[Document muet] Ce document montre les suites des manifestations nationalistes du 8 mai 1945, en particulier la répression menée les jours suivants par l'armée française à l'encontre des populations civiles algériennes.
- Afrique > Algérie > Sétif
Éclairage
Si la date du 8 mai 1945 est celle de l'armistice et de la victoire sur le nazisme, elle représente en Algérie un tournant fondamental suite aux massacres coloniaux dans le Nord Constantinois.
Ce jour-là, dans la ville de Sétif, alors que les cérémonies et les festivités marquant la fin de la Seconde Guerre mondiale se mettent en place, la manifestation organisée par les nationalistes du PPA – MTLD (Parti du peuple algérien – Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques) dégénère. Les forces de police entendent retirer les drapeaux algériens et les banderoles appelant à la libération de Messali Hadj, le leader nationaliste arrêté le 23 avril 1945 puis emprisonné à Brazzaville, et réclamant l'indépendance de l'Algérie. C'est l'élément déclencheur d'une explosion de colère populaire longtemps contenue. Celle-ci s'explique notamment par une forte implantation du nationalisme dans la région, grâce à la diffusion depuis février 1943 du Manifeste peuple algérien par les Amis du Manifeste et de la liberté de Ferhat Abbas et le succès du PPA – MTLD, mais aussi en raison de la répression une semaine plus tôt des manifestations nationalistes du 1er mai à Alger et à Oran. Dans un contexte plus global, l'espoir d'obtenir le droit du peuple à disposer de lui-même dans le cadre de la conférence de San Francisco et de la Charte des Nations unies en cours de rédaction, sans oublier la constitution de la Ligue arabe, constituent un arrière-plan déterminant.
La manifestation de Sétif se transforme en émeutes meurtrières au cours desquelles plusieurs Français d'Algérie sont tués, puis des Algériens au cours de la répression. Un véritable mouvement insurrectionnel s'étend ensuite dans la région et se poursuit plusieurs jours. Ainsi à Kherrata, (Petite Kabylie), la révolte des paysans naît de façon spontanée dans l'après-midi, lorsque leur parviennent les informations de la ville. Des bandes d'hommes issus d'une population paysanne très pauvre, armés de quelques fusils, mais surtout d'outils agricoles et d'armes blanches, tuent sans distinction des Français d'Algérie, dans un esprit de vengeance du 8 mai. Le 12 mai, l'insurrection reflue mais le bilan affiche 90 Européens tués. L'état de siège est proclamé et l'armée doit réprimer 40 000 insurgés d'après ses propres estimations.
Selon l'historien Jean-Pierre Peyroulou : « les opérations militaires dépassèrent la simple activité de répression. Il y eut donc dans cette région une véritable guerre contre des civils très faiblement armés qui dura jusqu'au 24 mai, soit dix jours après que les assassinats d'Européens eurent cessé » (Jean-Pierre Peyroulou, « Les massacres du Nord-Constantinois de 1945, un événement polymorphe » , in Abderrahmane Bouchène, Jean-Pierre Peyroulou, Ouanassa Siari Tengour, Sylvie Thénault (sous dir.), Histoire de l'Algérie à la période coloniale 1830-1962, La Découverte – Barzakh, 2012, page 503).
C'est cette répression impitoyable, souvent aveugle, qui nous est en partie restituée par les images de ces rushes tournées le 17 mai 1945 par l'armée française. Les exécutions, comme celle qui est filmée au début du sujet, ont été nombreuses, généralement sans distinction entre populations armées ou civils désarmés. Les cadavres, tels ceux filmés ici, sont généralement abandonnés, sans déclaration. En plusieurs endroits, des milices européennes ont rejoint l'action des militaires. Nulle trace explicite dans ces rushes, même si une séquence montre des soldats s'entretenir avec des civils au bord d'une route.
Le bilan des événements fait apparaître 102 morts côté français, dont 90 dans la région de Sétif. Il est beaucoup plus difficile à établir concernant les Algériens. Le bilan diffusé par les autorités françaises fait apparaître 1165 morts, mais il est très éloigné de la réalité. Le PPA annonce 45 000 morts et l'amplifie parfois à 80 000. L'historien Jean-Pierre Peyroulou, en reprenant notamment d'autres sources militaires britanniques ou du renseignement ou encore le journal de Ferhat Abbas, estime que l'ordre de grandeur est de 15 000 à 20 000 victimes. Ce chiffre n'est pas celui d'une répression mais bien d'un massacre colonial de populations civiles.
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