L’histoire du Maghreb, et celle des réseaux terroristes en particulier, passionne l’écrivain rennais. Le dernier tome de sa trilogie sur les attentats de 2015 vient d’être acheté par le réalisateur d’« Engrenages ».
Visage anguleux et crâne lisse, avant bras musclés et tatoués : cet écrivain a une gueule de mercenaire. Il faut sans doute du muscle pour prendre à bras-le-corps une période noire de l’histoire, longtemps ignorée des manuels, comme les conséquences de la guerre d’Algérie. Le point de départ de sa trilogie, dont le dernier tome, La fabrique de la terreur, vient de paraître.
L’Algérie, un pays qui le passionne, car son passé colonial ne cesse de nourrir l’histoire trouble de la France. « L’hypothèse c’est que quand l’État français a cessé de soutenir les militaires algériens, ils ont laissé passer le chaos en France. Car le chaos leur permettait de se maintenir au pouvoir ». C’est le sujet de La guerre est une ruse, premier tome de la trilogie, qui s’ouvrait sur les jeux de pouvoir entre services secrets français et militaires algériens en pleine montée du Front islamique du salut.
« Pourquoi des gamins se font sauter ? »
Le dernier opus La fabrique de la terreur a pour point de départ l’immolation d’un jeune marchand de fruit en Tunisie en 2011, jusqu’aux attentats de Charlie hebdo et du Bataclan en 2015. Vanessa Benlazar, reporter indépendante et Laureline Fell, commissaire du renseignement en deviennent les personnages centraux, qui comme l’auteur de polars, enquêtent sur la piste des réseaux terroristes.
« Pourquoi des gamins se font sauter ? Je ne cherche pas à les pardonner mais à comprendre les raisons sociologiques qui les poussent à en arriver là. On est frappé de voir que des auteurs d’attentats ralliés à Daech, étaient parfois en boîte de nuit la veille ! Peut-être était-ce tactique pour tromper l’ennemi, mais cela relevait aussi de la psychiatrie. »
Convictions tatouées
Frédéric Paulin avoue être un anxieux, que l’écriture apaise, comme une catharsis de sa colère. « Qu’est-ce qui me met en colère ? L’injustice, la mauvaise répartition des richesses. » Il assume l’étiquette d’écrivain engagé, regrette que le goût du débat d’idées se soit perdu dans les arcanes des réseaux sociaux. « Où l’on s’aperçoit que nos amis ont les mêmes idées que nous. C’est dommage, car nos ennemis peuvent avoir raison sur certains points. »
Ses convictions à lui, nul ne peut les ignorer : il a fait tatouer sur ses avant-bras « meat is murder » ( « la viande est un crime ») et « Future is unwritten » ( « le futur n’est pas écrit »). L’avenir n’est pas joué d’avance, à condition de l’empoigner. Membre de l’association de protection animale L 214, il n’a pas hésité à se plonger dans le monde des abattoirs pour écrire La peste soit des mangeurs de viande.
« Une charge contre la malbouffe mais aussi contre le traitement des salariés des abattoirs, qui a tourné à la catastrophe sociale avec les licenciements chez Gad par exemple. » Le livre a fait l’objet d’une adaptation en téléfilm, bientôt visible sur France 3.
Une série avec le réalisateur d’Engrenages
La confrontation, il se l’est coltinée dans plus d’une manifestation. Lors des émeutes du contre sommet du G8 à Gênes, les violences policières et la mort du manifestant Carlo Giulani l’ont marqué à vie. Ce sera le sujet de son prochain livre.
En attendant Frédéric Paulin a d’autres fers au feu. Comme l’adaptation en scénario de « La Fabrique de la terreur » avec Philippe Triboit, réalisateur des séries « Un village français » et « Engrenages ». « C’est une autre forme d’écriture. On cisèle les personnages. »
Se sent-il plus proche de Tedj Benlazar, agent du renseignement français en Algérie dans La guerre est une ruse ou de sa fille Vanessa, reporter trente ans plus tard dans La fabrique de la terreur ? « Je me sens proche de beaucoup d’entre eux, y compris les personnages féminins. Certains comme Tedj Benlazar ont vieilli avec moi, c’est l’avantage d’une trilogie sur trente ans. C’est comme une famille. »
La fabrique de la terreur, éditions Agullo noir 22 €
https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/frederic-paulin-l-ecrivain-mercenaire-de-l-histoire-6992088
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