Racines. Maintenant que la crise est derrière nous. Maintenant que nous avons, enfin, élu notre président de la République. Maintenant que nous sommes en marche vers une nouvelle République. Maintenant que tout le monde admet que la relève générationnelle est imminente. Il apparaît, pour toute âme sensée, qu’il est grand temps de dire à cette génération qui prendra le témoin, d’où nous venons et ce qu’il a fallu consentir comme sacrifices pour parvenir à l’indépendance. Et pourquoi la puissance coloniale, la France en l’occurrence, «joue les prolongations», depuis plus d’un demi-siècle, pour nous remettre nos archives. Un refus masqué par des subterfuges que tout le monde aura compris ce qu’ils cachent réellement. Des secrets d’Etat français toujours en vigueur. La preuve ? La toute dernière. Lorsque le président français, Emmanuel Macron, déclare, le 21 décembre dernier, à partir de la capitale de Côte d’Ivoire que « la colonisation a été une erreur et une faute de la République», il faut avoir eu, comme lui, sous les yeux ces fameux secrets d’Etat contenus dans les archives sous scellés pour avoir les tenants et aboutissants de cette «faute» et de cette «erreur». Par contre, lorsqu’il a qualifié la colonisation de «crime contre l’humanité» en 2017 alors qu’il n’était que candidat à la présidence, il lui a suffi de lire Alexis de Tocquevile ainsi que l’histoire de son pays sur les enfumades commises en Algérie ainsi que le nombre d’habitants en Algérie en 1830 et le comparer à celui du 5 juillet 1962 pour s’en convaincre. Mais tout ceci reste à parfaire par une écriture de l’Histoire (avec un grand H) de notre pays. Par nous-mêmes. Cette écriture ne doit pas se contenter de la période de la guerre de Libération nationale du 1er Novembre 1954. Cette guerre n’est qu’une conséquence de causes qui remontent à la Révolution française de 1789. D’ailleurs et pour mieux noyer le poisson, les historiens français se sont évertués jusque-là à insister sur cette seule période. Et plus sournoisement, en s’étalant sur ce qu’ils appellent «les luttes à l’intérieur du Mouvement nationaliste» plutôt que mettre en présence les deux parties qui se faisaient la guerre. C’est-à-dire le FLN et l’ALN contre le pouvoir français. Il est inadmissible qu’en 2019, les Algériens continuent d’aborder leur histoire sous ce seul angle. Qui a décidé la colonisation ? Pourquoi et quand ? Pourquoi seulement l’Algérie et pas le Maroc et la Tunisie qui ont été placés sous le régime du protectorat ? Pourquoi ne parle-t-on nulle part du rôle de Talleyrand surnommé «le diable boiteux» qui a occupé plusieurs postes politiques de 1780 à 1834. Homme très influent, il faut lire le livre de Pierre Serval «la ténébreuse prise d’Alger» pour comprendre qu’il était de mèche avec Bacri et Busnach les deux escrocs qui ont monté le prétexte de l’invasion militaire française. On est loin des intérêts de la France. Encore une preuve ? Pourquoi différentes étapes ont été programmées ? D’abord il s’agissait d’une expédition militaire dont la mission était «de punir» le dey et de retourner en France. L’expédition vira à l’occupation. Puis à la colonisation et enfin à l’annexion pure et simple. Nous avons des historiens capables de répondre à ces questions et bien d’autres encore. Nous avons des historiens pour décrire les atrocités des militaires français. Nous avons des historiens pour relever que même engagée la parole de la France ne valait rien. Notamment avec l’Emir Abdelkader. Nous avons des historiens capables de démontrer que les premiers pirates de l’air sont des français qui, en 1956, ont agi sur ordre de l’administration. Nous n’avons pas besoin d’attendre que la France veuille bien nous remettre nos archives pour écrire notre Histoire. Aucun pays au monde n’a écrit son histoire avec ses côtés sombres. Elle est toujours enjolivée pour préserver la fierté de la population. Il n’y a jamais d’objectivité dans l’écriture de l’Histoire des peuples. Celui qui avancerait le contraire ne serait qu’un fieffé menteur. Aujourd’hui que le passage du témoin est à l’ordre du jour, il nous faudra nous y préparer. Et bien nous préparer. L’écriture de l’Histoire est une pièce maîtresse de cette bonne préparation. Pour que la génération qui prendra le relais comprenne pourquoi le danger venant de l’ancienne colonie est bien réel. Qu’il ne relève d’aucune paranoïa comme voudraient le faire croire, à moindre frais, nos ennemis. Que même la France est en danger pour les mêmes faits. Le président français, De Gaulle a échappé à plusieurs attentats à cause de l’Algérie. Il est aujourd’hui considéré comme «traître» par certains milieux de «l’Algérie française». Il faut suivre la haine d’un BHL ou d’un Zemmour pour se convaincre de ne jamais baisser la garde. C’est pourquoi, on peut dire, sans exagérer, que l’écriture de notre Histoire est une nécessité vitale !
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