Le Covid-19 porte aussi à réflexion. Dans sa première allocution, Emmanuelle Macron suggérait de lire pour mieux aborder le confinement. À l’heure de la zappette reine et des digressions farfelues sur internet, ce chemin de traverse livresque pouvait paraître iconoclaste, incongru ou a minima prêtant à sourire. Pourtant, la fièvre de la (re) lecture du Nobel français Albert Camus a grimpé voilà un mois en Italie. Depuis, dans de nombreux pays, des milliers de confinés se replongent dans « La Peste » où le docteur Rieux « ayant le goût de ses semblables » affronte ce que les politiciens de l’époque qualifiaient de « mauvais rêve qui va passer ». Les jours passent et leurs concitoyens trépassent. Le philosophe de l’absurde estime « qu’il y a dans les hommes plus de choses à admirer que de choses à blâmer ». Camus l’écrivit peu après la sortie du livre à son ami - philosophe lui aussi - Roland Barthes :
« La Peste a cependant comme contenu évident, la résistance européenne contre le nazisme ». Chacun retrouvera dans la relecture de son chef-d’œuvre une symétrie à sa guise. Une chose est certaine. Les personnages font leur métier d’hommes comme nos personnels soignants que l’on a peu entendu geindre. Comme eux, ils ne renoncent pas. Avec la solidarité de tous et le sacrifice de quelques-uns, ils parviennent à transcender la solitude et le sentiment d’abandon. Cela ne mérite-t-il pas d’être médité à l’heure de l’individualisme forcené et des délires décérébrés sur les réseaux asociaux pour reprendre une formule de Bernard-Henri Lévy. Le philosophe parfois agaçant et péremptoire nous rappelle avec justesse cette semaine qu’au-delà de la « mort noire », la terrifiante peste bubonique en 1348 qui tua un Européen sur deux, nos parents ont connu la « grippe asiatique », 2 millions de morts en 1957. Comme le coronavirus, elle est partie de Chine, a parcouru l’Iran, l’Italie jusqu’au… Grand Est, déjà ! Puis en 1968, la « grippe de Hong Kong » a décimé 36 000 Français(es). Son souvenir s’est dilué dans la mémoire collective, comme quoi, on peut aussi se rallier à Camus quand il écrivait : « L’important n’est pas de guérir, mais de vivre avec ses maux ».
2020- 04-10
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