A chaque fois qu'un acte criminel perpétré est relié de près ou de loin à des motivations religieuses pour ne pas dire islamiques surtout quand l'horreur le dispute à la consternation comme ce fut le cas pour la condamnable décapitation de l'enseignant Samuel Paty par un refugié tchétchène, toute la communauté musulmane de France se retrouve dans de beaux draps, contrainte de vivre avec la peur au ventre durant tout le temps que le crime en question occupe les esprits et les médias surtout. Alors, tout ce qui a un lien avec la religion musulmane devient (ir)réellement le point de mire de la nation éplorée, musulman pratiquant ou pas, barbu ou rasé de près, vêtu de qamis ou col blanc, burkini ou bikini, intello ou simple ouvrier d'usine, naturalisé ou simple résident, nouveau débarqué ou beur de l'ultime génération, utile à la France ou pas, baptisé ou arborant son prénom musulman comme un stigmate en l'occurrence, laïc, agoniste, déiste ou athée, tous sont coupables d'appartenir à la confession musulmane même s'ils s'égosillent à longueur d'année à apporter de l'eau au moulin de la République.
Tous se recroquevillent durant tout le temps que la tension est maintenue au summum, ils rasent les murs, se font tout petits, pestent contre le coreligionnaire qui a réveillé les démons patents du racisme et de l'islamophobie. On veut se renier, se convertir momentanément au christianisme, au judaïsme ou encore au bouddhisme pour être fréquentable, innocent et intégrable. La peur au ventre ne laisse point de place aux délices de la nourriture, aux lumières de Paris ; on étouffe dans ce décor tout à coup redevenu gothique et l'on voit partout des policiers prêts à bondir sur vous pour vous inculper d'homicide de Français. On s'impose un couvre-feu, on s'autocensure et se confine à loisir. Les victimes de Charlie Hebdo refont surface et leur journal redevient prisé, très vendable et les sinistres caricatures par qui l'islamophobie croit triompher sont (re)prises d'assaut et exhibées lors des rassemblements et les hommages subséquents.
La peur au ventre fait oublier la démocratie et les droits de l'homme, vous donne envie de réécrire l'histoire, replonger dans le passé avant l'affaire de l'éventail et envisager une vie en terre natale sans déchirement ni reniement. Tant que la tension est à son paroxysme, on s'en veut d'être là, on se trouve lâche de s'être expatrié, d'être proie aux caprices du destin. La nostalgie vous happe et en rajoute à la peur au ventre qui est l'unique lot de tous ceux qui sont liés de près ou de loin à l'islam là-bas. Il ne faut surtout pas se montrer dans les rassemblements où l'on rend hommage au défunt, il ne faut pas non plus se joindre aux pétitionnaires et signer je suis prof' car le nom aux consonances musulmanes est plausiblement rejeté, car en pareilles circonstances il ne fait bon être musulman dans l'hexagone. Même les nouveaux convertis adoptent un profil bas et vivent eux aussi avec la peur au ventre en dépit du bleu qu'ils ont dans les yeux.
2020 10 22
par Hatem Youcef
http://www.lequotidien-oran.com/?news=5294843
Malgré une certaine évolution, donc, dans le sens d'un nécessaire balisage réglementaire, le discours ou l'expression à bannir obéit à un choix très sélectif, pratiquement lié à celui développé par les islamistes radicaux et les réseaux qui font l'apologie du terrorisme. Des pays musulmans, dont l'Algérie, qui ont été les premiers à souffrir de l'exploitation religieuse à des fins apocalyptiques et engager une lutte sans répit, sur tous les fronts, contre ce visage haineux de l'islamisme radical et la barbarie terroriste, n'ont pas échappé aux critiques émanant de ces mêmes pays qui, aujourd'hui, trouvent qu'il faut agir pour neutraliser les islamistes radicaux.
Sans contrebalancer dans la même direction des donneurs de leçons, reconnaissant sincèrement la souveraineté des Etats à établir leur propre législation, il serait quand même plus équitable de faire preuve de plus d'égard aux musulmans qui ne sont pas tous des chantres de la radicalité ni des terroristes en force. Car, comme le rappelle le dernier odieux attentat de l'enseignant décapité en France, à chaque crime terroriste on fait subir aux musulmans le calvaire, leur déniant outrageusement jusques et y compris la liberté du culte. La liberté d'expression, comme toute liberté, s'arrête là où commence la liberté de l'autre. Seule la liberté d'expression dans le respect mutuel des valeurs religieuses et culturelles des autres peut construire un monde libre et harmonieux.
A quoi arrivera-t-on, au nom de la liberté d'expression, si chaque groupe commence à exposer des caricatures humiliantes sur les croyances religieuses, culturelles ou historiques des peuples ? Tout acte terroriste étant injustifiable et condamnable sous toutes ses formes, la liberté de publier des caricatures du prophète Mohamed (QSSL) pourrait dans l'esprit de cette liberté d'expression prônée autoriser la publication de caricatures autant humiliantes de tous les autres prophètes, ainsi que Bouddha, les vaches et la Shoah. En 2001, la destruction (en Afghanistan) par les talibans d'un symbole religieux culturel, en l'occurrence les statues géantes de Bouddha, avait provoqué un tollé international et a été unanimement condamnée. Liberté pour les uns d'humilier un symbole religieux, interdiction pour les autres de détruire des statues qui n'ont pas lieu d'exister dans leur croyance religieuse ?!
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