Le défunt moudjahid Ghebalou H’mimed (à gauche) aux côté du défunt moudjahd, membre fondateur de l’UGTA et coordinateur des cellules clandestines des lycéens (Gaïd Tahar, à droite )
Au moment où le pays traverse la crise économique, les gestionnaires locaux en partenariat avec les mouvements associatifs locaux peuvent créer des richesses, une source locale de revenus, en entamant des actions pour lutter contre l’oubli, celui-ci rime également avec le tourisme.
L’expérience a eu lieu dans l’indifférence totale au niveau des daïras de Sidi Amar et de Cherchell. Le passé historique et révolutionnaire de chaque région du pays suscite encore l’intérêt et la curiosité des jeunes et moins jeunes compatriotes.
A l’issue d’une simple balade, la réaction des visiteurs avait été positive. Unanimes, ils avaient reconnu leur méconnaissance de la vie de leurs aînés décédés. L’organisateur de cette virée touristique et de recueillement a articulé son initiative sur des haltes au niveau des tombes d’Assia Djebar, Mustapha Sâadoun, Noufi Ahmed, dit Abdelhak et Ghebalou Ahmed, dit H’mimed. Au niveau de chaque halte, l’assistance, composée de quelques membres des familles des décédés et des jeunes étudiants, avait eu droit à des interventions hautement instructives.
Malheureusement, le passé révolutionnaire est totalement ignoré par ceux qui sont censés faire ce travail de mémoire au profit des jeunes, en quête du passé de leur pays. Nombreux parmi l’assistance avaient découvert les lieux où sont enterrés les patriotes qui se sont sacrifiés pour l’indépendance de leur patrie, l’Algérie. La moudjahida Fatma-Zohra malhayène, connue sous le nom d’Assia Djebar (1936-2015), ayant décroché son baccalauréat en 1953, a décidé de poursuivre ses études en France. En 1956, elle a répondu à l’appel du FLN. Elle a rejoint le FLN à Tunis en quittant l’université. Elle s’est occupée des familles algériennes réfugiées le long de la frontière algéro-tunisienne. Elle est l’auteur du livre La soif, publié en 1957. Sa notoriété devient planétaire en raison de ses travaux.
Elle sera élue à l’Académie française en 2005. La romancière, la cinéaste, l’universitaire, est demeurée attachée à son pays, l’Algérie, jusqu’à sa mort. Pour la 1re fois à Cherchell, des femmes venues d’autres wilayas du pays, afin d’assister à l’enterrement de «l’Immortelle» au cimetière de Cherchell. Morte, Assia Djebar a brisé les us et coutumes à Cherchell. La seconde halte concernait Sâadoun Mustapha (1918-2009), membre fondateur de l’équipe du MSC en 1947, un fervent défenseur des démunis et des ouvriers agricoles depuis les massacres du 8 Mai 1945.
Il a rejoint le maquis à la suite de l’accord du FLN et le PCA. C’est lui qui avait reçu l’autre héros, l’aspirant Henri Maillot, quand celui-ci avait détourné le camion chargé de munitions et des armes à feu. Le militant communiste et moudjahid Sâadoun Mustapha, désigné responsable politique dans les régions de l’Ouarsenis et du Cheliff durant la colonisation, avait échappé à la mort en 1956. Il a réussi à s’échapper du piège de l’armée coloniale.
L’officier supérieur de l’ALN, Lakhdar Bouregâa, commandant de la wilaya IV historique, l’avait reçu dans son PC à Blida. Lakhdar Bouregâa l’avait soutenu, lui remettant même la somme de 2000 francs français afin de trouver un refuge pour échapper à la traque. Anti-colonialiste jusqu’à sa mort, Sâadoun Mustapha avait été décoré en 1961 par l’astronaute russe, Youri Gagarine, au Kremlin (ex-URSS). A ce jour, il n’est pas reconnu. Aucune baptisation en son nom dans sa ville natale, au même titre que la moudjahida Assia Djebar et le moudjahid Ghebalou H’mimed n’a eu lieu. La culture de l’oubli se perpétue. La 3e halte s’est déroulée au niveau de la tombe du martyr Noufi Abdelhak (1932-1957)
Ancien joueur du MSC avant de rejoindre le maquis, il était à la tête d’un commando de l’ALN. Selon les témoignages de ses compagnons et djounoud au maquis, il était courageux jusqu’aux bouts de ses ongles. Il défiait la mort pour son pays. Son ultime action s’est déroulée à Lalla Aouda, située à l’extrémité ouest de la wilaya de Tipasa.
Lors de sa dernière embuscade, il avait infligé de très lourdes pertes matérielles et humaines au convoi militaire français. L’ALN a pu récupérer des documents, des armes, des munitions et des postes radio de l’ennemi, où plusieurs militaires ont été tués, un avion abattu et plusieurs camions incendiés. Le renfort de l’armée coloniale est arrivé par la suite et a perpétré un massacre contre les innocentes familles qui vivaient dans les zones rurales de cette partie de la wilaya. Noufi Abdelhak est abattu par l’un des soldats français, au moment où il était perché sur la tourelle d’un véhicule militaire. Il voulait dévisser une mitraillette 12/7.
Il est mort les armes à la main durant l’embuscade. Le bilan des pertes françaises était tellement ahurissant qu’il avait suscité les commentaires dans les journaux de l’Hexagone et les états-majors de l’armée française. Les maquis de Menaceur étaient la dernière étape de cette matinée. Arrivés au pied du pic de Menaceur, mitoyen avec les montagnes du Zaccar (Miliana), les membres de l’assistance découvrent les paysages féeriques et les reliefs de la commune de Menaceur. La vallée, les habitations rurales, les sources, les fruits et légumes naturels, l’hospitalité des habitants de ces zones rurales lointaines qui méritent une prise en charge.
Les visiteurs immortalisaient leur passage en photographiant l’environnement. En bas, au milieu de nulle part, enfoui sous un amas d’arbres et de végétation, reposent une dizaine de martyrs. Le moudjahid Ghebalou H’mimed (1936-2016) qui avait vécu dans ce fief durant la guerre de Libération nationale, avait souhaité reposer pour l’éternité à côté de ses compagnons martyrs de la Révolution. Son vœu a été exaucé. Il est difficile d’atteindre l’endroit, encore impossible quand il pleut. Ghebalou H’mimed fait partie des onze jeunes lycéens choisis par Abane Ramdane.
Le jeune Amara Rachid était à la tête de ce groupe de jeunes éclaireurs. Le groupe de jeunes lycéens était divisé en 5 cellules clandestines. Les 5 cellules se réunissaient à Alger. Le coordinateur des 5 cellules s’appelait Tahar Gaïd. Ce groupe mixte de jeunes lycéens avait rejoint bien avant le mois de mai 1956 le maquis afin que les responsables de la Révolution puissent connaître la réaction des maquisards. L’ambiance était formidable au maquis de Hammam Melouane (Blida).
L’appel du 19 mai 1956 avait été suivi. Pourquoi ces patriotes qui ont pour noms Ghebalou H’mimed, Assia Djebar et Sâadoun Mustapha n’ont pas, à ce jour, droit à une baptisation d’un édifice public ? Des anciens officiers de l’ALN avaient témoigné dans leurs livres mémoires les combats menés par ces enfants de la ville de Cherchell.
La projection des documentaires sur ces héros ne semble pas suffire aux décideurs du moment qui ignorent le passé glorieux de l’ex-Césarée. Malheureusement, le responsable local de l’ONM est dans une totale ignorance. Il suffit de voir comment il est arrivé à occuper son poste actuel ? Les authentiques témoins et acteurs de la guerre de Libération nationale sont à présent partis pour l’éternité, la voie est libre pour interpréter l’Histoire. Les futurs générations, soucieuses de connaître les luttes de leurs aînés, risquent de ne pas connaître la véritable Histoire. La course vers les intérêts personnels est cruelle et forte face à la découverte du passé. Les exemples ne manquent pas. Le travail de mémoire est fondé sur une rigoureuse recherche de la vérité, et ce, dans l’intérêt du pays.
Le groupe de touristes a achevé sa visite instructive et historique dans l’une des maisons rurales de Menaceur. Ils étaient invités par l’enfant du chahid, Hendi Abdelkader, ami de Ghebalou H’mimed. Un copieux déjeuner était composé d’une salade variée, une chorba, un couscous aux légumes, et des tranches fraîches de pastèque.
L’eau de source bien glacée était servie. Ce voyage sympathique donne des idées à ceux qui s’intéressent à un autre aspect de l’activité touristique à l’échelle locale. Une source de revenus à ne pas négliger à travers un travail de mémoire, avec l’art et la manière, n’est-ce-pas ?
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