Pour remercier Mersault de son aide, Raymond l’invite avec Marie à passer un moment au cabanon de Masson. C’est là que les choses se corsent puisqu’ils ont été suivis par le frère de la maîtresse du voisin et un groupe d’Arabes. Si les principaux intéressés ne se rendent pas encore compte du drame qui va s’en suivre, ils ont choisi de se promener sur la plage après avoir déjeuné. Ils rencontrent alors une première fois leurs adversaires qui les affublent immédiatement de coups sans autre forme de procès. Touché d’un coup de couteau au visage, Raymond confie par la suite à Mersault qu’il est en possession d’une arme à feu. Ils décident tous les deux que ce dernier se chargera désormais de la tenir pour éviter un bain de sang.
Mersault décide de retourner sur la plage mais cette fois, avec le révolver que Raymond venait de lui confier en poche. Sans aucune surprise, il a de nouveau rencontré l’un des Arabes qui a tout de suite sorti un couteau. Ebloui par les reflets du soleil, celui avec qui Marie devait se marier a brandi son pistolet et tiré en direction de son adversaire. Si ce dernier s’est immédiatement retrouvé à terre, Mersault s’est approché de lui pour le cribler de quatre autres balles. Ce sont pourtant ces quatre autres coups qui ont rendu la légitime défense impossible à plaider par son avocat devant le tribunal.
L’intervention de la police est par la suite inéluctable. Mersault est alors incarcéré dans l’attente de son procès pour homicide. Pendant les jours qui précèdent sa comparution devant le juge, l’homme fait preuve d’une totale indifférence. C’est d’ailleurs ce même comportement qu’il ramène dans la salle pendant son jugement, provoquant ainsi l’indignation du procureur. Ce dernier n’ayant pas hésité à mettre en avant le fait qu’il ait moralement tué sa mère en l’internant dans un hospice. Les arguments de l’accusation étaient d’ailleurs surtout basés sur l’attitude de l’accusé lors des funérailles de sa mère. Finalement, le président du tribunal rend son verdict, condamnant ainsi Mersault à la Guillotine.
Révolté par l’aumônier de la prison qui tente de lui faire confesser son pêcher avant le jour de sa condamnation, Mersault entre dans une colère noire. Son athéisme l’a en effet conduit à ignorer toute forme de vie dogmatique à part celle qu’il considère comme certaine. Selon lui, cette colère s’est finalement apparentée à un exutoire qui lui a permis de s’ouvrir à l’indifférence du monde dans lequel il vit. Un fait qui l’a amené à souhaiter que plusieurs personnes soient présentes sur la place de son exécution pour le huer. Cela l’aurait aidé à se sentir moins seul.
L’histoire de Mersault nous confronte à la dure réalité de la vie en société. Ce conformisme obligatoire tend à considérer les rebelles comme des marginaux et les arguments avancés par le procureur lors de son procès en témoignent. Au final, Le seul crime du héros de ce roman était d’avoir tiré sur cet Arabe qui, soi disant voulait attenter à sa vie. Le tribunal en a pourtant profité pour le condamner sur des faits qui se sont passés bien avant ce drame.
Camus, à travers ce roman tente de véhiculer un message précis comme quoi la vie humaine peut parfois être dénuée de sens et de rédemption. Pour l’auteur, l’histoire de Mersault est la preuve formelle que tout le monde mourra bien un jour. Tous les personnages de L’étranger, de Camus ont fait preuve d’une totale indifférence à l’égard du personnage principal alors pourquoi devrait-il se conformer aux règles imposées par cette société qui l’a condamné à mourir atrocement sur la guillotine ?
Vous pouvez consulter en ligne ou télécharger gratuitement le roman l’Étranger d’Albert Camus en
https://www.anthropomada.com/bibliotheque/CAMUS-Letranger.pdf
REMARQUE
Ce livre est du domaine public au Canada parce qu’une œuvre passe
au domaine public 50 ans après la mort de l’auteur(e).
Cette œuvre n’est pas dans le domaine public dans les pays où il
faut attendre 70 ans après la mort de l’auteur(e).
Respectez la loi des droits d’auteur de votre pays.
L’étranger. Roman (1942)
Première partie
I
s
Aujourd'hui, maman est morte. Ou peut-être hier, je ne sais pas.
J'ai reçu un télégramme de l'asile : « Mère décédée. Enterrement demain. Sentiments distingués. » Cela ne veut rien dire. C'était peutêtre hier.
L'asile de vieillards est à Marengo, à quatre-vingts kilomètres
d'Alger. Je prendrai l'autobus à deux heures et j'arriverai dans
l'après-midi. Ainsi, je pourrai veiller et je rentrerai demain soir. J'ai
demandé deux jours de congé à mon patron et il ne pouvait pas me les
refuser avec une excuse [10] pareille. Mais il n'avait pas l'air content.
Je lui ai même dit : « Ce n'est pas de ma faute. » Il n'a pas répondu.
J'ai pensé alors que je n'aurais pas dû lui dire cela. En somme, je
n'avais pas à m'excuser. C'était plutôt à lui de me présenter ses
condoléances. Mais il le fera sans doute après-demain, quand il me verra en deuil. Pour le moment, c'est un peu comme si maman n'était pas
morte. Après l'enterrement, au contraire, ce sera une affaire classée
et tout aura revêtu une allure plus officielle.
J'ai pris l'autobus à deux heures. Il faisait très chaud. J'ai mangé
au restaurant, chez Céleste, comme d'habitude. Ils avaient tous beau-
Albert Camus, L’étranger. Roman (1942) 10
coup de peine pour moi et Céleste m'a dit : « On n'a qu'une mère. »
Quand je suis parti, ils m'ont accompagné à la porte. J'étais un peu
étourdi parce qu'il a fallu que je monte chez Emmanuel pour lui emprunter une cravate noire et un brassard. Il a perdu son oncle, il y a
quelques mois.
J'ai couru pour ne pas manquer le départ. Cette hâte, cette course,
c'est à cause de tout cela sans doute, ajouté aux cahots, à l'odeur
d'essence, à la réverbération de la route et du ciel, que je me suis assoupi. J'ai dormi pendant presque tout le trajet. Et [11] quand je me
suis réveillé, j'étais tassé contre un militaire qui m'a souri et qui m'a
demandé si je venais de loin. J'ai dit « oui » pour n'avoir plus à parler.
L'asile est à deux kilomètres du village. J'ai fait le chemin à pied.
J'ai voulu voir maman tout de suite. Mais le concierge m'a dit qu'il fallait que je rencontre le directeur. Comme il était occupé, j'ai attendu
un peu. Pendant tout ce temps, le concierge a parlé et ensuite, j'ai vu
le directeur : il m'a reçu dans son bureau. C'était un petit vieux, avec
la Légion d'honneur. Il m'a regardé de ses yeux clairs. Puis il m'a serré
la main qu'il a gardée si longtemps que je ne savais trop comment la
retirer. Il a consulté un dossier et m'a dit : « Mme Meursault est entrée ici il y a trois ans. Vous étiez son seul soutien. » J'ai cru qu'il me
reprochait quelque chose et j'ai commencé à lui expliquer. Mais il m'a
interrompu : « Vous n'avez pas à vous justifier, mon cher enfant. J'ai
lu le dossier de votre mère. Vous ne pouviez subvenir à ses besoins. Il
lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes. Et tout compte fait,
elle était plus heureuse ici. » J'ai dit : « Oui, monsieur le Directeur. »
Il a ajouté : « Vous savez, elle avait [12] des amis, des gens de son âge.
Elle pouvait partager avec eux des intérêts qui sont d'un autre temps.
Vous êtes jeune et elle devait s'ennuyer avec vous. »
. . .
Les commentaires récents