Du point de vue juridique, il y en a un : l’état d’urgence voté pendant la guerre d’Algérie en 1955, utilisé ensuite en 2005 pendant les émeutes urbaines puis après les attentats terroristes de 2015. Il s’inscrit aussi dans une tradition anthropologique. Dans « les Anormaux », Michel Foucault explique qu’il y a eu dans l’histoire deux manières de lutter contre les épidémies. Le modèle de la lèpre, dominant pendant très longtemps, consistait à exclure les malades aux marges de la cité en les entassant dans des léproseries. Le modèle de la peste, qui s’est imposé à l’âge classique, consistait au contraire à confiner les pestiférés chez eux, à estampiller les maisons pour désigner les foyers infectés. Ce modèle d’inclusion permet d’investiguer scientifiquement sur la population afin de tenter de la guérir. Les mesures prises aujourd’hui s’inscrivent dans cette logique même si le contexte a évidemment changé. Ce qui est inédit – la loi du 23 mars sur l’état d’urgence sanitaire ayant donné une base légale aux décisions gouvernementales –, c’est la combinaison du juridique et de l’anthropologique.
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