L’enfant met ses mains devant ses yeux, pour ne pas être vu…
Est-ce que c’est un réflexe de quelqu’un à la dérive, ou l’effet d’une réflexion naïve ?
Voir et savoir sont pour lui synonyme. Il croit qu’il ne peut être vu à son insu… qu’à chaque fois qu’il a été vu, il l’a su.
C’est lourd de conséquence parce qu’il y a là un sous-entendu pour l’enfant qui se comporte comme un roi : Ce qu’il ne voit pas, n’existe pas !
Un brin de Saint Thomas : je ne crois qu’à ce que je vois… et un soupçon de Berkeley : « Esse est percipi » : ce qui signifie en latin : être c’est être perçu… to be is to be perceived, comme il dit dans la langue de Shakespeare.
L’enfant qui ne désire être vu se cache les yeux, alors que l’adulte que nous sommes devenus a peur de passer inaperçu !
La haute technologie l’a bien retenu… et s’emploie à rendre visible, tous les cœurs de cible… un peu trop risible comme dispositif…puisqu’il vous suffit désormais d’un petit clic sur son Smartphone pour voir et être vu… voir sans être vu… ne pas voir et se mettre à nu…
Cela va encore plus loin qu’un va et vient entre voyeurisme et exhibitionnisme… puisqu’il s’agit d’un existentialisme très particulier, que Hegel nous a légué et qui nous dit que c’est une question de vie ou de mort : besoin d’éclore. Désir de se manifester, volonté de s’extérioriser… d’être-dehors : ex-sistere… sortir pour s’en sortir… éloge du déconfinement… mais pas seulement… nous dit Hegel pour sauver le soldat humain ou songer à son salut, il faut le laisser être, lui permettre d’exister, de se faire connaître ou reconnaître.
Soldat qui n’existe que si l’on sait qu’il existe. Sans exagérer, on peut dire que sans nos yeux, il n’a pas lieu d’être.
Comme quoi il y a de l’enfant dans tout adulte, mais un enfant attardé qui passe le plus clair de son temps à rattraper son retard en faisant tout pour se faire voir.
D’où ma déception, lorsque je réalise que personne, absolument personne ne peut faire exception à cette règle… à part Dieu peut être ? Il est comme la rose, fleurit parce qu’il fleurit et ne désire ni surprendre, ni être surpris…
Ce qui est surprenant justement avec le nouveau monde virtuel, c’est qu’il n’y a plus de différence entre voir croire et savoir… je ne vous vois pas, mais je crois savoir que vous êtes là même si vous n’y êtes pas… et je vous le fais savoir même si je n’y suis pas.
Sur les trois verbes clés, j’accorde mon hashtag au verbe croire… car n’existe que ce que je crois qui existe… ce que je ne crois pas, n’existe pas… les Grecs disaient « Pistis » pour caractériser cette croyance qui équivaut à un pipi de chat… dans le royaume de la mauvaise Foi.
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