Le livre remonte à 2006. Intitulé Le rapport de la CIA, comment sera le monde en 2020, le politologue français Alexandre Adler y décrit une pandémie qui se déclencherait en Asie et qui serait provoquée par l’Homme. L’auteur évoque «l’apparition d’une nouvelle maladie humaine virulente, extrêmement contagieuse, pour laquelle il n’existe pas de traitement adéquat» et qui «pourrait déclencher une pandémie mondiale». «Si une telle maladie apparaît d’ici à 2025, des tensions ou des conflits internes ou transfrontaliers ne manqueront pas d’éclater. En effet, les nations s’efforceront alors – avec des capacités insuffisantes – de contrôler les mouvements des populations cherchant à éviter l’infection ou de préserver leur accès aux ressources naturelles», prédisait Alexandre Adler, dans ce passage repris par un média français.
«L’apparition d’une pandémie dépend de la mutation génétique naturelle, de la recombinaison de souches virales déjà en circulation, ou encore de l’irruption d’un autre facteur pathogène de la grippe aviaire tel que le H5N1 des candidats probables à ce type de transformation, mais aussi d’autres agents pathogènes comme le coronavirus du Sras, et diverses souches de la grippe qui auraient les mêmes propriétés», ajoutait-il, en précisant que «dans un tel scénario, la maladie tarderait à être identifiée car le pays d’origine ne disposerait pas des moyens adéquats pour la détecter». «Il faudrait des semaines pour que les laboratoires fournissent des résultats définitifs confirmant l’existence d’une maladie risquant de muter en pandémie», soulignait-il.
Dans sa conjecture, Alexandre Adler parlait déjà de confinement généralisé : «En dépit de restrictions limitant les déplacements internationaux, des voyageurs présentant peu ou pas de symptômes pourraient transporter le virus sur les autres continents. Les malades seraient de plus en plus nombreux, de nouveaux cas apparaissant tous les mois» et mettait en avant «l’absence d’un vaccin efficace ou d’immunité» qui «exposerait les populations à la contagion». «Dans le pire des cas, écrit-il, ce sont de dix à plusieurs millions d’Occidentaux qui contracteraient la maladie, et les morts se compteraient par dizaines de millions. Dans le reste du monde, la dégradation des infrastructures vitales et les pertes économiques à l’échelle mondiale entraîneraient l’infection d’un tiers de la population du globe et la mort de centaines de millions d’êtres humains».
Bien que les chiffres soient exagérés, il n’en demeure pas moins que cette prédiction d’Alexandre Adler s’est réalisée, si bien que son livre a été qualifié, en son temps déjà, de «document exceptionnel, unique même», tandis que d’autres critiques y ont vu une «réflexion passionnante» et une «cartographie du futur» s’appuyant sur des «sources et des hypothèses extrêmement sérieuses».
Vingt-cinq experts internationaux ont participé à l’écriture du livre prémonitoire sous la supervision d’Alexandre Adler.
Alexandre Adler.
Par Karim B
LE RAPPORT DE LA CIA : COMMENT SERA LE MONDE EN 2020 ?
Et quel rôle pour l’Europe ?
Voilà un ouvrage qui, sorti au mois de septembre dernier, aura défrayé la chronique et connu un beau succès d’estime lors du dernier trimestre 2005...
Un ouvrage de prospective géostratégique élaboré par une officine de la CIA.
Médiatisé alors sous le nom de « Rapport de la CIA » et bénéficiant, là encore, d’une brillante préface d’Alexandre Adler d’une cinquantaine de pages, il s’agit là d’un vaste travail de compilation d’informations et de recherche prospective.
Et cet énorme travail a été opéré par un « think tank » étasunien effectivement en connection directe avec la centrale de renseignement américaine, avec le Pentagone et avec le Département d’Etat : le « National Intelligence Council » ou NIC (i. e : Conseil national du renseignement (www.cia.gov/nic).
Ce document -co-écrit par vingt-cinq universitaires et autres experts internationaux (et initialement dénommé « La carte du monde futur : rapport projet 2020 » )- a été élaboré dans le but de fournir des pistes de réflexions et d’actions pour les dirigeants étasuniens des quinze années à venir.
En effet, comme l’indique le sous-titre de cette édition française, il s’agit surtout là d’imaginer « Comment sera le monde en 2020 ? » tout en nous demandant, à l’instar des experts de la CIA, si (page 166) ’’l’Europe pourrait-elle devenir une superpuissance ?’’.
En effet, pour ce qui nous concerne il nous semble effectivement opportun de jeter un petit coup d’œil sur ce que ces fameux experts américains pensent pouvoir être le futur rôle de l’Europe dans le monde à venir et pour les quinze prochaines années.
Après en avoir lu et relu les quelques pages touchant de près ou de loin le sujet (pages 157 à 160, pages 163 à 171, pages 166 à 168 et pages 175 à 177), on en retiendra donc principalement les points suivants :
Que sera l’Europe en 2020 ?
Par delà les éventuelles turbulences événementielles à venir, l’Europe y est surtout décrite comme une « puissance vieillissante » sur le déclin (page 157).
Une Europe ’’sur le déclin’’ puisque subissant des mutations démographiques aux conséquences évidentes -bien que prévisibles- pour ses structures sociaux-économiques.
(Dans un monde des années 2020 comptant près de 7,8 milliards d’individus mais dont les populations réunies d’Europe -communautaire ou non- et de Russie ne représenteront qu’environ 10 à 15% seulement de la population mondiale...).
Ainsi les auteurs pointent du doigt (page 166) les grands déséquilibres structurels existant, aujourd’hui, entre actifs « cotisants » et non-actifs « allocataires » d’un État providence à présent au bord de la faillite du seul fait de l’arrivée à l’âge de la retraite de la génération née lors du « baby boom » (mais non remplacée sur le marché du travail par des effectifs au moins comparables).
C’est pourquoi ils appellent à la redéfinition du « pacte social » et à la rédéfinition de cet « État providence » unissant aujourd’hui les sociétés européennes, au risque de les voir -sinon- glisser de l’impuissance vers la crise, puis de celle-ci vers la faillite, voire la désintégration...
Parmi les remèdes qu’ils préconisent, deux solutions qui feront grincer bien des dents dans nos sociétés conservatrices : recourir à davantage de flexibilité sur le marché du travail et accueillir davantage d’immigration légale (pour combler les emplois laissés vacants par les prochains départs en retraite...).
Relever les défis, pour devenir un « Modèle de rechange »
Au-delà de ces premiers -mais décisifs- défis structurels et politiques, les auteurs voient néanmoins l’Europe conserver un pouvoir d’influence non négligeable dans le monde multipolaire du tout début des années 2020.
Et ce, pourvu qu’elle puisse donc réformer son pacte social, pourvu qu’elle puisse toujours accompagner (voire précéder...) le rythme des grandes innovations technologiques, pourvu qu’elle conserve son aptitude à forger des liens forts avec la Russie (avec laquelle elle pourraît négocier un partenariat énergétique fructueux...) (Cf. pages 170 et 171) ainsi qu’avec le Monde « eurasiatique » (i. e : la Turquie) et avec l’ensemble des pays de la « rive sud » du monde méditerranéen.
Mais aussi (ce qui nous intéresse davantage ici...) pourvu qu’elle puisse continuer de pousser son approfondissement institutionnel « par la rationalisation de son processus de décision trop compliqué » (page 168).
Et ce : tout en sachant se dôter d’une « vision stratégique cohérente et partagée » (page 158) ainsi que -pourquoi pas- d’une Armée européenne, par la rationalisation et la coordination de ses dépenses militaires (page 159).
Ainsi, l’Europe ’’unie’’ pourrait fournir un modèle de gouvernement « ouvert » et « démocratique » au reste du monde ainsi qu’aux nouvelles puissances émergentes (page 159) : une ’’solution de rechange’’ (mais néanmoins toujours ’’occidentale’’) à leur très probable refus politique d’une dépendence davantage encore prolongée à l’égard des États-Unis d’Amérique.
Et c’est dans ce cadre que les auteurs voient enfin l’Europe surmonter ses dernières réticences vis à vis de la Turquie, s’impliquer davantage encore dans le processus de paix israélo-palestinien et dans la stabilisation politique de « l’arc de crise » des anciennes républiques ex-soviétiques et du monde arabo-musulman (pages 175-176-177).
Avant toute chose : des réformes structurelles et sociétales incontournables
Mais les auteurs ne cachent pas que la réalisation de ce scénario plus ou moins optimiste passe d’abord, à leurs yeux, par de profondes réformes sociales et comportementales incontournables.
Faute de quoi, les pays d’Europe seront « confrontés à une période de stagnation économique prolongée » qui pourrait (page 160) menacer les « immenses acquis » (sic) résultant de l’actuel processus de construction européenne.
Pour l’heure, ne retenons donc que le scénario « rose » qui nous est ici proposé en ayant la conscience claire des défis politiques et sociaux qui nous attendent pour aller vers une mondialisation, si possible, moins malheureuse...
Car -attention (et c’est d’ailleurs -là- la morale évidente et le sens profond de cet ouvrage...)- le monde qui vient, pour multipolaire qu’il soit, ne s’annonce néanmoins pas comme un monde particulièrement calme ni appaisé.
Car, entre affirmation de la puissance étasunienne, contestation révolutionnaire islamiste et montée en puissance de ’’nouveaux géants’’ politiques économiquement dynamiques (Chine, Inde, Brésil, Indonésie, Russie, Indonésie, Afrique du sud, etc), ce XXIème siècle qui se profile devant nous s’annonce vraiment difficile pour toute société fragile qui serait, décidément, incapable de se réformer.
Un diagnostic qui, en tout cas, ne doit pas nous laisser insensible.
Et ce -qu’on y souscrive ou pas- dans la mesure où (de toute façon et quoi qu’il advienne véritablement...) c’est précisément ce diagnostic là qui guidera l’action -à l’égard du monde en général et à l’égard de l’Europe en tout particulier- des prochaines administrations présidentielles étasuniennes qui seront amenées à, prochainement, se succéder à la « Maison blanche »...
Sources : « Le Rapport de la CIA : Comment sera le monde en 2020 ? », un ouvrage paru en septembre 2005, aux éditions Robert Laffont (270 pages).
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