empire, « le Charivari » , quotidien satirique républicain, maintes fois condamné par les tribunaux, publie une fable à destination de ceux qui pourraient être tentés par des lois « moyenâgeuses ». Elle est signée du journaliste et homme politique de gauche Taxile Delord. Il s’agit d’un dialogue fictif entre un monarque et son serviteur sur un couvre-feu qui permettrait de viser les « Napolitains ». Les Italiens, les migrants de l’époque avec les Belges, étaient alors accusés de tous les maux.
« Pourquoi les Napolitains sortiraient-ils le soir ? Les ténèbres sont faites pour le crime. Est-ce que tu sors le soir, Cocomero ?
– Jamais, sire.
– Tu restes chez toi, tu restes avec ta femme et tes enfants ?
– Oui, Majesté.
– Tu joues aux dames ?
– Quelquefois, sire.
– Ou au loto ?
– C’est selon, Majesté.
– C’est que tu n’es pas un démagogue, toi.
– Je m’en flatte, sire.
– Décidément il n’y a que les démagogues qui sortent de chez eux le soir. A partir d’aujourd’hui je défends qu’on allume les réverbères. A huit heures, on sonnera le couvre-feu, et tout habitant qu’on rencontrera passé cette heure-là dans les rues sera condamné à la bastonnade. Le couvre-feu est une excellente institution, Cocomero.
– Je ne dis pas le contraire, sire.
– Ah ! Si nous pouvions de même ressusciter toutes les autres lois du Moyen Age.
– Ça viendra, Majesté. »
Cinquante ans, plus tard, la révolution industrielle a bouleversé l’économie française, l’urbanisation a vidé les campagnes, et la Troisième République mis un terme au Second Empire, mais l’insécurité reste un thème médiatique majeur. La presse va à nouveau exhumer la méthode ancestrale du couvre-feu. Cette fois sans ironie ni second degré. Le supplément dominical du « Petit Journal« , alors un des plus gros quotidiens du pays, se remémore les paroles des « Huguenots » l’opéra de Giacomo Meyerbeer, qui se déroule au XVIe siècle, en pleine guerre religieuse entre catholiques et protestants.
« Paris, la nuit, est un coupe-gorge. La police y est insuffisante. Voulons-nous être protégés contre les attaques des malandrins, il nous faudra payer encore, payer toujours. A ce prix-là seulement, nous aurons nos veilleurs de nuit, et peut-être les gens que leurs travaux ou leurs plaisirs retiennent le soir loin de chez eux pourront-ils regagner leur domicile sans craindre, à chaque pas, quelque fâcheuse rencontre. Nous voilà donc revenus au temps ténébreux où l’on n’allait par la ville qu’escorté d’une garde et où le veilleur, flanqué de soldats du guet, agitait sa cloche par les rues pour annoncer au populaire que l’heure était venue où tout bruit et toute lumière devaient s’éteindre.
Vous rappelez-vous, dans les “Huguenots”, l’épisode impressionnant du couvre-feu ?
Rentrez, habitants de Paris.
Tenez-vous clos en vos logis,
Quittez ce lieu,
Car voici l’heure
Du couvre-feu. »
La Seconde Guerre mondiale et l’Occupation allemande renvoient pour de bon les Français se barricader chez eux dès le soir tombé. La presse alors ne s’embarrasse pas de pédagogie, encore moins d’une quelconque protestation. Elle publie intégralement les communiqués des préfectures annonçant les horaires à respecter en zone occupée.
« Selon les instructions du chef de l’administration militaire allemande en France, l’heure du couvre-feu pour la population civile de tous les départements est fixée à 23 heures et l’heure limite pour la circulation des civils dans les rues à 23h30, la circulation civile ne reprenant qu’à 3 heures du matin ».
Elle diffuse aussi sans barguigner l’arrêté qui en donne les modalités et qui est signé du commandement militaire du grand Paris : « Kommandant von Gross-Paris Verwaltungsstab ». Avec des exemptions guère éloignées de celle du couvre-feu sanitaire actuel, mais des laissez-passer nettement plus contraignants qu’une simple attestation sur l’honneur.
« Pendant la durée des dispositions prévues par l’arrêté susvisé, tous les laissez-passer et toutes les permissions de nuit sont annulés. Des laissez-passer spéciaux permettant de circuler sur la voie publique après l’heure du couvre-feu seront délivrés :
Le monde des arts et du spectacle, comme aujourd’hui, s’alarme d’être privé de son public nocturne. « Dans le monde du cinéma et du théâtre, du plus grand au plus petit, tous espèrent que les décisions qui s’imposent leur épargneront le retour de pareilles sanctions », écrit « l’Œuvre » en septembre 1940. « En raison des événements, les spectacles n’auront lieu qu’en matinée. De nombreux théâtres joueront lundi à 15 heures. »
Le couvre-feu s’allégera et se renforcera au fil des événements et attentats tout au long de la guerre. Après le dynamitage d’un cercle militaire allemand à Paris par des résistants en décembre 1941, « le couvre-feu est ordonné à partir de 18 heures dans le département de la Seine […], tous les restaurants, tous les lieux de plaisir, tous les cinémas et théâtres devront être fermés dès 17 heures […]. Toute personne contrevenant aux dispositions de cette ordonnance sera punie de la façon la plus sévère. Les sentinelles et les patrouilles allemandes feront usage de leurs armes si c’est nécessaire. » L’exposition « le Juif et la France » ferme ses portes à 16 heures.
La presse publie aussi le télégramme d’excuses envoyé par le maréchal Pétain à Adolf Hitler pour lui dire combien lui et tous les Français réprouvent de tels attentats :
« Je prie Votre Excellence d’agréer l’expression de mes condoléances personnelles et celles du gouvernement français pour les odieux attentats qui se sont renouvelés contre des membres de l’armée d’occupation. Nous réprouvons tous de tels agissements et nous nous efforçons avec les moyens qui sont en notre pouvoir de découvrir et d’arrêter les auteurs de ces crimes dont la lâcheté fait horreur à tous les Français. »
Toujours aussi zélés et le doigt sur la couture du pantalon, les journaux partent même sur le terrain vérifier si le couvre-feu est correctement respecté, les Français étant, déjà, perçus comme de mauvais élèves.
« Le Parisien a la réputation d’être frondeur. Ce qualificatif n’est certes pas abusif. Les preuves en ont été flagrantes. Restait à savoir comment cette population turbulente, ou, considérée comme telle allait réagir devant la décision prise par les autorités d’occupation, ordonnant la fermeture de tout établissement à 20 heures et le couvre-feu une heure plus tard.
Il était intéressant de sonder, en cette soirée du samedi, généralement l’une des plus bruyantes de la semaine, les réactions pouvant résulter de cette mesure. Que chacun se rassure, le calme le plus absolu n’a cessé de régner et, nulle intervention digne de ce nom ne vint troubler les premières heures de la nuit. Dès vingt heures les patrouilles allemandes, casque au côté, sillonnaient les principales artères afin de vérifier la fermeture des restaurants, débits, salles de spectacle et tous autres lieux publics. Partout la consigne était observée. Sans récrimination, les clients avaient, abandonnant leurs chères habitudes, quitté les lieux habituels de leur délassement. […]. Paris compte un nombre incalculable de “nuiteux”, qui ne veulent abdiquer, et ne regagnent leur logis qu’à l’heure limite. »
Même ceux qui ont tenté de mettre fin à leur vie en dehors des heures légales sont traînés au commissariat : « Pas de suicide après le couvre-feu ».
« La nuit dernière, un garçon de café, René Burgière, 21 ans, demeurant 32, rue Cavé, se jetait dans le canal de la Bastille. Peu après, il reprenait pied sur le quai et s’apprêtait à rentrer chez lui, lorsque des gardiens de la paix, effectuant une ronde, l’interpellèrent et lui firent constater qu’il était plus de minuit et qu’il se trouvait en infraction. Burgière eut beau expliquer qu’il avait voulu se suicider, il fut emmené au commissariat où ses vêtements eurent le temps de sécher avant l’heure l’égale, à laquelle il fut relâché. »
Le couvre-feu reviendra avec la guerre d’Algérie. Il est mis en place à Alger, puis dans la plupart des grandes villes de l’autre côté de la Méditerranée, au moment de l’instauration de l’Etat d’urgence. La « loi n° 55-385 du 3 avril 1955 » en déclare « l’application en Algérie ». Son article 5 permet explicitement d’« interdire la circulation des personnes ou des véhicules dans les lieux et aux heures fixés par arrêté ».
En 1958 puis en 1961, le couvre-feu s’installe en métropole, dans toute la région parisienne, mais seulement pour les musulmans d’origine algérienne. Le 17 octobre 1961, à l’appel de la fédération française du Front de Libération nationale (FLN), les immigrés algériens descendent dans la rue pour protester contre cette mesure discriminatoire qui leur interdit de sortir de chez eux dès 20h30. La consigne a été donnée par l’organisation de défiler pacifiquement. Le préfet de la Seine, Maurice Papon (qui sera condamné plus tard à dix ans de prison pour complicité de crimes contre l’humanité dans la déportation des juifs de la région bordelaise) organise la dispersion de la manifestation. Plus de 1 600 policiers et gendarmes sont envoyés dans la capitale. La répression est violente. Un bain de sang. Des dizaines et des dizaines d’Algériens seront rués de coups, assassinés, jetés dans la Seine.
Rédigé le 17/10/2020 à 02:46 dans Covid-19, Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Rédigé le 16/10/2020 à 19:46 dans Islam, Société | Lien permanent | Commentaires (0)
l y a deux ans, Mélissa, alors étudiante en droit à Nantes et sur le conseil de son grand-père, est allée avec une amie voir le film « Retour en Algérie ».
Choquée par ce qu’elle a vu et entendu elle en a fait part à son grand-père, témoin dans ce film, qui lui a conseillé d’écrire ses impressions.
L’histoire n’est pas qu’une matière dans nos manuels scolaires. C’est le récit d’évènements importants qui ont traversé chaque pays et chaque nation. Nous étudions les guerres. C’est une notion bien distante pour notre génération, j’imagine encore plus pour les 2000. Nous n’avons pas toujours conscience qu’à part des contrôles et des cours parfois ennuyants, l’histoire est fondée sur des véritables évènements.
C’est avec beaucoup d’émotions que j’ai regardé ce documentaire. Cela m’a permis d’avoir une prise de conscience considérable sur la réalité du monde, des hommes et leur permanent esprit belliqueux. La chose qui m’a le plus marquée reste l’âge de mon papi. Quand il est parti à la guerre, il avait 20 ans. 20 ans c’est l’âge que j’ai actuellement. À aucun moment je n’imagine pouvoir vivre maintenant ce qu’il a vécu lorsqu’il avait 20 ans. Jamais je n’ai connu la guerre. C’est très dur pour moi d’entendre que mon papi que j’aime et que j’admire, ainsi que beaucoup d’autres hommes, ont dû être contraints à vivre ces horreurs.
Hormis cette prise de conscience de la dureté de certains aspects de la vie, j’ai été horrifiée d’entendre certaines paroles prononcées lors du débat. J’étais profondément en colère d’entendre que certains vétérans ont justifié cette guerre. Cette guerre ne peut en aucun cas être justifiée. Le colonialisme est la consécration de l’obsession du pouvoir de l’Homme. Il est inadmissible d’entendre, encore à nos jours, qu’il est normal d’avoir fait une guerre pour s’opposer à leur indépendance. Il est encore plus inadmissible d’entendre que ce sont des sous Hommes. J’étais également absolument désolée et profondément choquée d’entendre tous les traitements qui ont été faits aux femmes algériennes.
J’ai aussi été surprise d’entendre des vétérans s’empourprer et proclamer qu’il n’y avait pas eu que des mauvais actes accomplis par les soldats mais aussi des bons. Dans chaque guerre, il y a des bonnes âmes qui refusent de tuer des hommes. Cependant, dans chaque guerre, il y a des autorités qui n’ont aucun scrupule à user de leur pouvoir, et des soldats, sans pouvoir hiérarchique, qui en payent le prix. Pour moi, l’objet du documentaire était la libération de la parole, la transmission d’un héritage et d’une conséquence à tirer.
Ceux qui prennent la parole, c’est pour s’exprimer et sortir ce lourd poids du passé. Je n’ai trouvé aucune utilité à cette intervention. Ceux qui ont pris la parole pour révéler les atrocités qu’ils avaient vécues ne sont pas des hommes mauvais. Peut-on leur reprocher pour certains d’avoir essayé de sauver leur vie plutôt que celle d’un autre ? Il est abominable d’entendre qu’à la moindre opposition, une menace de mort était faite par leurs pairs. Les vrais coupables, ce sont les hommes qui ont pris la décision de faire guerre. Une phrase d’une des personnes qui s’est exprimée dans le documentaire m’a beaucoup marqué : « Si ceux qui avaient proclamé la guerre la faisaient, il n’y aurait jamais de guerre ». C’est tellement vrai.
Pour autant, si demain notre génération devait faire la guerre, saurions-nous dire non à des autorités supérieures hiérarchiquement ? Je crains hélas que non. L’histoire montre que les mêmes erreurs se répètent et que des esprits mauvais et belliqueux existeront toujours.
Néanmoins, c’est à travers ces témoignages que de jeunes générations peuvent réfléchir sur nos actes passés et sur les choix que nous souhaitons prendre dans le futur. C’est de notre responsabilité de préserver cet héritage et d’en tirer les conséquences, car les personnes qui ont libéré leur parole, ont eu du courage. Même si aucun remord ne devraient peser sur eux, le refus de leur retraite de combattant est un acte fort et juste. Même après une guerre, les revoir retourner en Algérie fait si chaud au cœur. Je suis heureuse et touchée d’avoir pu ouvrir les yeux sur des sujets aussi importants.
mercredi 7 octobre 2020, par Anne Doussin
http://www.4acg.org/Retour-en-Algerie-Reflexions-d-une-etudiante
Rédigé le 16/10/2020 à 17:18 dans Guerre d'Algérie | Lien permanent | Commentaires (0)
Il pleure dans mon coeur
Comme il pleut sur la ville ;
Quelle est cette langueur
Qui pénètre mon coeur ?
Ô bruit doux de la pluie
Par terre et sur les toits !
Pour un coeur qui s'ennuie,
Ô le chant de la pluie !
Il pleure sans raison
Dans ce coeur qui s'écoeure.
Quoi ! nulle trahison ?...
Ce deuil est sans raison.
C'est bien la pire peine
De ne savoir pourquoi
Sans amour et sans haine
Mon coeur a tant de peine !
Rédigé le 16/10/2020 à 05:50 dans Poésie/Littérature | Lien permanent | Commentaires (0)
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