Car la France, notre « cher et vieux pays », est malade. Il est patraque, flapi, atteint par un virus moins mortel que celui qui nous vient de Wuhan mais non moins efficace en délabrement du mental. La France est économiquement plutôt en forme. Culturellement, elle se tient. Militairement elle est active et se défend. Diplomatiquement elle essaie de compter encore, même si rares désormais sont ceux qui l’écoutent, à Washington, Londres ou Pékin. Le couple formé avec l’Allemagne bat un peu de l’aile, l’aile berlinoise s’affaissant un peu.
Socialement, la France est exténuée, percluse de rhumatismes et d’arthrose. Elle ne sait plus où donner de la colère. Tout fait aliment à des revendications. De toutes les catégories montent des lamentations plus ou moins compréhensibles. Les avocats font bloc autour de la cagnotte de leur caisse de retraite, les cheminots autour de leurs avantages acquis, les médecins hospitaliers sont accablés de tâches qui n’ont rien à voir avec la médecine et doivent enfin se soucier du sort des gens du bas de l’échelle avec qui ils travaillent et que, depuis des années, ils se contentaient de regarder de haut. Les profs n’en peuvent plus de porter le poids d’une société décomposée. Les policiers en ont assez, comme les pompiers, d’être caillassés quand ils interviennent là où l’état de droit est aboli. Ils n’en peuvent plus de la haine et des injures publiques des réseaux dits sociaux et des défilés de gilets jaunes, rouges ou noirs. Les députés macronistes ne supportent plus d’être vilipendés par le chef de l’État pour avoir, sur consigne de son gouvernement, manqué « d’humanité » lors du vote scandaleux sur les deuils familiaux. Paris, faute d’éboueurs, se pince le nez devant les tas d’ordures dont Marseille a plus l’habitude, ce qui ne console de rien. L’Église se remet des accusations récurrentes qui, à la faveur d’affaires sportives ou cinématographiques, s’éloignent d’elle à son soulagement légitime. Les « communautés » se toisent, l’œil mauvais.
À l’Élysée, le lointain successeur de de Gaulle médite-t-il en son for intérieur sur l’état du pays, meilleur qu’en juin 1940, ou ne voit-il rien de ce qui se passe dans les têtes et du délitement lent, sûr et dramatique du tissu national ? Est-il autant « hors sol » que l’affirment ses adversaires et concurrents d’hier et de demain ? On ne saurait sonder les reins et le cœur du chef de l’État. On ne voit que le personnage médiatisé, pas la personne. Il est pourtant attaqué de toutes parts comme personne supposée en vertu de ce qui se laisse entrevoir derrière le personnage. Plus tard, aura-t-il droit à un vrai destin de héros ou, comme plusieurs de ses prédécesseurs depuis 1969, passera-t-il la fin de son parcours mémorable dans les arrière-cours de la République sans cœur où nous nous agitons les uns et les autres dans une sorte de nouvel exode, cette débâcle sans autres bombardements que ceux que nous déclenchons.
Cher et vieux pays… à l’insatisfaction toujours recommencée. Nous devrions la revendre à l’exportation.
https://www.la-croix.com/Debats/Chroniques/Cher-vieux-pays-2020-02-07-1201076981
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